Comme chacun s'en souvient, l'hiver 2008-2009 a été marqué, outre-mer, par des conflits sociaux très graves, qui ont eu quatre conséquences budgétaires. La première a été la signature d'un protocole d'accord dans les départements d'outre-mer instituant un revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA). Contrairement au RSA, le RSTA n'est pas une incitation à reprendre le travail, mais une prime donnée à ceux qui en ont déjà un. Créé pour répondre à une demande forte, il prévoit le versement mensuel à certains salariés de 100 euros pris en charge par l'État, auquel s'ajouterait une somme équivalente, prise en charge pour moitié par l'employeur, et pour moitié par les collectivités territoriales. J'observe que le projet de loi de finances pour 2010 prévoit que les sommes versées au titre du RSTA s'imputent sur la prime pour l'emploi (PPE). Il en résulte certes que le coût de la mesure sera de 170 millions et non de 280 millions comme prévu initialement, mais cela signifie aussi que le dispositif est ainsi conçu que le salarié qui aura perçu 1 200 euros au titre du RSTA verra ce montant déduit de la PPE qu'il touchera l'année suivante. En d'autres termes, l'État reprend d'une main ce qu'il a donné de l'autre.
La crise sociale a eu pour deuxième conséquence que le Gouvernement a profondément modifié la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) qui dormait depuis sept mois sur le bureau du Sénat et qui a été sortie à cette occasion de son long sommeil. La loi prévoit l'exonération de cotisations sociales sur le versement par les entreprises d'une prime de 1 500 euros par an au maximum à leurs salariés, ainsi que l'extension des zones franches d'activité (ZFA), avec l'élargissement des secteurs concernés et des avantages fiscaux liés à ce statut. Par ailleurs, la loi de finances pour 2009 avait « reprofilé » le dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques à l'outre-mer. Lors de l'examen de la LODEOM, le Gouvernement a modifié le mécanisme ; il en résulte que l'économie prévue ne sera plus que de 63 millions au lieu des 138 millions attendus.
La troisième conséquence de la crise sociale a trait à la politique relative au prix des carburants. Deux missions ont été conduites à ce sujet, l'une par l'administration, l'autre par une mission d'information commune de la commission des Affaires économiques et de la commission des Finances de notre Assemblée. Cette seconde mission a formulé plusieurs propositions et procédé à une analyse juridique concluant que l'État devrait indemniser les compagnies pétrolières pour la perte de recettes due à la baisse puis au gel du prix des carburants, imposés par arrêtés préfectoraux. Cette analyse est partagée, puisqu'en juillet un décret d'avance a ouvert à cette fin 44 millions supplémentaires sur la mission Outre-mer.
Enfin, la quatrième conséquence de la crise sociale est la tenue des « états généraux de l'outre-mer » dont, puisqu'ils ne sont pas parvenus à leur terme, j'ignore tout des éventuelles conséquences budgétaires.
Quant au projet de budget pour 2010, il ne déroge pas à la règle : avec un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins de 2 milliards en crédits de paiement, les crédits de la mission ne représenteront que 11,8 % de l'effort global de l'État en faveur de l'outre-mer. La dépense fiscale, rattachée à titre principal à la mission Outre-mer, s'établit à 3,6 milliards d'euros, en augmentation de 6,3 %.
Le programme Emploi outre-mer comprend l'action Soutien aux entreprises et avec elle les crédits destinés à compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations dont bénéficient les entreprises des départements d'outre-mer. Or, une nouvelle fois, la dotation ne suffira pas à compenser intégralement le coût des exonérations. De ce fait, pendant l'exercice 2010, la dette de l'État auprès des organismes de sécurité sociale s'aggravera encore de 55 millions pour atteindre 664 millions d'euros. Le service militaire adapté (SMA) relève aussi de ce programme. C'est une bonne politique qui a montré son efficacité. Le Président de la République avait annoncé le doublement en trois ans du nombre de bénéficiaires du SMA, mais aucun recrutement supplémentaire n'étant prévu en 2010, le doublement de l'effectif devra se faire en deux ans, ce qui paraît difficile. Je regrette que l'annonce faite ne soit pas suivie d'effet au cours du prochain exercice.
