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Intervention de Patrick Gandil

Réunion du 13 octobre 2009 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Patrick Gandil, directeur général de l'Aviation civile :

Pas plus que mes prédécesseurs, je ne me satisfais des clairances, Monsieur Fruteau. C'est le résultat d'un certain équilibre social qui a ses avantages et ses inconvénients.

L'avantage de ce système est le travail par équipe, reconnu comme bénéfique par la Cour des comptes, un chef d'équipe ayant la responsabilité d'absorber les aléas : arrêt maladie, prolongation de stage, changement dans la charge de travail à cause de problèmes d'exploitation, etc. Il dispose d'un potentiel forcément un peu surdimensionné, d'où le phénomène des clairances, mais, si l'on avait, à la place, des règles strictes, cela conduirait à un jeu du chat et de la souris auquel on serait, je pense, perdant in fine.

Ce système rend difficiles le calcul du service fait et l'établissement de la comptabilité. Mais ce que la Cour des comptes lui reproche surtout, c'est d'être imparfait du point de vue du suivi des règles de la licence. Premièrement, un contrôleur, comme un pilote, doit avoir travaillé un certain nombre d'heures pour maintenir sa qualification. Deuxièmement, il doit recevoir une formation continue, laquelle est liée à un plan de formation qui doit être déposé auprès de l'autorité de surveillance. Or, pour que celle-ci puisse avoir un avis précis sur ce plan, il faut qu'elle sache ce que les contrôleurs ont réellement fait.

Pour garder sa licence, un contrôleur doit avoir contrôlé 200 heures par an. Or, la moyenne est plus proche des 400 heures que des 200. Il existe donc une marge suffisante pour que je ne sois pas inquiet à ce sujet. Par contre, ce serait un mauvais signe à donner que de se reposer sur cet acquis. Il nous faut entendre les remarques de la Cour des comptes. Comme je l'ai indiqué aux personnels lors d'un comité paritaire réuni il y a quelques jours, la situation actuelle ne peut plus durer. Je propose d'instituer, à l'instar des carnets de vol des pilotes, que l'on compare ensuite aux carnets de bord des avions, des cahiers de tenue des positions remplis par les responsables hiérarchiques que sont les chefs d'équipe et déposés ensuite auprès de l'autorité de surveillance. Le contrôle ne portera pas tant sur le temps de travail au regard de la rémunération – si je joue trop sur cet aspect, je risque de déclencher une grève majeure pour peu de chose – que sur la rigueur du suivi des qualifications, de la présence aux positions et de la partie contrôle de sécurité.

Je ne suis pas très fier de ce que je vous dis. Mais c'est la réalité. Je dois composer avec un certain climat social qui rend la situation assez désagréable mais les contrôleurs rendent un service assez performant quand on le considère dans sa globalité. Le chef d'équipe a des marges de manoeuvre reconnues par ses pairs pour arriver à gérer et à équilibrer l'ensemble. Mon problème est de veiller, premièrement, à la sécurité, deuxièmement, à ce qu'il n'y ait pas de gabegie.

Pour éviter les risques de gabegie, un second paramètre doit être introduit : le temps d'ouverture des positions – que l'on connaît par des moyens électroniques – par rapport au potentiel disponible. Quand on se livre à un calcul théorique tenant compte des temps de pause, de formation et autres, on arrive à un paramètre, appelé I1, donnant le temps théorique passé devant la position, de 70 %. Ce taux est actuellement de 50 %. Il me paraît difficile, dans le système social actuel, de le porter à plus de 60 % mais je dois parvenir à atteindre ce taux. C'est le second élément que j'ai indiqué à la Cour des comptes : je compte profiter du prochain protocole social pour remonter le niveau de productivité de 10 %. Il a déjà été augmenté de cinq points dans le protocole précédent, ce qui prouve la constance de nos efforts. La mise en place d'un indicateur nous donnera la capacité d'atteindre ce nouvel objectif.

Ma tâche consiste donc, sans créer de drame social qui serait une catastrophe pour les compagnies, d'une part, à améliorer la productivité d'ensemble et, d'autre part, à mettre en place tous les paramètres de contrôle de sécurité nécessaires.

