Comme je l'ai indiqué à vos collègues sénateurs hier en fin d'après-midi, il est paradoxal de se retrouver pour parler de l'exécution de notre contrat d'objectifs et de moyens en 2008, alors que la loi a été votée et que nous nous inscrivons donc déjà dans l'avenir de France Télévisions, entreprise commune souhaitée par le Parlement.
L'entreprise France Télévisions a bien changé depuis notre dernière rencontre. Elle est désormais engagée dans la plus vaste réforme fondatrice que la télévision française n'ait jamais connue depuis l'éclatement de l'ORTF, puisque cinq entreprises fusionnent dans leur organisation pour constituer un seul et même groupe.
Avant d'aborder le chantier de cette réforme, permettez-moi de vous dire quelques mots sur ce qui fait l'essentiel de notre activité : les programmes.
Lors de mon arrivée à la tête de France Télévisions en août 2005, j'avais fixé un cap : réconcilier la qualité et l'audience de nos programmes en rendant à la culture la place qu'elle avait perdue depuis longtemps sur les antennes publiques. Ce que j'avais qualifié à l'époque de virage éditorial se confond aujourd'hui avec l'identité même du service public. La question de la différence entre télévision publique et télévision privée me semble donc aujourd'hui dépassée. En effet, lorsque France 2 a diffusé à vingt heures trente-cinq le dernier épisode de la série « Apocalypse », nos deux principales chaînes commerciales concurrentes ont passé des séries américaines. Une de ces deux chaînes inaugurait d'ailleurs sa quatrième case de séries américaines de la semaine.
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres marquants.
En 2005, hors fictions, près de 280 émissions culturelles étaient diffusées sur nos antennes ; aujourd'hui, on en compte plus de 800. Ainsi, au cours des six premiers mois de l'année 2009, ce sont plus de deux programmes culturels qui sont diffusés chaque jour en première partie de soirée par le bouquet France Télévisions. Vous vous en souvenez : dans le cahier des missions et des charges, je m'étais engagé à proposer chaque jour au moins un programme culturel sur l'une de nos antennes en première partie de soirée : depuis le début de l'année, nous en sommes à deux.
Je ne veux pas vous assommer de chiffres et de pourcentages, mais il faut tout de même rappeler que 62 % des documentaires diffusés en première partie de soirée le sont sur le service public.
Quant à nos investissements en matière de création, ils sont exemplaires. Alors que le groupe a traversé une année 2008 particulièrement difficile sur le plan budgétaire et qu'il s'est engagé en 2009 dans une phase active de sa réforme, jamais France Télévisions n'a été aussi volontariste dans le domaine de la création. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
En 2008, nous nous étions engagés à investir 364 millions dans la création. L'investissement définitif a atteint 368 millions – 4 millions de mieux. Je rappelle qu'à la même époque, certains professionnels nous soupçonnaient de fermer le robinet des commandes.
Notre objectif d'investissement dans la création pour 2009 est de 375 millions d'euros. Le 31 août de cette année, France Télévisions avait déjà engagé 310 millions d'euros. Nous tiendrons donc, cette année encore, notre objectif.
Cet objectif prendra d'autant plus de relief que, dans le même temps, les obligations des chaînes privées vont baisser de façon sensible. C'est une situation très préoccupante pour le monde de la création : en 2010, des investissements ne se feront sans doute pas dans la création, en raison de la baisse des investissements des télévisions commerciales privées.
Le groupe France Télévisions est aujourd'hui le premier financeur de la création audiovisuelle française. Il ne faudrait pas qu'il devienne, demain, son seul et unique interlocuteur, son seul et unique soutien ; il y aurait là une situation particulièrement malsaine. Si je fais cette incise, c'est parce qu'à la fin de l'année, les investissements de France Télévisions en matière de création dépasseront – pour la première fois – plus de la moitié des investissements globaux : sur un peu moins de 750 millions d'euros investis dans la création, notre part sera de 375 millions.
