Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, chers collègues, les outremers sont une chance pour la République. Ils peuvent en tout cas l'être pour peu que la République veuille bien, de temps à autre, regarder ces territoires par-delà les océans, observer ce que sont leurs richesses et leur condition, sans toutefois oublier ce que fut leur histoire. Les outremers sont une chance parce que le métissage, la cohabitation culturelle ou confessionnelle est pour nous une réalité depuis toujours et que l'hexagone, aujourd'hui confronté à ces défis, gagnerait à s'intéresser à ce qui se passe chez nous.
Oui, les outremers sont une richesse extraordinaire pour la République, et cela est particulièrement vrai en matière environnementale. Votre texte, le reconnaît bien volontiers, monsieur le ministre d'Etat, et nous nous en réjouissons tous.
L'article 49 du projet de loi tient compte des départements, des régions et de l'ensemble des collectivités d'outre-mer. Il liste, de façon assez exhaustive, les principaux domaines sur lesquels nous avons à agir, et nous y reviendrons tout au long de ce débat. Cependant, que n'avons-nous saisi cette l'occasion pour aller beaucoup plus loin afin que nos spécificités soient mieux prises en compte et que les ambitions communes que nous partageons trouvent enfin une traduction concrète et rapide !
Les outremers mènent en effet des actions exemplaires en matière de développement durable et elles n'ont pas, je dois le dire, attendu le Grenelle pour cela. Elles se sont ainsi fixé, presque toutes, des objectifs très ambitieux pour atteindre l'autosuffisance énergétique. Et, je dois bien avouer, à regret, que vous ne leur donnez pas, monsieur le ministre d'Etat, les moyens de les atteindre plus vite.
En effet nos richesses, notre biodiversité, nos ressources naturelles, notre pharmacopée, si elles sont incontestables, ne doivent pas faire oublier que nous cumulons des retards et des handicaps structurels très lourds en divers domaines. Les risques sismiques et cycloniques en sont un exemple, et votre projet de loi soulève, en l'espèce, de réelles interrogations. Ainsi, le plan prévu à l'article 39 en matière sismique sera-t-il bien mis en oeuvre avant 2015 ? Quels moyens financiers y seront consacrés, sachant que, pour un complexe scolaire, celui de Baimbridge transféré par l'État en 1986, ce sont au bas mot 90 millions d'euros qui sont aujourd'hui demandés à la région Guadeloupe, sans aucune aide de l'État ?
La gestion des déchets, particulièrement délicate en milieu insulaire et pour des territoires éloignés de la métropole, est un autre exemple de handicap, sachant que toute exportation de déchets non recyclables se fait au prix fort.
La gestion de la ressource en eau, le traitement des eaux usées, l'assainissement, la pollution de nos sols par les organismes organochlorés comme le chlordécone, la liste des problèmes est longue, mes chers collègues ! Sur la seule question de la pollution des sols, le plan comprenant la dépollution et l'indemnisation que nous réclamons depuis de très longs mois – le président Ollier en sait quelque chose – est malheureusement loin d'être mise en oeuvre dans votre texte.
Cependant le plus dérangeant, c'est probablement que deux problématiques essentielles pour les outremers sont à mon sens tout simplement passées sous silence.
La première est celle de l'inadéquation totale de la fiscalité locale, et singulièrement régionale, aux exigences environnementales. Je suis bien placé pour mesurer ce dilemme kafkaïen, car plus la région investit dans le développement durable, plus elle se retrouve pénalisée financièrement : plus je pollue, plus je m'enrichis ; plus j'investis dans le propre, plus je m'appauvris, tel est le paradoxe. En effet, plus les habitants de ma région consomment de l'énergie fossile polluante, plus les finances des collectivités de Guadeloupe s'enrichissent de la taxe que nous percevons sur chaque litre de carburant consommé.
Sans craindre la boutade, je peux dire que la fiscalité locale mérite un vrai malus écologique ! Ce n'est pas ainsi que l'on incite les collectivités à investir dans les énergies renouvelables. Comprenez que, en disant cela, je suis en train de scier la branche fiscale sur laquelle je suis assis.
Ne faudrait-il donc pas, dans ces conditions, réformer cette fiscalité, d'autant que les régions ont mis en oeuvre des plans exemplaires pour viser l'indépendance énergétique d'ici à 2015-2030 ? Ne conviendrait-il pas de déléguer aux collectivités la taxe générale sur les activités polluantes et de renforcer la défiscalisation en favorisant le rachat de l'énergie renouvelable ?
De même, du gaz naturel aurait, semble-t-il, été découvert au large de la Martinique. Serait-il possible, là encore, d'associer les régions à l'exploitation de ces gisements pour qu'elles perçoivent d'éventuelles redevances, au lieu d'attribuer les concessions à des entreprises australiennes dans la plus totale opacité ?
La seconde problématique est, à mes yeux, tout aussi essentielle. Mon collègue Serge Letchimy l'a déjà longuement évoquée : c'est celle de la gouvernance locale. En ce domaine, c'est à un radical changement de paradigme que nous vous appelons. Nous nous opposons en effet radicalement à la logique jacobine de votre texte, précisément en ces matières qui doivent absolument être adaptées aux réalités locales.
Je vais citer deux autres propositions concrètes que nous vous soumettrons par nos amendements : l'adoption d'une réglementation thermique spécifique aux régions tropicales en matière de constructions neuves, ou encore l'interdiction des lampes à incandescence sur nos territoires. Nous proposons également, à l'unisson de la proposition de l'Assemblée des régions de France, que les régions soient chef de file dans l'élaboration des plans Climat régionaux mais aussi dans le développement des énergies renouvelables et la protection de la biodiversité.
Monsieur le ministre d'Etat, j'ai envie de vous dire : « Faites nous confiance ! » D'autant qu'à bien des égards nous avons fait nos preuves et que le troisième alinéa de l'article 73 de la Constitution nous permet justement d'avoir ces réglementations adaptées.