Le projet OPERA – Organisme Parisien d'En Route et d'Approche – n'est pas aisé à mettre en oeuvre, mais il progresse. Un terrain a été trouvé et un partenariat public-privé est à l'étude. Une méthode dite des pionniers a été définie pour essayer de faire travailler ensemble des contrôleurs de Roissy et d'Orly. Des contrôleurs qualifiés ont été trouvés dans les deux aéroports pour mener cette expérience qui a pour but, d'une part, d'identifier des possibilités d'amélioration, car le contrôle n'est pas une activité théorique et planifiée mais une activité de terrain et, d'autre part, de montrer aux contrôleurs de chaque aéroport qu'il est possible de travailler avec des collègues de l'autre aéroport. Ces deux catégories de personnels ont des structures syndicales différentes à l'antagonisme fort. Tant que nous n'aurons pas réussi à résoudre ce problème, le projet ne fonctionnera pas. Mais l'expérience montre que toutes les tentatives de fusion de centres ont pris du temps. Au Tracon du Potomac, à Washington, il a fallu plus de dix ans.

Aux heures de pointe, il doit y avoir 114 mouvements aujourd'hui, Monsieur Paternotte. Ce nombre augmente régulièrement mais il n'y a pas, en ce moment, de pression extraordinaire du trafic, ce qui donne un peu de temps pour essayer de stabiliser les choses.

Pour donner un point de comparaison, on dénombre pour l'aéroport d'Atlanta environ 140 mouvements. Cela représente un écart assez important mais les deux chiffres, en fait, ne recouvrent pas la même réalité car le système de programmation de créneaux existe très peu aux États-Unis : d'un côté – les 140 –, il s'agit du nombre réel d'avions qui passent ; de l'autre – les 114 –, il est question d'heures programmées, c'est-à-dire du nombre d'heures que les compagnies aériennes sont autorisées à vendre à leurs clients : en d'autres termes, du nombre de créneaux qu'elles vont pouvoir utiliser dans l'heure. À cause des incidents d'exploitation, quand il y a 114 heures programmées, il y a couramment entre 120 et 125 avions à certaines heures et, corrélativement, moins à d'autres heures. Le nombre de 114 est, au fond, le potentiel qu'on s'offre en gardant une petite marge de manoeuvre pour absorber les écarts : quand il y a 120 avions en l'air, on ne les fait pas tourner ; on arrive à les poser. Donc on a une marge par rapport à l'opérationnel. Comparer les 140 mouvements d'Atlanta aux 114 mouvements en France revient donc à comparer du réalisé à du programmé.

Ce constat ouvre une piste pour des améliorations. La réduction de l'écart entre le programmé et le réalisé rendrait le système plus productif. Autrement dit, on arriverait à gagner un peu si l'on pouvait avoir un accord avec les compagnies aériennes – et, notamment, avec Air France qui réalise la moitié du trafic – afin qu'elles occupent mieux leurs créneaux en avançant ou en retardant certains vols d'une dizaine de minutes pour occuper la capacité de contrôle disponible. En effet, quand des avions sont en retard, le contrôle est quand même assuré et ça « coince » l'heure d'après.

Si l'on arrivait à des systèmes de décisions collaboratives de ce type, on pourrait espérer monter jusqu'à 120 mouvements à l'heure. Aller au-delà nécessiterait un changement des méthodes de contrôle. SESAR – Single European Sky ATM Research – nous donnera quelques outils en la matière mais le maximum à espérer, en programmé – pour tenir compte de ce qui, multiplié par le nombre de jours dans l'année, donne la capacité de l'aéroport – se situe, à mon avis, aux alentours de 130, compte non tenu des gains de productivité résultant de l'entraînement des contrôleurs sur un nouvel outil.

