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Intervention de Christian Bataille

Réunion du 14 mai 2009 à 9h30
Accords internationaux relatifs aux flux migratoires — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 17 février dernier, les députés SRC de la commission des affaires étrangères avaient, par la voix de François Loncle, souhaité un examen en séance publique de quatre accords relatifs à la gestion des flux migratoires et au co-développement. Ces accords, inscrits à notre ordre du jour ce matin, concernent, par ordre alphabétique, le Bénin, le Congo Brazzaville, le Sénégal et la Tunisie. Ils posent tous les quatre une question de portée générale qui dépasse le cas particulier de ces pays.

La mondialisation a multiplié les contacts et les échanges ; les marchandises, les services, mais aussi les hommes en sont de plus en plus affectés. Si ces mouvements croisés favorisent souvent le développement, ils sont aussi à l'origine de déséquilibres. Nous sommes les uns et les autres interpellés, comme responsables politiques et comme citoyens.

L'identification des questions posées par la mondialisation des mouvements humains ne pose pas de problème particulier ; la réalité en impose le constat. Les pays en développement exportent les éléments souvent les plus dynamiques de leur population en mal de travail ou de survie. Le phénomène est ancien et universel. Hier, et jusque dans les années cinquante, des millions d'Européens ont déferlé sur l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, poussés par la faim, le chômage et la misère. Aujourd'hui, des centaines de milliers de Centraméricains et de Mexicains ont émigré aux États-Unis, et des centaines de milliers d'Africains tentent leur chance en essayant de se faire une place en Europe.

Les réponses apportées, en revanche, diffèrent.

Certains privilégient la contention, la construction de murs virtuels, maritimes, ou de barbelés, les solutions militaires et policières. Cette voie-là est celle que préfèernt les forces les plus conservatrices, de droite et d'extrême droite. Elle fait du migrant un délinquant. Depuis 1986, et à chaque alternance, les gouvernements conservateurs ont multiplié les lois Maginot, les machines juridiques à refouler les hommes du sud, à l'exception notable de ceux qui, occupant des fonctions d'autorité, agissent en prédateurs pour leurs peuples et ont toute latitude pour investir chez nous le fruit de biens plus ou moins bien acquis.

Les socialistes, avec d'autres, mettent l'accent sur la nécessité de prendre le problème dans sa globalité, de traiter non seulement le ressac négatif des migrations, mais aussi d'en tarir la source. Cela ne peut se faire que dans un dialogue qui place sur un pied d'égalité les pays du nord et les pays du sud, les pays récepteurs et les pays émetteurs de flux humains. Or les accords qui nous sont proposés aujourd'hui sont inégaux et déséquilibrés. Ils s'inscrivent dans une logique policière de contention, ne sont pas à la hauteur de l'enjeu et répondent sans doute à des engagements électoralistes. Je note qu'ils viennent en discussion alors que le ministre de l'identité nationale écarte des centres de rétention administrative la Cimade, organisation qui, depuis la Deuxième guerre mondiale, mène une action exemplaire et reconnue auprès de populations déplacées.

Avec ces accords et cette dernière décision, le Gouvernement et sa majorité répondent aux voeux de la fraction la plus droitière de leur électorat. Les députés socialistes ne sauraient donc approuver les conventions soumises à l'appréciation de l'Assemblée nationale ce matin ; c'est pourquoi ils voteront contre.

L'esprit des lois est toujours un fil conducteur éclairant. Quel est celui des textes d'aujourd'hui ?

Répondent-ils au souci du développement et du co-développement, lequel est en effet mentionné dans le titre, mais de manière floue, après l'expression de « gestion de flux migratoires » ? Certes pas : le lien de causalité ainsi établi est révélateur d'une pensée et d'une volonté de conditionner la coopération française avec les pays en développement au fait qu'ils acceptent refoulements et expulsions. L'aide est ainsi conçue comme un moyen complémentaire de la police de l'air et des frontières. Il y a longtemps que la majorité en est convaincue.

De vieux souvenirs gaulliens avaient, jusqu'en 2007, empêché l'irrémédiable ; cette source historique est restée active jusqu'à la fin du dernier quinquennat. En 2007 – hélas ! – Nicolas Sarkozy a rompu avec l'héritage de la décolonisation, laquelle, entamée sous la IVe République, s'est poursuivie sous la Ve. Dans la lignée de la proposition de loi visant à réhabiliter la colonisation et la sujétion des Africains à des migrants européens et français, proposition défendue par le groupe UMP, Nicolas Sarkozy a imposé une rupture philosophique. La préférence nationale a pris le dessus sur toute autre considération.

Le chef de l'État a voulu un ministère insolite, dit de l'identité nationale, qui fut perçu à l'étranger comme un signal d'agressivité à l'égard des plus faibles, alors qu'étaient réservées aux plus forts les normes idéologiques d'un occident incarné par l'OTAN. Ce ministère de l'identité nationale est venu coiffer l'aide aux pays d'Afrique, le ministère de la coopération étant rayé d'un trait de plume et, avec lui, une politique et une conception du rapport à l'Afrique.

Cette disgrâce a été publiquement validée et revendiquée le 26 juillet 2007 à Dakar par Nicolas Sarkozy, qui déclarait devant des étudiants sénégalais : « Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. […] Dans [son] imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès. […] Jamais il ne s'élance vers l'avenir. »

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