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Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 23 octobre 2007 à 21h45
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

C'est l'équité à la mode libérale : plus je suis malade, plus je paye ! De quoi faire bondir un Président de la République qui s'évertue, justement, à rétablir l'équité – notamment en matière de retraites…

Cynisme aussi, et comble du cynisme, à l'égard des personnes âgées, que vous prétendez protéger alors qu'elles figurent parmi les premières victimes de cette taxe sur la maladie. Vous puisez directement dans la poche des plus fragiles et vous leur affirmez que c'est pour leur bien. Ils manifestent du mécontentement ? C'est parce qu'ils n'ont pas compris votre politique ! Je vous invite à ne pas sous-estimer les capacités de compréhension du bon peuple. Votre aptitude à le tromper commence déjà à trouver ses limites.

Les dépenses de santé augmentent, ce qui est normal au regard du progrès scientifique, de l'amélioration des traitements et de l'allongement de la durée de vie qui en résulte. Vous ne cessez de prétendre que notre pays n'a pas les moyens d'y faire face, mais ce n'est pas la vérité. La vérité, c'est qu'il y a beaucoup d'argent, beaucoup d'argent bien mal réparti, de plus en plus mal réparti. La vérité, c'est que si vous en aviez la volonté, vous trouveriez facilement les moyens financiers pour permettre à chacun de se soigner et de vieillir dans la dignité.

Éric Woerth reprochait tout à l'heure à M. Le Guen de ne pas avoir dit ce qu'il ferait à la place du Gouvernement. Je vais donc faire quelques propositions et livrer quelques pistes de réflexions.

Il y a d'abord la mise en oeuvre d'une véritable politique de lutte contre les délocalisations et le chômage : un million de chômeurs en moins, ce sont 2,5 milliards d'euros en plus pour la sécurité sociale. Il y a ensuite la question du niveau des salaires : non seulement leur faiblesse empêche de nombreuses familles de faire face aux besoins élémentaires de la vie – je pense notamment aux dépenses de logement – mais elle prive la protection sociale de ressources importantes. Je rappelle que 1 % de masse salariale supplémentaire représente 2 milliards d'euros pour les caisses de sécurité sociale. Quant aux exonérations de cotisations sociales patronales mises en place pour favoriser les créations d'emploi, force est de constater qu'elles n'ont pas atteint leur objectif. La Cour des comptes elle-même le pointe, mais cela ne vous empêche pas de maintenir et d'amplifier une mesure qui, faute d'avoir un effet positif sur la résorption du chômage, se résume à un cadeau royal et sans aucune contrepartie au grand patronat. Cette année, plus de 32 milliards d'euros seront ainsi délibérément soustraits au financement de la protection sociale.

De même, vous seriez bien en peine de nous expliquer les effets positifs de l'exonération de cotisations sociales des stocks-options et des actions gratuites, alors que la Cour des comptes évalue à 3 milliards d'euros le manque à gagner pour la protection sociale solidaire – un chiffre que vous contestez : même en admettant qu'on puisse le diviser par deux, vous, vous osez le diviser par dix ! De toute évidence, la situation des plus riches vous préoccupe beaucoup plus que celle des personnes âgées ou handicapées ! Il s'agit donc bien d'un choix politique délibéré, d'un choix de société. Comment expliquer autrement, alors que le Président de la République prétend revaloriser le travail, le refus persistant de taxer les revenus des placements financiers au même taux que les salaires, c'est-à-dire de loger à la même enseigne ceux qui travaillent et ceux qui spéculent ? Une telle mesure permettrait de faire rentrer jusqu'à 18 milliards d'euros dans les caisses de la protection sociale.

Au-delà de ces propositions, qui relèvent d'un souci élémentaire de justice sociale, nous préconisons plus fondamentalement une modernisation de l'assiette de cotisation de la protection sociale. Toujours assise sur les salaires, elle devrait être modulée en fonction de la politique salariale et de l'emploi menée par l'entreprise, afin de favoriser les bonnes pratiques et d'alléger la charge des entreprises qui, plutôt que de spéculer, préfèrent investir, créer des emplois et offrir des salaires décents.

Enfin, dans la même logique, il serait utile de mettre en place une politique de crédit sélective afin de tenir compte de la situation de certaines entreprises, notamment moyennes et petites, en offrant des prêts à taux zéro à celles qui investissent et créent des emplois.

Si toutes ces pistes sérieuses et réalistes étaient explorées avec une réelle volonté constructive, pour moderniser le financement de notre système en conservant son socle solidaire, nul doute que des solutions travaillées dans un cadre démocratique, avec les usagers et les professionnels concernés, utiles et dynamisantes pour tous, permettraient d'avancer. Mais il faut bien constater que ce n'est pas votre objectif. Vous faites le choix d'accentuer le désengagement des moyens socialisés pour la protection sociale, afin de les orienter, dans le cadre d'une logique libérale, vers les assurances privées. Dès lors, le montant des franchises fixées par décret ne devrait pas tarder à augmenter.

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