Le nombre de mouvements ne dépend pas que du système technique et de la capacité des contrôleurs. Il est aussi lié – et vous l'avez souligné – à la composition des flottes, le système idéal consistant à avoir autant de départs que d'arrivées d'avions de même catégorie. Quand il y a de grosses différences de taille entre les avions, il faut prévoir un grand espace derrière les gros porteurs pour éviter que les petits appareils ne soient pris dans les tourbillons qu'ils créent. Cet espace doit être maximum entre un gros-porteur – comme l'A380 ou le Boeing 777, quoi qu'en disent les Américains – et un Fokker 100. Le nombre de mouvements sera donc d'autant plus grand que la flotte sera plus homogène.

Dans le même temps, un aéroport comme Roissy fonctionnant fondamentalement en hub, du fait à la fois du système européen et de la taille de notre pays, – ce qui nous permet d'avoir accès au monde entier, avec une capacité de connectivité fantastique –, la composition de la flotte est forcément un mixte de gros-porteurs et d'A 320. D'ailleurs, si l'emport moyen à Roissy est plus faible qu'à Londres, c'est parce que la taille moyenne des avions à Roissy est de 120 passagers, contre 160 à Londres.

Faut-il, pour autant, accepter des Fokker ? Aujourd'hui, ils ne gênent pas particulièrement. Si l'on arrivait, un jour, à saturation, on ne prendrait pas de risques. D'ailleurs, les contrôleurs ne l'accepteraient pas – c'est l'un des facteurs qui conduiraient à des réactions sociales –, et la DGAC non plus.

Au début, comme à Londres, on laissera des avions tourner pour les insérer dans les creux du trafic et avoir l'utilisation maximale de la capacité de trafic. Puis on sera forcément amené à refuser des avions. L'outil existe pour cela : ce sont les créneaux – on n'offre pas aux compagnies aériennes plus de créneaux que ne le permet la capacité de contrôle.

Comme vous l'avez souligné, l'impact sonore n'est pas la première des priorités car celle-ci est la sécurité. Nous travaillons, cependant, pour que la deuxième priorité soit l'environnement, et non la capacité. Cela ne marche pas partout entièrement car cette deuxième priorité doit être intégrée dans la pratique usuelle du contrôleur et dans celle de son premier usager qu'est le pilote. En tout cas, nous travaillons très activement sur les procédures de descente continue et sur le relèvement des altitudes de survol dans la région parisienne, qui sont deux changements très importants dans l'activité du contrôle à finalité environnementale.

Le 15 novembre, sera lancée une enquête publique sur le relèvement des trajectoires en arrivée à Orly face à l'est, vent arrière sud. Cette trajectoire présente l'avantage d'être découplée des autres alors que celles-ci sont très entremêlées. Nous entreprenons une étude énorme qui devrait conduire à mener une enquête publique étendue à toute la région. Il n'y a pas moyen de faire autrement. L'objectif est que les avions n'utilisent plus le niveau le plus bas actuel et volent au moins 1 000 pieds au-dessus, ce qui devrait être d'intérêt général.

Après avoir expérimenté les descentes continues à Marseille où elles sont maintenant assez généralisées, nous en faisons un assez grand nombre à Orly dans les arrivées face à l'ouest. J'ai pu vérifier, comme passager particulier, que les pilotes les demandaient et le commandant de bord m'a indiqué que les consignes d'Air France allaient clairement en ce sens. Les pilotes obtiennent ces descentes continues chaque fois que les conditions de contrôle le permettent, c'est-à-dire à peu près deux fois sur trois actuellement. La situation est donc en train d'évoluer. Nous comptons la faire progresser autant que nous le pourrons tant que nous ne disposerons pas de l'application SESAR. Ma deuxième étape sera de faire de la descente continue à Roissy la nuit et de la généraliser ensuite autant que possible.

L'espacement des doublets de piste ne nous aide pas, mais nous aurons pour la descente continue la même contrainte que nous avons aujourd'hui : il faut décaler les avions soit en espace, soit en niveau – et rattraper ensuite le niveau. La situation actuelle vient du fait que les deux pistes sont séparées de 2,5 milles nautiques. Tant qu'on est aligné sur l'ILS – Instrument Landing System –, il n'y a pas de problème. Avant d'être aligné, la norme est de trois milles nautiques.

Plusieurs députés. Pourquoi n'a-t-on pas conçu d'emblée les deux pistes à trois milles nautiques ?

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