Quelle est la difficulté ? Quand les apprentis reviennent de vacances, vers la mi-août, ils commencent à nouer des contacts avec les CFA, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métier. Et ils cherchent leur entreprise. Il faut que tout soit bouclé à la fin du mois de septembre, puisque la règle veut qu'un apprenti ne puisse entrer dans un CFA que s'il a signé son contrat d'apprentissage. Par conséquent, il faut, en un mois et demi, trouver une place en apprentissage à plus de 150 000 jeunes.
Cela a des conséquences dont nous sommes tous témoins sur le terrain. Avec le succès croissant de l'alternance, les choses se sont progressivement inversées. Alors qu'auparavant, nous avions plutôt des places en apprentissage qui ne trouvaient pas preneur, nous avons maintenant plutôt des jeunes qui viennent nous demander de l'aide en nous disant qu'ils veulent faire de l'apprentissage, qu'ils sont motivés pour cela, mais qu'ils n'arrivent pas à trouver une entreprise.
Vous êtes d'ailleurs nombreux, sur tous les bancs, à m'avoir saisi au cours du mois qui vient de s'écouler, en appelant mon attention sur le cas de tel jeune qu'il fallait aider à trouver une place en entreprise.
Ce problème revêt évidemment une acuité toute particulière dans cette période de crise, puisque les entreprises ont tendance à être un peu plus frileuses, de sorte que l'on a encore plus de mal à trouver, en un mois et demi, une place à autant de jeunes.
Cette situation a inspiré diverses expérimentations. Certaines chambres de commerce et d'industrie, dans le Nord-Pas-de-Calais, les Yvelines ou en Lorraine, par exemple, ont pris le risque d'accepter des jeunes dans les CFA alors même qu'ils n'avaient pas encore signé leur contrat et de batailler ensuite pour leur trouver une place en entreprise entre le mois d'octobre et le début du mois de novembre. Les retours d'expériences que nous avons, notamment des Yvelines, indiquent qu'elles trouvent une place à 100 % des jeunes qu'elles ont pris, simplement grâce à la petite souplesse d'un mois et demi supplémentaire qu'elles se sont donnée.
Un deuxième exemple intéressera M. Gilles ou M. Issindou : c'est celui du conseil régional d'Île-de-France qui a expérimenté le même système. Dans le dispositif, ils prennent des jeunes qui n'ont pas encore trouvé leur entreprise et leur aménagent un sas grâce à un dispositif intitulé « passerelle vers l'apprentissage ». En réalité, ces jeunes sont dans le cursus du CFA, mais l'enseignement a été réorganisé de manière à leur dispenser pendant le premier mois un peu plus de cours théoriques, pour leur permettre ensuite de basculer sitôt qu'ils ont trouvé leur place en entreprise. L'inspiration est intéressante et, pour une fois, je peux le souligner.
Dernier exemple, certains CFA prennent des jeunes ayant un contrat en entreprise, mais qui commence plus tard, à la mi-novembre. C'est cette situation qui a inspiré un amendement que nous avions déposé au Sénat tendant à permettre aux CFA qui le souhaitent de prendre des jeunes et de leur laisser un délai de quatre mois pour trouver une entreprise.
Je veux être clair : il ne s'agissait en aucun cas d'orienter des jeunes en échec scolaire en direction de l'apprentissage. J'ai un CFA chez moi en Haute-Loire et, depuis des années, je me bats avec les parlementaires du département pour le soutenir et le défendre. Je suis extrêmement attaché à l'apprentissage et je suis de ceux, au sein du Gouvernement, qui ont milité pour que le plan en faveur des jeunes comprenne d'abord des mesures dans ce domaine, parce que j'y crois plus qu'à toutes les primes qu'on peut mettre sur la table. À mon sens, la véritable autonomie pour un jeune, à un moment de sa vie où il a besoin de repères, passe par l'apprentissage, pas par une prime.