Je vous remercie.
C'est parce que cet amendement gouvernemental introduit un nouvel élément important dans le texte – qui a déjà fait l'objet d'un travail remarquable accompli notamment par votre rapporteur, M. Yanick Paternotte – que j'ai demandé à rencontrer votre président, M. Christian Jacob, mais également le président Patrick Ollier, qui est aussi membre du conseil d'administration de la SNCF. De plus, j'ai eu hier une réunion avec M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat ainsi que M. le sénateur Francis Grignon, rapporteur, au cours de laquelle je leur ai fait part de mes regrets de ne pas avoir pu le présenter en séance publique à la Haute Assemblée. L'un et l'autre ont bien compris l'urgence dans laquelle nous nous trouvons. Il aurait certes été possible de rédiger un projet de loi spécifique – mais l'ordre du jour parlementaire est déjà assez chargé –, une ordonnance – mais tel n'est pas l'esprit de la réforme constitutionnelle – ou de le rajouter au Grenelle II – mais cela aurait allongé les délais d'examen par l'Assemblée nationale, car la discussion de ce texte au Sénat ne fait que commencer. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé de proposer cette disposition sous la forme d'un amendement à la loi « ARAF ».
De quoi s'agit-il ?
Le règlement européen n° 13702007 du 23 octobre 2007 dit « OSP » relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route entrera en vigueur le 3 décembre prochain. Il pose trois principes essentiels : lorsqu'une autorité organisatrice de transport, locale ou nationale, décide d'octroyer à l'opérateur de son choix un droit exclusif ou une compensation financière en contrepartie d'une obligation de service public, elle doit le faire dans le cadre d'un contrat de service public ; l'attribution de ce contrat doit se faire par la voie d'une mise en concurrence ouverte à tous les opérateurs européens, équitable et conforme aux principes de transparence et de non discrimination ; enfin, les contrats de service public doivent avoir une limitation de durée. En province, cet amendement ne modifiera pas la situation des Autorités organisatrices de transport (AOT), car la loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI) de 1982 fait déjà état de ces principes. En revanche, des adaptations législatives et règlementaires sont nécessaires en Ile-de-France : les transports publics y sont organisés par une ordonnance du 7 janvier 1959 qui donne à la RATP des droits exclusifs et sans limitation de durée, et n'impose aucune obligation de mise en concurrence préalable au syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) s'agissant du choix d'exploitants de service de transports publics de voyageurs. Je rappelle que, depuis les lois de décentralisation « Raffarin », le STIF ne dépend plus de l'État – il n'est donc plus présidé par le préfet de Région – mais de la Région Ile-de-France.
Nous devons donc examiner les conditions dans lesquelles le STIF pourra désormais attribuer des contrats de service public et la manière dont seront fixées les échéances des droits actuels de la RATP s'agissant du RER, du métro, du tramway et du bus, ainsi que les nouvelles modalités des relations entre le STIF et la RATP. Je précise également que nous avons bien entendu présenté cet amendement à M. le président Huchon et à M. le Maire de Paris.
Le STIF sera chargé de fixer les relations à desservir, de désigner les exploitants, de définir les modalités techniques d'exécution et d'arrêter les tarifs. Ce texte conforte sa position d'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, sans préjudice des compétences reconnues par ailleurs à Réseau ferré de France (RFF) et à la RATP. Le paragraphe 3 de l'amendement, en renvoyant à la LOTI, précise les conditions dans lesquelles les services de transports seront attribués – exploitation directe par une régie ou convention prenant la forme soit d'un marché de service soumis au code des marchés publics, soit d'une délégation de service public. Il s'agit par conséquent d'aligner le régime des transports franciliens sur celui de l'ensemble du pays.
