La situation étant très diverse selon les entreprises, je commencerai par plusieurs constats.
Aujourd'hui, si tout le monde s'accorde à dire que les textes législatifs conduisent les entreprises à appréhender sérieusement la problématique de l'égalité professionnelle, celle-ci dépend finalement de leur bonne volonté car il n'y a pas de véritable suivi. Heureusement, un grand nombre d'entreprises s'engagent dans une démarche d'égalité des chances par le biais de la labellisation – label Responsabilité sociale, label Diversité, etc. – et sont, à ce titre, plus attentives à la proportion de femmes en leur sein ainsi et de ce fait qu'à l'égalité professionnelle en matière d'embauche, de rémunération, de gestion de carrière et de promotion.
Cependant, entre l'univers du CAC 40 et des très grandes entreprises, celui des entreprises de taille intermédiaire et celui, massif, des PME et des TPE, les situations sont extrêmement différentes. Il est donc très difficile de donner une réponse globale s'agissant de la bonne connaissance du sujet par les entreprises, ainsi que sur les moyens qu'elles y consacrent. Les très grandes entreprises qui s'engagent dans des actions de non-discrimination sont souvent citées et à juste titre, mais le chemin à accomplir vers plus de parité reste encore important.
Chaque année, les entreprises doivent produire un rapport sur l'état des lieux en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes – de même qu'un bilan social –, mais combien d'entre elles en présentent un à leurs instances représentatives et l'envoient à la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ? J'ai cru comprendre que cette obligation n'était pas systématiquement respectée.
Aujourd'hui, il faut une réelle volonté personnelle du DRH etou du dirigeant pour que l'objectif d'égalité professionnelle soit pris en compte. Toutes les parties sont responsables, y compris les partenaires sociaux, qui sont majoritairement des hommes et qui ne sont pas toujours aussi combatifs en la matière qu'il le faudrait.
Au sein de l'ANDRH – qui regroupe, dans 80 groupes régionaux un peu plus de 5 000 adhérents issus de divers secteurs d'activités –, le sujet de l'égalité professionnelle est traité au titre des discriminations et des minorités. Je travaille avec Pascal Bernard qui, comme chacun sait a beaucoup oeuvré pour le label Diversité, afin que la problématique de l'égalité professionnelle soit dissociée de celle des minorités et des discriminations – même si nombre de femmes en subissent. Si la discrimination peut exister vis-à-vis de personnes en raison de leur appartenance ethnique ou de leur handicap qui provoque peurs, rejet et déni, les positions extrêmes à l'encontre des femmes sont rares : un certain machisme ambiant peut exister mais je n'ai jamais rencontré d'entreprise ayant délibérément mis en place une discrimination à leur égard. Il est en revanche un état de fait qui veut que les femmes soient engagées dans un engrenage qui commence au sein de la famille et à l'école. Aussi pointerai-je particulièrement le problème de l'orientation des filles qui, alors qu'elles sont excellentes à l'école, ne sont pas orientées vers des métiers et des secteurs professionnels porteurs.
Les mentalités changent cependant. C'est ainsi que dans les couples, une grande partie des hommes est plus sensible à l'alternance des chances : telle année est celle de l'épouse ou de la compagne ; tel jour c'est l'homme qui dépose les enfants à l'école. Les hommes se posent de plus en plus de questions en termes de conciliation vie personnelle et vie professionnelle. Certes, le chemin à accomplir est encore important. Aussi faut-il laisser s'exprimer ce type de préoccupation dans les entreprises. D'ailleurs, dans toutes celles qui se sont engagées dans le dispositif du congé de paternité, les hommes ont pris les fameux onze jours. À mon avis, le changement de génération est à l'oeuvre.
Il reste que les conséquences des divorces et de la monoparentalité jouent considérablement sur la progression professionnelle des uns et des autres, mais de manière beaucoup plus sensible s'agissant du parcours des femmes. Quant à la grossesse, elle constitue une rupture professionnelle qui peut parfois être longue pour des raisons de santé, mais aussi de sécurité s'agissant de femmes qui ont de longs temps de transport, en particulier en région parisienne, ou qui exercent des métiers très pénibles.
Enfin, lorsqu'il est plus intéressant que l'un des deux conjoints réduise son activité, c'est encore le plus souvent les femmes qui le font, notamment en acceptant un travail à temps partiel. Certes, aujourd'hui, des hommes prennent un congé parental, mais ce phénomène est relativement nouveau et la proportion de femmes travaillant à temps partiel ou en congé parental partiel est toujours bien plus forte.