Puisque que nous arrivons à la fin de l'examen législatif, nous pouvons en tirer un premier bilan. Je serais tenté de dire que nous venons de manquer une belle occasion de conduire la réforme de la formation professionnelle tant attendue et qui avait été préparée par de nombreux rapports remarquables.
Sur la forme d'abord, la loi devait transposer l'ANI de janvier 2009 ; mais cette transposition se résume à neuf articles, cependant qu'on a assisté à une inflation législative puisque nous sommes passés d'une vingtaine d'articles à environ quarante-cinq. Le sentiment partagé sur l'ensemble des bancs est que ce texte ne nécessitait pas l'urgence et qu'une deuxième lecture aurait été la bienvenue pour approfondir certains points qui n'auront été discutés qu'au Sénat, voire seulement en CMP, ou même seulement ce soir avec l'amendement du Gouvernement sur l'apprentissage.
Vous me rétorquerez qu'il y a urgence concernant les mesures pour les jeunes et l'emploi. Mais justement n'est- ce pas une des faiblesses de cette loi d'avoir voulu tout aborder ? « Qui trop embrasse mal étreint ».
Sur le fond, la loi touche désormais à la plupart des aspects de la formation professionnelle, sans apporter de vraies réformes structurelles – si ce n'est que, sans l'avouer, on glisse du paritarisme vers une forme de tripartisme puisque 13 % des fonds des partenaires sociaux seront désormais gérés dans le cadre d'une convention avec l'État et que les OPCA eux-mêmes devront passer une convention cadre avec lui. Cet amendement adopté au Sénat, rejeté dans un premier temps en CMP, a été revoté, in extremis.
Cette loi, c'est vrai, est porteuse de quelques innovations positives, qu'il s'agisse de la redéfinition des missions du Conseil national de la formation tout au long de la vie, de la portabilité du DIF, de l'interdiction des stages hors cursus, du développement de l'alternance – même si nous reviendrons sur notre différend relatif à 1'accès à 1'apprentissage de jeunes dépourvus de maître d'apprentissage, que nous examinerons tout à 1'heure à 1'occasion de l'amendement du Gouvernement : cette disposition, même si j'en comprends l'intention, pourrait remettre en cause la nature même de l'apprentissage.
Cette loi, cependant, ne règle pas les grandes questions telles que le pilotage de la formation professionnelle. Finalement, qui pilote?. Cette question, loin d'être réglée, est rendue plus complexe aujourd'hui car, du fait de l'article 20, l'État reprend des compétences qu'il avait déléguées aux conseils régionaux, cependant que l'article 9 permet aux partenaires sociaux de s'investir dans la formation des demandeurs d'emplois. Bref tout le monde s'occupe de tout ! Il manque un pilote. Si M. Alain Rousset nous rejoint, il abordera cette question.
La question de l'orientation – on a récrit l'article à chaque lecture – mériterait à elle seule un débat car, malgré la qualité de nos échanges et l'inscription dans la loi du « droit à l'orientation professionnelle » et à un « service public d'orientation », notre réflexion n'est pas aboutie et semble même quelque peu précipitée : le Président de la république est encore intervenu aujourd'hui sur ce sujet, et la commission Hirsch a fait d'autres propositions.
La construction d'un droit à la formation initiale différée, sur laquelle je vais déposer une proposition de loi au nom du groupe SRC, a elle-même été différée.
La loi n'apporte guère de garantie sur la réorientation des fonds de formation vers les publics qui y ont moins facilement accès, car il a été décidé au Sénat de renvoyer la liste des publics prioritaires à la convention cadre des partenaires sociaux avec l'Etat.
De surcroît, il n'y a pas vraiment d'avancée sur la sécurisation des parcours professionnels, en dehors d'une timide extension des contrats de transition professionnelle.