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Intervention de Michel Issindou

Réunion du 13 octobre 2009 à 21h30
Formation professionnelle tout au long de la vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou :

Je remercie M. le secrétaire d'État de s'être montré plutôt flatteur pour nous – sincèrement, dit-il – et nous en acceptons l'augure. Nous nous permettrons néanmoins de signaler ce qui ne nous semble pas acceptable dans ce texte, et qui, comme l'a dit Jean-Patrick Gille, ne nous permettra pas d'émettre un vote positif.

Sur la forme, était-il indispensable d'examiner ce texte selon la procédure d'urgence ? Je sais bien que la crise rend nécessaire une meilleure formation mais l'on utilise un peu trop souvent cette procédure. Ainsi n'avons-nous procédé qu'à une seule vraie lecture alors que le Sénat a profondément modifié le texte que nous lui avons transmis, notamment en ce qui concerne les jeunes. Nous aurions donc aimé avoir le temps de l'examiner autrement qu'au sein d'une CMP un peu rapide et ce soir même.

Le secrétaire d'État vient de nous annoncer qu'il présenterait un amendement pour revenir sur une disposition qui lui tient à coeur. Claude Goasguen a dit avec de nombreux trémolos qu'il avait changé d'avis. Telle n'a pas été son attitude en CMP et il le sait bien, M. Anciaux, présent, pourra le confirmer. M. Goasguen était le premier à dire que l'apprentissage sans maîtres d'apprentissage était une curieuse conception de l'apprentissage.. Je pense que ce jour-là nous avions trouvé la bonne formule.

Le travail de la CMP a été « cassé ». on se rend compte que le travail réalisé par une CMP peut être remis en question par le Gouvernement. Certes le Règlement le permet ; reste qu'une telle attitude n'est pas très correcte.

Sur le fond, nous retrouvons les mêmes défauts qu'au mois de juillet – l'été n'a rien arrangé à ce texte. Un mot me vient à l'esprit : celui de défiance. Défiance, notamment, vis-à-vis des organismes paritaires, et des partenaires sociaux qui avaient voté un accord interprofessionnel à l'unanimité – ils étaient huit –, chose assez rare pour être relevée. Or, par le biais du fonds de sécurisation – une bonne institution en soi, qui apportera de l'argent pour former les publics qui en ont le plus besoin –, l'État, encore lui, se chargera de mettre tout le monde d'accord puisqu'il pourra, par décret, déterminer les grandes orientations dudit fonds.

La même logique prévaut, nous l'avons constaté en CMP, en ce qui concerne les OPCA, qui devront signer des contrats d'objectifs tous les trois ans avec l'État. Là encore, quel manque de confiance vis-à-vis des partenaires sociaux qui gèrent les OPCA ! Peut-être n'étaient-ils pas très bien gérés, mais on pouvait le leur signifier autrement qu'à travers le retour de l'État.

Quant aux régions –Alain Rousset va nous en parler – le texte les dépouille de leurs compétences. Comment justifier qu'il prévoie la signature d'un contrat de plan – avec tout ce que cela implique – alors même que la loi de 2004 a donné aux régions compétence pleine et entière en matière de formation tout au long de la vie ?

Sur tous ces points, on assiste à un retour en force de l'État, dans un réflexe jacobin, alors que, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, et Claude Goasguen l'a rappelé, nous sommes engagés dans un processus de décentralisation, fût-il plus ou moins bien accepté et plus ou moins parfait – la décentralisation est toute jeune. En tout cas, ce retour de l'État ne me semble pas de bon augure.

Vous avez créé un copilotage à tous les niveaux. L'État prononcera ses sentences, arbitrera entre les partenaires, les régions et les OPCA ; on ne saura pas très bien qui gouverne et, comme toujours dans ce genre de situation, un tel système risque de ne pas fonctionner.

Ensuite, vous donnez un mauvais signe au service public. Nous sommes certes parvenus, grâce à des amendements présentés en CMP, à réintroduire dans le texte la notion de service public de l'orientation, supprimée dans un premier temps. Nous verrons bien quels moyens lui seront accordés ; pour l'instant il s'agit de portails internet, dont on connaît les limites.

Reste que vous portez à l'AFPA deux mauvais coups consécutifs, l'un avant l'été et l'autre après. D'abord vous rattachez les psychologues à Pôle emploi ; puis vous donnez à l'Agence – cadeau empoisonné – un patrimoine à gérer qui va renchérir ses coûts de formation. Vous aurez beau jeu ensuite de démontrer que l'AFPA n'est pas compétitive et qu'il faut la supprimer…

Les partenaires sociaux ont proposé, il faut le reconnaître, des dispositions qui améliorent grandement ce texte. La PEO, la préparation opérationnelle à l'emploi, est une bonne mesure. La portabilité du DIF n'est pas contestée, parce qu'elle n'est pas contestable. Tout cela allait dans le bon sens.

Malgré cela, vous avez produit un texte qui n'est pas véritablement à la hauteur des enjeux. M. le secrétaire d'État a été très modeste, dans son propos liminaire, disant que ce n'était pas le grand soir de la formation continue. Le Président de la République avait tenu des propos beaucoup plus emphatiques, en disant qu'il espérait, lui, le grand soir. On voit bien que celui-ci n'aura pas lieu, en tout cas pas à travers ce texte.

Il nous importera de nous assurer que les 500 000 personnes peu qualifiées et les 200 000 chômeurs concernés trouveront bien des formations.

Ce texte aura du mal à se mettre en place, et ce, je le répète, en raison d'une gouvernance improbable. Nous nous retrouverons, et c'est d'ailleurs un motif de satisfaction, pour l'évaluer régulièrement. Nous verrons ainsi comment peut fonctionner un système plein de bonnes intentions, qui comporte parfois de bonnes mesures, et qui tente de créer une flexisécurité à la française, mais dont la gouvernance opaque risque de faire avorter un texte qui était, initialement, beaucoup plus ambitieux.

Nous voterons contre, bien entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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