Qu'advient-il des droits exclusifs actuels ? Le règlement « OSP » autorise la poursuite des contrats en cours au 3 décembre prochain mais il encadre la durée des droits, lesquels ne peuvent se poursuivre au-delà d'une période de trente ans. Les échéances sont de trois types : trente ans pour les lignes de métro existantes et leurs prolongements – outre que les investissements de la RATP sont en l'occurrence très importants, nous tenons en effet à maintenir un réseau intégré – ainsi que pour le RER A et la ligne sud du RER B, exploités par la RATP ; vingt ans pour les lignes de tramway ; quinze ans pour les lignes de bus. Si des contrats sont résiliés avant 2024 – je pense, notamment, aux contrats du STIF avec d'autres opérateurs que la RATP –, la loi s'appliquera bien entendu avec souplesse.
S'agissant de la maîtrise d'ouvrage des infrastructures ou de l'aménagement du réseau existant, l'amendement conserve au STIF la mission de veiller à la cohérence des programmes d'investissement. Dans la limite des compétences dévolues par ailleurs à RFF sur le réseau ferré classique, le STIF conserve la faculté d'assurer la maîtrise d'ouvrage ou de désigner les maîtres d'ouvrage des projets d'infrastructures nouvelles. S'agissant de l'extension des lignes existantes, l'amendement prévoit un dispositif de maîtrise d'ouvrage partagée entre le STIF et la RATP. Le premier se prononcera sur l'opportunité des opérations, leur localisation, les programmes et les financements – il financera en l'occurrence les investissements sans préjudice de la contribution de la RATP ; celle-ci sera quant à elle responsable des études, des conceptions, des choix de procédés de fabrication, des missions de maîtrise d'oeuvre – qu'elle assure ces dernières ou qu'elle les externalise.
Le dispositif est de surcroît bien encadré : d'une part, il ne concerne que les opérations non décidées au 1er janvier 2010 ; d'autre part, les prolongements et extensions concernés par ces dispositions sont ceux des seules infrastructures actuelles.
Par ailleurs, un gestionnaire d'infrastructure sera mis en place au sein de la RATP. Cette dernière sera en effet gestionnaire d'infrastructure du réseau de métro affecté au transport public et du réseau RER qu'elle possède, pour des raisons de sécurité, d'interopérabilité du système ferroviaire et de continuité du service public. La RATP ayant une double mission de gestionnaire du réseau et d'opérateur, le STIF sera rémunéré de manière distincte sur la partie « gestionnaire de réseau » et sur la partie « opérateur », dans le cadre d'une convention pluriannuelle qui établira les coûts, les obligations et les rémunérations.
Au plan patrimonial, l'amendement redéfinit la propriété des biens d'infrastructure et des matériels roulants pour tenir du compte du fait que des contrats liant le STIF et la RATP s'achèveront et qu'à cette dernière est dévolu un nouveau rôle de gestionnaire. Echange de biens à titre gracieux – sauf pour des immeubles administratifs ou sociaux qui seront valorisés : la RATP devient donc le propriétaire des infrastructures et le STIF celui des matériels roulants – M. le président Huchon comprend fort bien cette double logique. Il s'agit de donner au STIF, autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, les moyens d'organiser une vraie concurrence à l'expiration des contrats de la RATP et d'utiliser la convention de gestion d'infrastructure en vue de garantir un accès transparent au réseau. Enfin, le STIF pourra fixer à la RATP des objectifs de qualité et de performance. La RATP bénéficiera d'actifs constitutifs d'infrastructures afin qu'elle puisse poursuivre son activité de gestionnaire. Si l'on avait donné au STIF les actifs d'infrastructures, il aurait fallu lui transférer aussi la dette correspondante, d'environ cinq milliards d'euros, ce qu'évidemment il ne souhaitait pas.
Ainsi l'amendement conserve au STIF toutes ses compétences en fait d'organisation et de développement des transports franciliens ; il reconnaît la dualité actuelle de la RATP, à la fois exploitant de transports publics et gestionnaire d'infrastructure, et conforte l'entreprise. Le caractère relativement lointain des échéances permet de mettre en place les réorganisations qui s'imposent tout en garantissant la continuité du service. Enfin, je le répète, l'amendement semble consensuel, notamment pour ce qui concerne le Maire de Paris et le Président de la Région.