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Intervention de Hervé Lemoine

Réunion du 29 septembre 2009 à 16h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Hervé Lemoine, maire de Montfermeil :

Je vous remercie d'avoir fait de ce sujet un débat public. Certains, se plaçant sur le terrain quantitatif, ont voulu considérer qu'il s'agirait d'une question marginale, mais la résonance qu'a le débat dans l'opinion publique montre qu'il n'en est rien.

Après avoir répondu aux questions que vous nous avez posées, je me permettrai, fort de mon expérience personnelle – j'habite depuis 25 ans à Montfermeil dont je suis le maire depuis 2002, mais j'ai aussi beaucoup voyagé de par le monde pendant dix ans, ce qui m'a fait connaître un certain nombre de cultures, de civilisations et de pays – de dire quelles sont, à mon sens, les lacunes de l'approche que vous avez décrite, tout en sachant que c'est un premier pas et vous serez sans doute amenés à aller plus loin.

Vous nous avez interrogés sur l'évolution du port du voile intégral. Je ne sais la mesurer, mais je constate une évolution par poussées selon les périodes. Sans pouvoir l'expliquer précisément, je perçois différentes motivations. Il peut s'agir d'une transposition temporaire de coutumes d'autres lieux par des populations qui ont bénéficié depuis peu du regroupement familial. Il peut aussi s'agir d'une « ré-islamisation » de populations qui vivent en France de longue date – et je me dois à ce sujet de signaler aussi la pression sociale croissante qui s'exerce sur les musulmans qui ne souhaitent pas observer le jeûne du Ramadan. Il peut s'agir encore d'une ignorance complète des habitudes françaises par des personnes souvent issues d'un milieu rural, analphabètes, arrivées en France par mariage et qui restent figées dans les comportements qui étaient les leurs dans leur pays d'origine. On peut aussi être face à des femmes soumises, en retrait de la société – et il en existe dans toutes les catégories sociales. On peut enfin être confronté à une attitude de défi et de revendication, qui s'observe particulièrement chez des adultes âgés de moins de 40 ans, souvent issus de milieux instruits. Ainsi, paradoxalement, à Montfermeil, ce n'est pas dans le quartier populaire que l'on voit le plus de burqas mais dans des quartiers pavillonnaires habités par des classes moyennes qui savent parfaitement le sens de ce comportement au regard de la société française.

Je viens d'entendre dire qu'il n'y a aucune prescription relative au port du voile intégral dans le Coran. Soit, mais elle existe dans la Sunna, deuxième source de la théologie islamique. Vous avez souhaité exclure le religieux du débat, et j'y reviendrai ; pourtant, le fondement religieux du port du voile intégral est réel.

Oui, le port de la burqa constitue une atteinte à la laïcité.

Au-delà du législateur, une prise de conscience et une prise de position très forte de toute la société française sont nécessaires, parce que le port de la burqa pose problème là où il se propage. Il en va en quelque sorte de la burqa comme de Dieudonné : les idées qu'il véhicule sont partagées par 0,5 % de la population générale mais par 30 à 40 % de la population dans certains quartiers. Autrement dit, le phénomène peut être considéré comme marginal vu de Sirius, mais il est important là où il se manifeste. Il ne faut donc pas laisser les populations et les élus des communes concernées seuls face à ces problèmes.

Je souhaite, d'autre part, revenir sur la manière dont votre mission envisage ses travaux. Je m'exprimerai à titre personnel et mes propos n'engagent pas l'association dont je suis membre. Vous nous avez dit, M. le président, que la mission souhaite rester hors du champ du religieux. Or le Coran formant un tout et l'islam étant davantage qu'une religion, cette approche conduit à amputer la réflexion d'une dimension fondamentale. Mais je conçois que la prudence vous guide, la même prudence politique qui a fait dire au Président de la République que « la burqa n'est pas un signe religieux ».

Vous dites encore refuser tout amalgame entre des pratiques issues de l'intégrisme et du salafisme pour préserver le dialogue avec « les représentants du culte musulman ». Ne nous leurrons pas : les représentants du culte musulman ne représentent qu'eux-mêmes. En effet, tout musulman trouvant dans le Coran ou dans la Sunna les justifications de son comportement s'exonère de la pression et des indications de ceux que la République a accrédités comme ses représentants, et qui pour lui ne sont rien.

Vous avez enfin parlé de l'islam « respectueux de la République et de la laïcité ». Je considère pour ma part qu'il n'est pas de compatibilité possible entre l'islam et les démocraties laïques. Que des individus de culture et de confession musulmanes puissent adapter leur comportement aux principes républicains, c'est une chose, mais qu'islam et démocratie soient compatibles, je n'y crois pas un instant. Aussi, expliquer aux musulmans en quoi les valeurs républicaines peuvent à certains moments entrer en conflit avec les préceptes de l'islam serait une approche intellectuelle plus juste et plus respectueuse des personnes.

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