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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 9 septembre 2009 à 14h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

C'est pour moi un plaisir de faire ma rentrée parlementaire parmi vous. Comme vous l'avez souligné, nous nous sommes fixé comme ligne de conduite de travailler le plus étroitement possible avec la Commission.

La raison d'être de la réforme, il faut le rappeler, est la suppression de la taxe professionnelle qui est un impôt inefficace puisque fondé sur les équipements et biens productifs des entreprises, c'est-à-dire sur les investissements qu'elles font pour créer de la valeur et dont nous avons le plus grand besoin. Le moment est d'ailleurs tout à fait approprié dans la mesure où la réforme procurera aux entreprises un gain de trésorerie au moment où elles en auront le plus besoin avec la fin du déstockage. Il s'agit donc de supprimer un impôt imbécile – osons le mot –, qui fait l'unanimité contre lui car il incite à la délocalisation et entrave la compétitivité. Une réforme en profondeur s'imposait. Au-delà, nous avons l'ambition de réviser la fiscalité locale, conformément à la demande de nombreux élus, en saisissant l'occasion de cette réforme pour la simplifier dans le respect du principe d'autonomie financière des collectivités locales par une spécialisation de l'impôt, de sorte que le contribuable s'y retrouve.

Nous avons travaillé en fonction de deux principes : l'autonomie financière des collectivités et le lien entre territoire et entreprise en substituant la valeur ajoutée, dont la définition a été revue, à la base actuelle équipements et biens mobiliers. La contribution économique territoriale, ce sera le nom de cet impôt, marchera sur deux jambes : l'une, foncière, qui est conservée ; la seconde sera la valeur ajoutée définie par référence à des principes juridiques et comptables de façon à l'adapter aux différents secteurs d'activité, notamment au secteur financier.

Je remercie tous ceux qui ont longuement travaillé en concertation avec nous, en particulier Didier Migaud, Gilles Carrez, Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand. Le projet auquel nous avons abouti pousse la convergence de vues le plus loin possible depuis la première phase de la concertation fin mars, dans le cadre du comité présidé par Édouard Balladur. Le nouveau schéma qui date du 8 juillet dernier conserve le principe du découplage, renonce à l'augmentation du foncier et se révèle avantageux pour toutes les catégories d'entreprises. Il a été soumis aux associations d'élus et aux représentants des entreprises. Pendant l'été, nous avons continué à travailler à l'élaboration du projet de loi qui sera présenté en conseil des ministres le 30 septembre. Autrement dit, les arbitrages définitifs n'ont pas encore été rendus et il reste quelques marges de manoeuvre.

Les principales orientations sont au nombre de quatre.

Premièrement, la taxe professionnelle sur les investissements productifs sera supprimée dès le 1er janvier 2010, avec pour corollaires une diminution des ressources des collectivités locales de 22 milliards d'euros, hors financement des chambres de commerce et d'industrie, et une augmentation de 15 milliards de celles de l'État qui était devenu au fil des ans le plus gros payeur de taxe professionnelle par le biais des multiples dégrèvements, soit un solde net négatif de l'ordre de 8 milliards d'euros pour les finances publiques.

Deuxièmement, la taxe disparaît au profit de la contribution économique territoriale assise sur le foncier et la valeur ajoutée. Pour des raisons tenant à la structure du CGI, deux dénominations spécifiques sont nécessaires selon les éléments d'assiette : la cotisation locale d'activité et la cotisation complémentaire. Les équipements et biens mobiliers seront sortis de l'assiette. La part foncière n'augmentera pas, je m'y suis engagée ; elle diminuera même de 15 % pour les établissements industriels que la réforme a pour but de soutenir et elle sera découplée de la cotisation complémentaire qui deviendra progressive.

Troisièmement, les ressources des collectivités territoriales demeureront inchangées par une compensation qui comprendra deux volets : d'une part, un transfert d'impôts aujourd'hui perçus par l'État – la cotisation complémentaire, fonction de la valeur ajoutée, les frais d'assiette et de recouvrement des impôts locaux, la totalité de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, de la taxe sur les surfaces commerciales et une part des droits de mutation – ; d'autre part, une augmentation des dotations budgétaires dans des proportions très inférieures à la limite permise par le principe d'autonomie financière des collectivités et la mise en place de fonds de compensation.

