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Intervention de Jean-Pierre Dubois

Réunion du 7 octobre 2009 à 9h00
Mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national

Jean-Pierre Dubois :

Absolument et je n'arrête pas de le rappeler lorsque mon épouse tente de faire respecter ce droit, ce qui est souvent difficile, y compris auprès de commissaires de police ou de fonctionnaires chargés d'appliquer la loi. Mon intention n'est pas de minimiser les signes plus exotiques d'infériorisation mais que nous gardions à l'esprit que ce n'est pas parce que des choses nouvelles et choquantes arrivent qu'il faut oublier les combats passés, qui ne sont plus dans la conscience collective. Sur le site de l'Assemblée nationale, il est d'ailleurs mentionné que la violence faite aux femmes a augmenté en France de manière très significative. Il faut donc être attentif à tous les risques pour les droits des femmes et ne pas braquer une loupe sur un problème qui nous détournerait d'un regard global. Il est légitime de s'intéresser à ce genre de pratiques mais en prenant garde de ne pas les amplifier car cela pourrait laisser penser qu'il n'y a plus qu'un seul foyer de risque pour les femmes dans notre pays.

Je précise que la Ligue des droits de l'homme a choisi de garder ce nom historique, mais que le terme d'homme doit évidemment être entendu en son sens générique d'être humain. Nous nous préoccupons des droits des femmes depuis cent dix ans puisqu'une des fondatrices de la Ligue, Séverine, a joué un rôle important dans le combat pour les droits des femmes. Mais nous sommes préoccupés par le risque que les droits des femmes soient instrumentalisés : j'ai le souvenir de périodes détestables où le Front national était devenu extrêmement féministe en dénonçant uniquement les atteintes aux droits des femmes qui avaient lieu dans les populations immigrées.

Il est certain que le port du voile intégral est un signe d'infériorisation des femmes, qu'il faut faire régresser. La question réside alors dans la manière à employer pour ce faire. Il est certain que ce phénomène reste très minoritaire. Il ne faut donc pas le présenter comme quelque chose de massif. La contrainte et l'exclusion étant le meilleur moyen de renforcer les communautarismes, il faut éviter de stigmatiser les femmes en cause. Nous sommes donc absolument hostiles à l'idée d'une loi qui interdirait un port de signes vestimentaires en tant que tel pour de nombreuses raisons que nous aurons l'occasion d'aborder. Il suffit d'envisager comment une telle mesure pourrait être appliquée. Que fait-on d'une femme qui y contreviendrait ? Va-t-on l'amener au commissariat de police ? Va-t-on créer à côté des cellules de dégrisement des cellules de dévoilement ? Va-t-on lui enlever son voile sur la voie publique ? Il n'en est pas question ! Va-t-on la punir d'amende et de jugement en cas de récidive ? Imaginez-vous le jugement pénal non de l'homme qui la contraint mais d'une femme qui est condamnée pour avoir porté un voile intégral ? Cela reviendrait à faire le contraire de ce que nous voulons tous, à savoir travailler à l'émancipation des femmes. Nous pensons qu'aucun combat pour les droits des femmes ne peut prendre les femmes pour cible. Ainsi, bien que nous soyons hostiles à ce genre de pratiques, nous pensons que ce n'est pas par la pénalisation des femmes que l'on réglera le problème.

Il se passe aujourd'hui exactement la même chose que durant la commission Stasi et la mission du président Jean-Louis Debré, auquel mon prédécesseur avait fait remarquer qu'il s'agissait d'une mission sur le foulard. Le président Debré avait indiqué qu'il s'agissait d'une loi sur les signes religieux à l'école. Mais mon prédécesseur avait répondu que l'huissier qui lui avait indiqué la salle avait dit : « La commission foulard, c'est par là. » J'attire donc votre attention sur le fait que votre mission, dans tous les médias, s'appelle la mission burqa. En effet, la burqa évoque l'Afghanistan et les talibans. On fait donc croire que les talibans sont chez nous, ce qui n'est pas sérieux. S'il y a bien une augmentation de la pratique du voile intégral, que nous jugeons choquante, vous ne pouvez pas laisser dire que l'Afghanistan se trouverait dans nos banlieues. Si l'on nous demande si nous condamnons la pratique du port du voile intégral, nous répondons par l'affirmative. Il faut faire attention aux mots, qui sont souvent extrêmement passionnels dans ce genre de débat.

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