Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, mes chers collègues, en 1987, le rapport Brundtland traçait, pour la première fois, le chemin politique à suivre pour parvenir à un développement économiquement, écologiquement et socialement durable. On peut y lire notamment : « A elle seule la loi ne suffît guère pour faire respecter l'intérêt commun. Il faudrait aussi promouvoir les initiatives des citoyens, donner du pouvoir aux associations et renforcer la démocratie locale. » De ce point de vue – d'autres orateurs l'ont dit avant moi, mais je veux y revenir à mon tour –, le Grenelle de l'environnement est une réussite. Notre responsabilité est aujourd'hui plus importante encore qu'hier, tant les espoirs sont grands chez tous les contributeurs du Grenelle comme chez l'ensemble des Français.
« La maison brûle et nous regardons ailleurs. » Se déclarer prêt à répondre à l'urgence écologique est une chose, se fixer des objectifs précis et se donner les moyens de réussir en est une autre. Notre crainte est qu'après les initiatives foisonnantes nées du Grenelle, on se paie de mots. Nos craintes sont réelles et fondées lorsqu'on observe les textes adoptés en moins d'un an par votre majorité à l'initiative du Gouvernement.
Je ne prendrai qu'un exemple : la loi de modernisation de l'économie. Ce texte est une négation du Grenelle. En effet, par cette loi, le Gouvernement – le même qui parle aujourd'hui d'environnement – encourage le développement des grandes surfaces, alors qu'il a des conséquences néfastes sur le commerce de proximité des centres-villes, au profit d'une logique commerciale, logique qui pressure les PME sous-traitantes et qui n'est ni écologiquement ni économiquement durable, notamment en termes de déplacements et d'urbanisation. Cette loi est finalement destructrice de lien social. Où est donc l'esprit du Grenelle ?
Celui-ci ne doit pas servir d'alibi et dissimuler ce qui se fait ailleurs. Sa bonne mise en oeuvre et sa réussite supposent qu'il ne soit pas contredit régulièrement par d'autres initiatives.
Certes, le Grenelle de l'environnement n'est pas, du moins dans son intitulé, le Grenelle du développement durable. Néanmoins il nous faut en parler car, sur cette question, sur cette révolution à accomplir, sur ce nouveau modèle de développement, nos visions divergent.
Chercher les voies d'un développement durable, ou soutenable, c'est chercher à tenir ensemble trois exigences fortes et agir sur trois leviers : l'économie, l'environnement et le social. Sans doute certains seront-ils tentés de voir dans ce rappel un détour inutile, mais il s'agit pour moi d'un point central. Il ne saurait en effet y avoir de révolution environnementale, de changement des modes de consommation, sans développement social ni politiques en direction des plus modestes, à moins de concevoir une écologie et une économie réservées à une élite et d'exclure une majorité de nos concitoyens du bien-être écologique et du bien-vivre. Le développement ne sera durable que s'il est juste socialement.
Sur ce point, qu'il me soit permis de placer une fois de plus le Gouvernement face à ses contradictions. Où est le pilier social du développement durable dans la politique menée depuis un an et demi ? Faut-il rappeler les franchises médicales, les attaques contre le code du travail, la stigmatisation des chômeurs, le bouclier fiscal, la multiplication des taxes ou encore le statut de l'auto-entrepreneur qui, sur le plan social, ne manque pas de susciter des interrogations, notamment chez les artisans ?
Votre politique sociale, votre volonté manifeste de mettre à mal les services publics de proximité comme La Poste sont autant de négations du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Celui-ci devrait, au contraire, vous inciter à repenser les priorités de vos actions en faveur d'une société moins inégalitaire. Il devrait vous encourager à prendre à bras-le-corps la question du fossé entre le Nord et le Sud et la nécessaire réduction des inégalités à l'échelle du monde en vous appuyant, plus que vous ne le faites aujourd'hui, sur l'Europe.
Le Grenelle de l'environnement doit évidemment pouvoir nous réunir, tant ses objectifs sont urgents et partagés. Toutefois il ne nous oblige pas pour autant à nous illusionner. Nous devons être vigilants, responsables et exigeants. Cette exigence me conduit à vous dire, en conclusion, ma déception de constater combien la pêche – activité éminente de mon territoire – et les pêcheurs sont les oubliés de ce texte.
Certes, l'article 30 traite de la gestion intégrée des zones côtières et du littoral, mais rien n'est dit ou presque de la volonté de la France d'encourager, de promouvoir, de dynamiser une pêche durable et responsable et de soutenir les filières et les pêcheries à l'avenir. Rien n'est dit, en somme, de la volonté de maintenir en France une pêche vivante.
C'est précisément au moment où ils sont au coeur de la crise que les pêcheurs attendent un signal positif. La pêche reste une activité essentielle pour la vie de nombreux ports, l'emploi, le tourisme et l'aménagement économique de très nombreux territoires littoraux. Il ne paraît pas acceptable de traiter de la question des ressources halieutiques en omettant de citer les professionnels de la pêche, les hommes de la mer, les hommes tout simplement, qui sont au coeur de nos préoccupations.
C'est tout le sens des amendements que je défendrai lors de la discussion des articles. La pêche est un atout. Elle pourrait être plus encore le symbole d'un développement durable bien compris, associant les acteurs, leurs difficultés sociales et économiques à la recherche par les pouvoirs publics de solutions écologiquement durables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)