L'administration américaine a décidé d'abandonner le bouclier anti-missiles continental mais pas le système de combat Aégis, qui équipe notamment les destroyers de classe Arleigh Burke aux États-Unis et les destroyers Kongo et Kirishima au Japon. Où en est la marine nationale dans sa réflexion sur l'utilisation des frégates Horizon dans le cadre d'une défense avancée du continent et des forces opérationnelles à la mer ?
Amiral Pierre-François Forissier. Nos moyens étant limités, je ne vous cache pas que nous ne pouvons pas embarquer des équipes de fusiliers marins sur tous les bateaux. Nous ne le faisons que ponctuellement et de façon ciblée, pour des bateaux à haute valeur économique, patrimoniale ou humaine. Compte tenu de ce qui s'était passé et des renseignements dont nous disposions, nous avons décidé de protéger les thoniers au large des Seychelles.
Cela étant, nous faisons déjà le maximum : si nous devions protéger d'autres navires, il faudrait choisir lesquels nous ne protégeons plus. Le principe est que les bateaux doivent participer à des convois, mais nous faisons également, dans la stricte limite de nos moyens, du « sur-mesure » pour ceux qui ne peuvent pas participer à ce type de dispositif.
S'agissant de la base de Nîmes-Garons, la marine sera remplacée par des unités de l'armée de terre au sein de la base de défense de Nîmes, de sorte que la population militaire devrait rester à peu près identique sur le site. Nos installations ne seront pas démantelées : elles changeront simplement d'utilisateur. Cette question est distincte de l'avenir de la tour de contrôle, qui relève aujourd'hui de la marine. Si la plateforme aéronautique n'a pas vocation à perdurer, il n'y aura pas lieu que la tour de contrôle reste en service ; nous la fermerons donc progressivement jusqu'à l'arrêt total de l'activité. Dans le cas contraire, je m'engage à passer le relais à l'organisme « repreneur » dès qu'il sera identifié en prenant le temps qu'il faudra pour assurer la continuité. Mais en tant que telle, la décision de maintenir ou non cette activité ne m'appartient pas.
La perte de deux Rafale contrecarre naturellement la montée en puissance de la deuxième flottille, à laquelle nous travaillions ; elle sera décalée d'autant.
Les appareils affectés à la base de Lanvéoc seront des EC 225 qui ne deviendront des Caracal qu'une fois leur mission de sauvegarde en mer terminée. En effet, nous avons besoin d'hélicoptères rapidement disponibles pour nos missions de sécurité maritime. Une fois que les NH 90 seront là, nous remettrons ces appareils à la disposition de l'ensemble de la communauté de défense et ils pourront alors recevoir des équipements complémentaires. La DGA met toute l'énergie qu'on lui connaît à résoudre les difficultés auxquelles nous nous heurtons pour obtenir ces appareils, notamment au plan industriel, mais je ne sais pas quand ils pourront être déployés sur le terrain.
Le modèle des forces résultant du Livre blanc comportait quatre BPC. Comme nous disposions de TCD relativement récents, la livraison de deux BPC avait été remise à plus tard, mais nous ne nous plaindrons pas du fait que le plan de relance ait accéléré le calendrier, bien au contraire : il est toujours préférable de disposer d'un parc aussi homogène que possible.
S'agissant de l'armement de ces BPC, la plus grande prudence me semble de mise : on ne peut pas se défendre contre les menaces aériennes sans disposer d'un système de défense complet. C'est pourquoi notre concept de forces navales comporte des bâtiments de protection spécialisés. Je n'imagine pas un seul instant de laisser un BPC sans couverture aérienne quand bien même il serait doté d'armes d'autodéfense. Nous ne pouvons pas courir de risque, surtout quand il y a des milliers de personnes évacuées à bord. Ce fut d'ailleurs la mauvaise surprise rencontrée lors de l'opération Baliste au large du Liban : les premiers renseignements dont nous disposions écartaient tout risque de tir de missile, si bien que le BPC était parti sans accompagnement ; quand nous avons appris que le Hezbollah disposait en réalité de missiles antinavires qu'il pouvait tirer depuis la terre, nous avons dû déployer très rapidement une frégate anti-aérienne. Le BPC est un bateau rustique et peu cher, qui correspond parfaitement à nos besoins. Comme il ne peut pas rester sans défense, nous sommes en train de l'équiper de moyens légers d'autodéfense, mais il n'est pas question d'aller au-delà, sans quoi nous en ferions un bateau ne correspondant plus à notre concept initial.
En revanche, grâce aux capacités extraordinaires des frégates Horizon, nous disposerons d'une véritable capacité de défense anti-aérienne de théâtre. Le système d'armes embarqué ne sera pas pour le moment utilisable contre des missiles balistiques, mais ses performances pourraient lui permettre d'atteindre ultérieurement cet objectif s'il était fixé par l'autorité politique, comme ce fut le cas aux États-Unis. Ce serait alors une simple question de coûts et de délais.