Avant de vous livrer une première analyse du budget pour 2010 que, pour la première fois depuis des années, le ministère de la défense n'a pas jugé utile de nous présenter, l'UNSA-défense tient à exprimer l'inquiétude, la déception et la colère des personnels civils de ce ministère. On se moque des agents ! Lorsque le sommet de l'État crie haro sur les fonctionnaires et autres personnels prétendument budgétivores, improductifs et inutiles, on est certes en droit de s'attendre à peu de considération. Il est vrai aussi que dans le contexte de remise en cause du modèle social à la française, il n'est guère utile de proposer des axes de progrès et d'amélioration pour les personnels de quelque catégorie que ce soit. Au sein de nos services, il nous est ainsi demandé de cultiver une saine concurrence entre individus ; la sélection naturelle, chère à Darwin, doit pouvoir elle aussi s'exprimer au sein des armées et des organismes de la défense ! Tant pis si les organisations qui résistent le mieux aux aléas du marché sont essentiellement collectives, introduisons la modernité dans notre administration !
Nous savons que de nouvelles mesures d'externalisation se préparent et que d'autres « trains de RGPP » sont prêts à partir, d'ailleurs sans étude d'impact sérieuse ni le moindre bilan crédible des externalisations déjà réalisées. Nous aimerions bien disposer, précisément, d'un bilan étayé et impartial de l'externalisation de la gestion du parc automobile de la défense.
Après les structures, les métiers de soutien sont dans le collimateur gouvernemental : il y aurait trop de financiers, de juristes, de gestionnaires de personnels, d'acheteurs, de spécialistes de soutien ! Entre les effets escomptés des nouveaux outils en termes de productivité et les attendus de la vulgate anti-étatique, c'est à une disparition massive des emplois que s'attendent les personnels civils et militaires, et c'est bel et bien l'abandon des missions qu'ils ont accomplies au service du pays qui se profile ! Pour les uns, on fait espérer un hypothétique reclassement dans une fonction publique d'État en pleine déstructuration, et c'est vers la fonction publique territoriale que l'on renvoie les autres alors qu'elle-même, si l'on en croit le Président de la République, est d'ores et déjà pléthorique.
S'il est en effet question de mobilité interne entre les fonctions publiques, la réforme de l'administration territoriale de l'État, qui verra le jour en 2010 et dont l'organisation locale sera plus ramassée – constitution de deux ou trois directions départementales interministérielles –, rendra aléatoire la mobilité vers les services déconcentrés de l'État, lesquels auront du mal à recaser leurs propres personnels. Il en ira de même lorsque les collectivités territoriales seront amenées elles aussi à réduire le nombre de leurs fonctionnaires. Pour tous les autres, la perspective se résume à l'aliénation à des entreprises privées – d'ailleurs facilitée par la loi d'août dernier sur la mobilité des agents de l'État et l'amendement porté par le ministère de la défense. Au final, plus personne ne sera à l'abri d'un licenciement.
L'UNSA-défense doit-elle encore et toujours rappeler son analyse sur les effets positifs de la civilianisation en termes d'emplois pour les agents et d'économies pour l'employeur ? Le sort des personnels civils de la défense n'intéresse personne et surtout pas l'institution qui les emploie, la communication institutionnelle ayant persuadé les Français que la défense n'est assurée que par les militaires.
Je souligne, en outre, la contradiction entre les dispositions de la LPM précisant un certain nombre de principes quant à l'évolution des effectifs – concentration des militaires sur les missions opérationnelles tandis que les civils sont orientés vers les tâches de soutien – et la réalité des réorganisations mises en oeuvre par le ministère : les GSBDD, qui assurent un soutien essentiellement administratif des bases de défense, sont en effet commandés et encadrés par des militaires.
On ne peut que constater l'amertume des personnels civils poussés dehors pour faire de la place à leurs camarades militaires dégagés des cadres de l'armée mais réintégrés dans les cadres civils de la défense. L'UNSA-défense comprend très bien que le ministère ait des devoirs envers ses personnels militaires et elle serait très mal placée pour tenir un discours tendant à condamner la politique volontaire de reconversion, mais il n'est pas sain de développer un jeu de chaises musicales qui a pour effet de marginaliser encore plus cette minorité que constitue la composante civile de notre institution.
Dans ce contexte, le Gouvernement propose un projet de budget qui s'apparente à une opération de prestidigitation. Comme chaque contribuable, nous comprenons l'impératif de maîtrise de la dépense ; comme chaque citoyen, nous partageons le souci de la lutte contre les déficits, mais, pour la première fois depuis des années, nous sommes confrontés à un budget de la défense en baisse.
Certes, le ministère se décarcasse pour nous persuader qu'il est plus réaliste et plus honnête que les précédents, qu'il permettra de soutenir l'ensemble des objectifs assignés aux responsables de la mission de défense, que le rythme des commandes industrielles est assuré et que les équipements nouveaux prévus vont entrer en dotation. Que d'activité et d'emplois en perspective ! Il omet toutefois de nous dire quel crédit accorder aux ressources exceptionnelles sur lesquelles il compte en 2010 – comme il l'a fait en 2009, avec le succès que l'on sait. On comprend mal, dès lors, pourquoi l'emploi si sacré hors du ministère devient une charge en son sein.
L'UNSA-défense est persuadée qu'une autre politique, économe des deniers publics, est nécessaire et qu'elle passe par une augmentation des effectifs des personnels civils. Elle est persuadée que l'avenir de nos armées est lié à la dynamisation de leur composante civile et non à la vision passéiste et corporatiste qui seule a droit de cité dans les états-majors. Si, selon nous, l'emploi public ne saurait être l'ennemi des réformes, une inflexion des habitudes doit être néanmoins impulsée et elle ne pourra venir que du pouvoir politique.