Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Régis Juanico

Réunion du 16 septembre 2009 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

On doit s'interroger sur l'opportunité de ce texte. Cette proposition de loi est un vrai mystère, à tel point que le groupe SRC s'interroge sur les réelles intentions du groupe UMP et de la ministre, Mme Pécresse. Pourquoi une telle précipitation ? Déposée le 8 juillet, examinée en commission aujourd'hui, la proposition viendra en séance le 28 septembre. C'est un texte bâclé, dont plusieurs des acteurs les plus concernés de l'enseignement supérieur n'ont pris connaissance qu'il y a une semaine, même si certains ont été depuis auditionnés par le rapporteur.

Il y avait pourtant d'autres priorités politiques en cette rentrée. Sans même parler de la crise, de l'emploi, du pouvoir d'achat ou des bonus des traders, on pouvait espérer un débat approfondi sur de nombreuses questions touchant à l'enseignement supérieur et à la recherche – ces questions qui ont entraîné le mouvement de mobilisation sans précédent que viennent de vivre les universités : suppressions d'emplois, moyens financiers des universités, réforme des IUFM et de la mastérisation, statut des enseignants-chercheurs.

Deux ans après l'adoption de la loi « libertés et responsabilités des universités », qui était au coeur de ce mouvement, il aurait été utile de chercher à l'améliorer. On aurait aussi pu discuter de l'échec du plan licence, appliqué dans seulement 30 % des universités, des 10 000 étudiants qui verront leur bourse baisser cette année, de l'amélioration de la vie étudiante ou de l'accompagnement financier des universités laissées pour compte.

Par rapport à ces questions, celle du vote électronique est franchement anecdotique. Personne d'ailleurs n'était demandeur : à aucun moment, depuis que la question de la démocratie étudiante est discutée entre les ministres successifs et les organisations concernées, ni avec Luc Ferry, ni dans le cadre de la préparation de la loi dite LRU de 2007, ni dans le groupe de travail sur la vie étudiante mis en place par Valérie Pécresse, elle n'aura été évoquée par les principaux acteurs.

Pour ce qui est du texte proprement dit, il nous semble que des problèmes pratiques s'opposent à ce qu'il donne les résultats que vous en attendez, à commencer par l'insuffisance de l'équipement informatique des universités. Ainsi, seulement un tiers des universités disposent d'un espace numérique de travail. Pareillement, seuls 35 % des étudiants possèdent un ordinateur connecté à internet – avec des inégalités très fortes entre filières et étudiants, le taux d'équipement en médecine et sciences par exemple n'ayant rien à voir avec celui des sciences humaines. Il y a là un premier obstacle fondamental.

Par ailleurs, deux arguments avancés dans l'exposé des motifs pour justifier cette proposition de loi ne tiennent pas. La faiblesse du taux de participation ne s'explique pas par l'obligation faite aux étudiants de se déplacer pour voter, puisque les bureaux de vote sont installés sur les lieux d'enseignement ! Des améliorations seraient peut-être envisageables concernant le nombre de bureaux de vote, leur emplacement, ou la durée des opérations électorales, puisque les étudiants ne sont pas forcément présents tous les jours de la semaine, mais votre argument en soi ne vaut pas.

Il n'est par ailleurs pas démontré que le vote par internet favorise la participation – des exemples récents semblent plutôt faire apparaître le contraire. Le taux de participation à l'élection du conseil d'administration du CNRS, qui était de 46 % en 2001, le vote se faisant par correspondance, est tombé à 32 % en 2009 alors que le vote s'est fait par internet. Pour l'élection des membres de l'assemblée des Français de l'étranger, la part des électeurs votant par internet est passée de 60 % en 2003 à 9 % en 2009. Et lors de la dernière élection au conseil de prud'hommes de Paris, où le vote par internet était admis, le taux de participation a été de 18 % contre une moyenne nationale de 25 % !

Votre second argument est que l'organisation des élections coûte cher et que le vote par internet permettrait de faire des économies. Mais son apparente simplicité masque en fait une complexification des opérations électorales. Le vote par internet implique la mise à disposition de serveurs informatiques et la mobilisation de personnes qualifiées, nombreuses, pour installer le matériel, le tester, le corriger si besoin, et gérer le système durant toute la période de vote. Nous ne disposons d'aucune étude d'impact pour savoir combien coûtera ce texte et qui paiera – et je rejoins Marie-Hélène Amiable sur la question de sa recevabilité financière – mais il est fort à parier que ce système coûtera plus cher que les actuels bureaux de vote.

Enfin, le vote par internet est le moins à même de garantir la transparence des opérations électorales, puisqu'il prive les électeurs de leur capacité effective à surveiller le déroulement des élections et de constater la sincérité des résultats. Sans doute cette proposition de loi a-t-elle des intentions cachées, mais même si elle partait d'un bon sentiment, elle offre une mauvaise solution, fondée sur des présupposés erronés. C'est pourquoi, tout en défendant des amendements de repli visant à l'amélioration de la démocratie étudiante, notre groupe votera contre cette proposition inopportune.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion