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Intervention de Joseph Grimaud

Réunion du 17 juin 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Joseph Grimaud :

Les conditions de l'exercice de l'autorité parentale et plus précisément la question de son exercice par le parent violent dans l'organisation de la vie de la famille après la séparation serait peut-être la question à aborder en dernier. En effet, il faut d'abord savoir comment cette violence va être appréhendée immédiatement, par le juge pénal et le juge civil dont les rôles ne sont absolument pas les mêmes.

Il faut préciser, en préalable, que les violences prennent diverses formes. Il y a, en particulier, des violences qui ne sont pas réprimées pénalement parce qu'elles sont « légères » et difficiles à démontrer, mais qui ont des répercussions lourdes sur l'ensemble de la vie familiale lorsqu'elles sont répétées. Je pense aux violences psychologiques et morales qui ne sont pas appréhendées par les juridictions pénales.

Pour les victimes la réaction naturelle et immédiate, avant d'aller voir le juge, est d'aller voir la police. Alors que ces femmes, ces enfants, se trouvent dans des situations de grande détresse, l'intervention policière est absolument inexistante. Or nous sommes aujourd'hui souvent confrontés à ce genre de situation, la société est violente dans son mode de fonctionnement et la vie familiale s'organise de moins en moins dans le sens de l'engagement, ce qui se traduit par le fait qu'il y a de moins en moins de mariages. Il est bien plus confortable pour les avocats, les juges et même pour les victimes de se situer dans le cadre du mariage car il y a là des outils qui fonctionnent bien. Dans le cadre du concubinage, très répandu, il y a une perte absolue de la notion d'engagement et donc de respect ; on arrive vite dans des zones de non droit dans l'esprit même du couple. Tout est permis et on assiste souvent à des situations d'extrême violence avec peu d'outils pour y répondre. Des violences vont se perpétrer à supprimer. Qu'il s'agisse de violences physiques ou morales, que je qualifierais de maltraitance, l'impossibilité de trouver un logement notamment et la précarité économique vont permettre que les violences durent très longtemps sans qu'il n'y ait d'intervention de la part du juge pénal ou civil, car les victimes ne diront rien à personne. La raison de fond est liée, en réalité, à celles des moyens même de subsistance.

La réflexion sur le droit au logement est donc majeure. Quand une femme consacre l'intégralité de ses revenus à faire vivre sa famille et qu'elle est en couple avec quelqu'un qui s'est totalement désinvesti sur le terrain financier, qui par ailleurs, parce qu'ils sont tous les deux titulaires du bail, fait tout pour qu'elle parte, la situation est compliquée. Généralement parce que l'homme ne veut pas avoir de problème avec l'institution judiciaire, il ne commet pas de violences visibles ; il exercera plutôt des violences légères et psychologiques. Mais ces violences quotidiennes sont extrêmement humiliantes et peuvent durer très longtemps car l'objectif est d'obliger la femme à partir, avec les enfants si elle en a. Quand ces femmes n'ont pas de solution, elles restent. Tout ceci ne va être connu que très longtemps après, chez le juge des enfants quand on va voir apparaître les premiers actes de violence chez les enfants.

Aujourd'hui dans ces situations, quand je rencontre des femmes qui vont mal et sont perdues je suis obligée de leur dire que je ne peux pas saisir le juge aux affaires familiales car il n'y a pas de texte qui le permette tant que les concubins cohabitent et sont tous les deux titulaires du droit au bail. C'est là la grande difficulté à laquelle on est confronté lorsqu'il y a des violences légères, mais répétées, menant à une situation de détresse. Quand c'est vraiment trop difficile, il faut leur dire de partir avec les enfants pour se préserver.

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