Le Gouvernement déclare s'être inspiré du bonus-malus dans la conception de cette taxe. On pourrait le suivre, à quelques réserves près, pour les ménages, mais certainement pas pour les entreprises puisqu'il n'existe aucun lien entre la réduction de taxe professionnelle et la taxe carbone. En s'inspirant d'exemples étrangers, il aurait été possible de subordonner le remboursement aux entreprises de la taxe carbone à la signature de conventions, au niveau de la branche ou de l'entreprise, pour modifier les comportements. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
Le dispositif prévu handicape considérablement la compétitivité de certaines branches. À 17 euros la tonne, le prélèvement représente pour le transport routier 1 % du chiffre d'affaires, soit le résultat net de l'ensemble de la branche. Un tiers de l'activité du transport routier provient de l'international, contre 55 % ou 60 % il y a vingt ans, et cette part va s'effondrer. La situation des entreprises françaises et étrangères ne sera absolument pas équivalente parce que les Polonais, les Portugais, qui sont les plus performants, se sont équipés de super-réservoirs qui leur permettent de traverser la France sans s'approvisionner. La « répercutabilité » est un concept juridique mais pas économique. De toute façon, les chargeurs pourront s'adresser à des Polonais ou à des Tchèques.
Incidemment, êtes-vous si sûre, madame la ministre, que la convention de Chicago interdit d'instaurer la taxe carbone sur le transport aérien ?... Non. L'idéal serait tout de même un système international. Vous avez évoqué le transport maritime. Mais quid du transport fluvial ? Et des transports ferroviaires qui consomment beaucoup de carburants fossiles ? Toutes les lignes ne sont pas électrifiées, celles qui servent au fret notamment.
Cette taxe respecte-t-elle le principe constitutionnel d'égalité entre redevables et non-redevables ? Entre les entreprises sous quotas et les autres, même si le taux initial que vous avez retenu est cohérent avec le prix des quotas d'émission, encore qu'ils soient gratuits pour le moment ? Le problème, qui a d'ailleurs été soulevé dans le rapport Rocard, ne fera que croître et embellir au fur et à mesure que la taxe augmentera et s'écartera des prix de marché. Êtes-vous sûre aussi que les exonérations de tel ou tel secteur pourront se justifier ? Le cabotage peut-il être exonéré quand, sur un trajet comparable, le transport routier ne l'est pas ?
Enfin, sur les produits auxquels elle s'applique, cette taxe revient à une majoration de TIPP dont le niveau est, selon les pays européens, extraordinairement varié, et particulièrement élevé en France. Ne commet-on pas une énorme faute de raisonnement en s'abstenant d'additionner les deux taxes dans nos comparaisons avec nos partenaires ? Où est la cohérence européenne ? La taxe carbone est-elle compatible avec le droit communautaire ?