Quatrièmement, nous proposerons en même temps que la contribution économique territoriale soit l'occasion d'une spécialisation des impôts locaux et d'une rationalisation de la fiscalité locale. Les dégrèvements législatifs disparaîtront presque entièrement, ce qui rapprochera les entreprises des collectivités locales et mettra fin à une anomalie dénoncée par tous : l'État cessera d'être le plus gros contribuable local. La partie foncière reviendra aux communes et aux intercommunalités et la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée se répartira entre le niveau départemental et le niveau régional. À l'heure actuelle, la taxe professionnelle est ventilée entre six bénéficiaires : les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les chambres consulaires et l'État.

Nous proposons que les « quatre vieilles » soient dorénavant affectées au premier échelon territorial qui bénéficierait donc d'une certaine flexibilité des taux. La cotisation complémentaire serait dévolue aux départements et aux régions. Par construction, la cotisation assise sur la valeur ajoutée est dynamique et propice à la démocratie locale dans la mesure où elle améliore la lisibilité de l'impôt et du rôle de chaque niveau de collectivité. Sur cette ventilation, il n'existe pas d'accord général, chacun voulant récupérer une partie soit de la cotisation complémentaire, soit de la part foncière, au risque de reconstituer le millefeuille. Cela dit, nous sommes ouverts à vos propositions.

L'effet immédiat pour les entreprises correspondra à un allégement de 4 à 5 milliards d'euros, net d'impôt sur les sociétés, ce qui est une somme considérable, de nature à relancer les investissements privés. Pour les « super-gagnants », c'est-à-dire les entreprises avec une grosse emprise foncière etou des équipements lourds, le gain est estimé à 1,5 milliard d'euros. Mais, dans la mesure où elles ne risquent pas la délocalisation, une réintégration de leur gain dans les finances publiques doit être envisagée.

Les simulations montrent que tous les secteurs de l'économie devraient profiter de la suppression de la taxe professionnelle mais ceux à forte intensité de main-d'oeuvre, comme le gardiennage, la maintenance ou l'intérim, eux, risquent d'être les perdants dans certains cas particuliers. Il faudra donc envisager des dispositifs pour ne pas décourager l'emploi.

La charge pesant sur la valeur ajoutée, c'est-à-dire la cotisation complémentaire, augmentera en valeur relative, mais diminuera en valeur absolue puisqu'elle devrait rapporter 12,1 milliards d'euros, contre 14,7 milliards aujourd'hui. Les mécanismes actuels de plancher et de plafond à 3,5 % de la valeur ajoutée contribuent de fait à réintégrer les salaires dans la base. Au final, il y aura plutôt moins de taxe assise sur les salaires demain. La direction générale du Trésor et de la politique économique a fait une étude d'impact dont il ressort que, à un horizon de dix ans, la diminution de la taxation devrait se traduire par un gain de 0,7 point de PIB, soit une création nette de richesse de 14 milliards d'euros et la création de 85 000 emplois supplémentaires. La mise en place de la réforme en 2010 devrait donner une bouffée d'air considérable aux entreprises.

En ce qui concerne les collectivités, une année de transition est nécessaire pour revoir la machinerie fiscale et mettre en place les fonds de compensation et de péréquation – un par niveau de collectivité –, si bien que c'est en 2011 que la réforme sera appliquée pour la première fois. L'année 2010 devrait se dérouler dans la sérénité puisqu'il n'y aura pas de changement dans les budgets locaux, l'État servant, dans l'intervalle, de chambre de compensation.

En conclusion, la réforme qui vous est soumise présente l'avantage de respecter le cahier des charges : disparition d'un impôt sur les investissements tout en préservant l'autonomie fiscale des collectivités et sans toucher à leurs ressources puisqu'une compensation intégrale est prévue. Les entreprises bénéficieront de garanties fortes et d'un allégement fiscal de 5 milliards d'euros dans la mesure où 1,5 milliard devrait être prélevé sur les super-gagnants et des mesures prises en faveur des perdants.

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