Cette proposition de loi, que j'ai déposée avec plusieurs collègues, a pour objet de permettre l'élection à distance, par voie électronique, des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Elle est inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire, et devrait être examinée en séance le 28 septembre.
La participation du personnel et des usagers à la gestion démocratique des EPSCP, principe posé par l'article L. 711-1 du code de l'éducation, repose sur l'élection de leurs représentants à différents conseils. Pour vivre, la démocratie universitaire requiert une forte participation à ces élections. Or la participation étudiante à ce type de scrutin est d'une faiblesse consternante. Dans les universités, elle plafonne autour de 15 %, et peut ne pas dépasser 5 % dans certaines filières. Cela se traduit par un affaiblissement de la légitimité des conseils, légitimité pourtant indispensable à la pleine application de la loi du 10 août 2007 qui vise à accroître l'autonomie des établissements. Les raisons de cette désaffection sont multiples, de l'anomie des étudiants inscrits dans des filières aux effectifs pléthoriques, à l'absence de véritable campagne. Mais l'une d'entre elles est déterminante : l'obligation faite aux électeurs de se déplacer dans des bureaux de vote, qui résulte d'un décret du 18 janvier 1985. Lorsque les campus sont éclatés, les étudiants peuvent trouver l'effort d'aller voter irritant ou fastidieux.
Le vote à distance par voie électronique constitue dès lors une solution pragmatique, qui peut avoir un réel effet d'entraînement sur la participation aux élections en raison de l'attachement « culturel » des étudiants et des enseignants-chercheurs à la pratique d'internet. Cette modalité est déjà largement reconnue par notre droit : le vote à distance électronique a été admis par le législateur pour l'élection des délégués du personnel ou des délégués au comité d'entreprise, ou pour celle des membres de l'assemblée des Français de l'étranger. Mais c'est par la loi qu'il devra être autorisé, l'article L. 719-1 du code de l'éducation interdisant pour l'instant le vote par correspondance, auquel le vote à distance par voie électronique peut être assimilé. Les établissements susceptibles d'utiliser cette nouvelle procédure pour l'élection de leurs conseils sont, outre les universités, les instituts et écoles extérieurs aux universités, les grands établissements et les écoles normales supérieures. Les conseils visés par le dispositif varient d'un établissement à l'autre. Dans le cas des universités, il s'agit du conseil d'administration, du conseil scientifique, du conseil des études et de la vie universitaire, et des conseils des unités de formation et de recherche.
La proposition de loi comporte trois articles. Le premier insère dans l'article L. 719-1 du code de l'éducation un nouvel alinéa qui regrouperait l'ensemble des modalités de vote pour l'élection des conseils des EPSCP. La première phrase de ce nouvel alinéa indique que l'élection a lieu soit dans les bureaux de vote, soit par voie électronique. Ces deux modalités, l'ancienne, qui n'est pour l'instant prévue que par un décret, et la nouvelle, seraient exclusives l'une de l'autre. Recourir à deux procédures radicalement différentes pour la même élection pourrait en effet être source de complexité et d'erreurs pour les établissements.
La deuxième phrase interdit le vote par correspondance « sous pli fermé ». L'ajout de ces mots limite l'interdiction au vote papier. Le vote par voie électronique n'est ainsi pas concerné, bien qu'il puisse être assimilé à un vote par correspondance.
La dernière phrase admet, comme le faisait déjà l'article L. 719-1, le vote par procuration pour les électeurs personnellement empêchés de voter, mais seulement pour les élections ayant lieu dans des bureaux de vote. Le vote par procuration n'est pas admis pour le vote électronique, car les risques de fraude seraient trop élevés.
L'article 2 propose de supprimer, par cohérence, le sixième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation, relatif à l'interdiction du vote par correspondance et au vote par procuration.
L'article 3 vise à rendre la proposition applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.
Des précautions devront être prises afin que les systèmes informatiques utilisés soient en tous points conformes aux principes fondamentaux qui régissent les opérations électorales. J'insiste sur ce point, nécessaire à la crédibilité de ce texte. Le vote électronique et le vote papier constituent deux modalités d'expression du suffrage radicalement différentes, mais qui doivent toutes deux garantir strictement le secret du scrutin, le caractère personnel, libre et anonyme du vote, la sincérité des opérations électorales, la surveillance effective du vote et le contrôle a posteriori par le juge de l'élection.
Les systèmes de communication électronique pouvant connaître des défaillances, être piratés ou permettre d'établir un lien entre l'électeur et son vote, la mise en place de mesures techniques sera indispensable pour garantir que le vote sur internet sera aussi secret, libre, effectif et anonyme que dans un isoloir. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a formulé un certain nombre de recommandations, qui constituent autant de garanties pour les électeurs, et le Parlement devra veiller à ce que les mesures réglementaires prises pour l'application de la loi les respectent rigoureusement.
Je suis bien conscient qu'à lui seul, ce texte ne suffira pas à régler le problème de la participation à l'élection des conseils des EPSCP. Pour avoir un effet d'entraînement, il devra être accompagné d'autres mesures, médiatiques par exemple, visant à dynamiser les campagnes électorales. Il faudra s'appuyer sur le plan numérique de la ministre, mais aussi réfléchir à de nouvelles règles concernant l'envoi des professions de foi, la durée des consultations électorales ou à la création de sites spécifiques sur les élections… Ce chantier doit déboucher sur des solutions concrètes. En attendant, j'espère que vous ferez avec moi le pari que le recours au vote électronique peut donner un nouveau souffle à la démocratie universitaire. Enfin, je vous proposerai lors de la discussion trois amendements, dont un de fond.