La mission Outre-mer comporte d'autre part le programme Conditions de vie outre-mer. Au premier rang de ce programme figure l'action Logement. À ce sujet, la LODEOM a considérablement changé la donne. Mais si le dispositif de défiscalisation vise désormais le logement social et non plus le logement libre et intermédiaire, son efficacité réelle laisse dubitatif. Qu'en est-il en effet ? L'article 199 undecies C du code général des impôts prévoit que des contribuables pourront désormais créer des sociétés qui construiront des logements. La réalisation des investissements nécessaires à la construction ouvrira droit à une réduction d'impôt égale à 50 % de leur montant. Les contribuables se partageront l'avantage fiscal à proportion des parts détenues dans la société propriétaire des logements, mais 65 % de cet avantage devront être rétrocédés sous forme de bonification des loyers aux opérateurs du logement social, à qui il reviendra de trouver des locataires.
Le seul énoncé du montage disant sa lourdeur et sa complexité, on peut douter que les 110 millions de dépenses fiscales prévus en 2010 soient atteints. De plus, le mécanisme choisi entraînera une « évaporation » importante : différents intermédiaires devant être rétribués, la dépense fiscale consentie ne sera pas entièrement consacrée à la construction de logements sociaux. D'une manière générale, il aurait été préférable, car plus efficace, de privilégier la voie de la ligne budgétaire unique. Loin des 5 500 logements prévus, 3 700 seulement auront été construits en 2008. Autant dire que le retard, déjà considérable, s'aggravant, la forte demande de logements sociaux demeure insatisfaite. Enfin, la pénurie de foncier demeure ; à cet égard, la création, prévue dans la LODEOM, d'un groupement d'intérêt public visant à faciliter la cession des terrains afin que les logements nécessaires soient enfin construits est une bonne chose.
La LODEOM a également réformé le dispositif d'aide à la continuité territoriale en le recentralisant et en l'assortissant d'une condition de ressources. Je sais que certains de nos collègues d'outre-mer sont assez mécontents de cette recentralisation. Je considère pour ma part que c'est une bonne chose car l'ancien dispositif a permis quelques abus auxquels il fallait mettre un terme.
Le programme Conditions de vie outre-mer finance également, par le biais de son action Collectivités territoriales, la dotation globale de développement économique, un dispositif spécifique à la Polynésie française destiné à compenser à la fois la réalisation des essais nucléaires et leur abandon. Cette dotation, qui s'établit à 150 millions par an, est en principe consacrée à financer des investissements touristiques ou productifs mais, faute de contrôles, elle a pu être utilisée par les gouvernements de Polynésie successifs pour des dépenses de fonctionnement. Le dispositif est maintenu inchangé ; il serait bon de le réformer pour garantir qu'il sert uniquement l'intérêt général.
Enfin, la LODEOM a créé un fonds d'aide à l'investissement pour les collectivités d'outre-mer. C'était nécessaire, car elles n'ont pas les moyens de financer seules ces dépenses. Doté de 40 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 16 millions d'euros en crédits de paiement en loi de finances pour 2009, ce fonds a été abondé à deux reprises au titre du plan de relance de l'économie. Dans ce cadre, le montant global des autorisations d'engagement a été porté à 165 millions et celui des crédits de paiement à 51 millions. J'aurai aimé connaître l'emploi de ces 51 millions, mais je n'ai pas obtenu du secrétariat d'État les précisions demandées à ce sujet. Je le regrette, car il aurait été utile de pouvoir expliquer dans quels domaines les collectivités considérées peuvent investir pour réaliser des équipements publics qui font cruellement défaut.
En conclusion, les mouvements sociaux de l'hiver dernier dans les DOM ont eu pour conséquences une dépense comprise entre 500 et 510 millions. Il s'agit là à la fois du coût des mesures contenues dans le protocole d'accord, des mesures nouvelles qui figurent dans la LODEOM et des mesures relatives au prix du carburant. En revanche, je ne peux chiffrer le coût de la prime de 1 500 euros exonérée de cotisations sociales, car j'ignore le nombre de salariés qui en ont bénéficié et, faute qu'elles soient connues, je suis contraint de faire l'impasse sur les conclusions des états généraux.