Pour conclure cette matinée, et pour faire plaisir à M. le ministre, qui aime bien les classiques, je voudrais citer l'article de L'Encyclopédie de Diderot consacré au dimanche. Nous sommes ici au coeur du débat. Il y est donc dit que le dimanche est le « jour du Seigneur » – nous sommes en 1750. « Le dimanche considéré dans l'ordre de la semaine, répond au jour du Soleil chez les Païens ; considéré comme fête consacrée à Dieu, il répond au sabbat des Juifs, et en est même une suite ; avec cette différence pourtant que le sabbat était célébré le samedi. Les premiers chrétiens transportèrent au jour suivant la célébration du sabbat ou du dimanche. » Il considère ensuite que l'Église –n'oublions pas que nous sommes au xviiie siècle – « ordonne pour le dimanche de s'abstenir des oeuvres serviles ». « M. l'abbé de Saint-Pierre qui a tant écrit sur la science du gouvernement, […] prend en main la cause de l'indigent […], il voudrait qu'on accordât aux pauvres une partie considérable de ce grand jour pour l'employer à des travaux utiles, et pour subvenir par-là plus sûrement aux besoins de leurs familles. Au reste on est pauvre, selon lui, dès qu'on n'a pas assez de revenu pour se procurer six cents livres de pain. […] Si on leur accordait pour tous les dimanches la liberté du travail après midi, supposé la messe et l'instruction du matin, ce serait une oeuvre de charité bien favorable à tant de pauvres familles, et conséquemment aux hôpitaux ; le gain que feraient les sujets par cette simple permission, se monte, suivant son calcul, à plus de vingt millions par an. » Vous voyez qu'une étude économique avait été réalisée. « N'est-ce pas là un objet digne d'un concile national » – ce que nous faisons actuellement – « qui pourrait ainsi perfectionner une ancienne règle ecclésiastique, et la rendre encore plus conforme à l'esprit de justice et de bienséance […] ? À l'égard même de ceux qui ne sont pas pauvres, il y a une considération qui porte à croire que, si après la messe et les instructions du matin, ils se remettaient l'après-midi à leur travail et à leur négoce, ils n'iraient pas au cabaret dépenser, au grand préjudice de leurs familles, une partie de ce qu'ils ont gagné dans la semaine ; ils ne s'enivreraient pas, ils ne se querelleraient pas, et ils éviteraient ainsi les maux que causent l'oisiveté et la cessation d'un travail innocent, utile pour eux et pour l'État. »
C'est sans doute ce qui a inspiré grand nombre de nos législateurs : il fallait travailler plus pour gagner plus et éviter à ceux qui travaillent d'aller dépenser leurs gains de manière inutile. Vous le voyez, Diderot avait déjà une réflexion sur ce que devait être le dimanche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(Les amendements nos 36 et 43 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)