Parallèlement à cette transformation en profondeur de nos grilles, le groupe France Télévisions se réforme. Cette réforme interne, qui doit achever la transformation d'une holding et de ses filiales en une seule entreprise commune, comme le prévoit la loi, nous la mettons en oeuvre.
Le premier schéma d'organisation a été présenté aux collaborateurs et aux partenaires sociaux dès le mois d'avril 2009, soit un mois après la promulgation de la loi. Un accord de méthodologie a été trouvé avec les partenaires sociaux, qui nous permettra de leur demander leur avis sur cette réforme d'organisation et de pouvoir la mettre en place dès le mois de janvier 2010. Une consultation est donc prévue courant décembre.
Dans le même temps, nous avons engagé des négociations avec les différents représentants du personnel, avec pour objectif de rebâtir ce que j'appelle la constitution sociale du groupe. Nous avons jusqu'au mois de juin 2010 au plus tard – délai légal – pour élaborer ensemble des règles sociales plus modernes et mieux adaptées aux enjeux d'un média à l'heure de la convergence.
Sur la table des négociations, nous avons non seulement une convention collective, mais aussi des accords sociaux qui s'ajoutent les uns et les autres – de 120 à 150 –, sur lesquels nous allons négocier avec les partenaires sociaux.
Le dialogue engagé est permanent. Aucun tabou, aucun sujet de discussion n'est écarté. J'ai personnellement assuré mes interlocuteurs de notre totale transparence en la matière, tout est mis sur la table : la réorganisation du groupe, le dispositif de départs volontaires à la retraite et la refonte de tous nos accords sociaux.
Tout cela représente des changements profonds, que j'annonce aux collaborateurs depuis longtemps et qu'il faudra accompagner dans le temps avec les outils et les méthodes nécessaires pour prendre le virage de l'entreprise commune dans les meilleures conditions.
Dès la rentrée, j'ai demandé à notre direction des ressources humaines de mettre en place un dispositif de veille psychologique de façon à accompagner nos salariés dans cette période de transformation. Complexe, lourde, cette période de transition peut engager des sentiments de confusion et du stress. Ce dispositif d'accompagnement m'a donc semblé utile. L'attention aux salariés doit rester la préoccupation d'un chef d'entreprise.
Cela étant dit, la réforme se déroule pour l'heure dans un climat que je qualifie de studieux et de respectueux.
La bonne santé économique du groupe n'est pas pour rien dans l'instauration de ce climat de confiance. En effet, grâce à la qualité de nos programmes, à la bonne tenue de nos audiences commerciales en journée – et je tiens particulièrement à féliciter nos collaborateurs de France Télévisions Publicité –, mais aussi à notre politique de gestion, dont est chargé Damien Cuier qui a rejoint le groupe, nous nous rapprochons cette année de l'équilibre financier selon un rythme plus soutenu que prévu initialement dans le plan d'affaires 2009-2012. Je rappelle en effet que la trajectoire financière inscrite dans ce plan d'affaires et entérinée par l'actionnaire prévoyait notre équilibre opérationnel en 2011.
Notre sur-performance financière en matière de recettes publicitaires s'élève aujourd'hui à 105 millions d'euros, alors qu'elle était évaluée à 70 millions fin juin. L'État actionnaire a souhaité prélever la totalité de ce surplus. J'ai souhaité que celui-ci soit conservé par le groupe afin de réduire le déficit de notre budget prévisionnel de 135 millions d'euros. L'État en a convenu, mais a souhaité que nous contribuions à l'effort national à hauteur de 35 millions d'euros. Si la situation nous était encore favorable d'ici à la fin de l'année, nous pourrions conserver les sommes allant au-delà de ces 105 millions.
À mes yeux, il est important que France Télévisions puisse conserver en grande partie le bénéfice de cette performance, sans pour autant refuser d'assumer ses responsabilités d'entreprise publique vis-à-vis de la solidarité nationale.