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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 13 octobre 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons, au soir de ce débat, plusieurs points d'accord.

Le premier, c'est que la discussion de cette loi pénitentiaire a suscité, dès son annonce, un immense espoir : pour la société, qui attendait cette loi depuis longtemps, pour les personnes détenues, pour les victimes enfin, qui avaient besoin que l'on reparle de politique pénale et de sanctions de la société.

Je voudrais, au moment où nous allons clore ces travaux, commencer par me féliciter de la qualité de nos échanges, même s'ils nous ont paru parfois un peu rapides en commission – comme d'habitude. Selon mes calculs, nous avons étudié un amendement toutes les quarante secondes. C'est court, quand on sait le poids que vont avoir les votes que nous allons émettre. Quant aux échanges que nous avons eus en séance, ils ont été respectueux des convictions des uns et des autres. Il me semble même que, à certains moments, par exemple lors de nos discussions sur les fouilles intégrales et sur les investigations corporelles, nous avons touché à des moments de vérité sur la question de savoir si notre société est capable aujourd'hui d'assumer ce genre de traitement qu'elle inflige à des personnes détenues.

Et puis la CMP s'est réunie, qui a été l'occasion d'un vrai dialogue. C'était la deuxième CMP à laquelle j'assistais, mais je crois que nous avons pu mieux échanger que d'habitude, peut-être parce que, pour la première fois, la majorité n'était pas acquise à l'ouverture de la CMP, parce que, pour la première fois, les députés de l'UMP n'étaient pas potentiellement majoritaires.

Qu'avons-nous fait dans cette CMP ? Il me semble que nous avons sauvé l'essentiel.

Nous avons sauvé un principe, l'encellulement individuel, que notre rapporteur et le Gouvernement souhaitaient voir écarté de notre code pénal pour le mettre à égalité, au nom du libre choix, avec l'encellulement collectif. De notre point de vue, cela n'aurait pas été la même chose.

À notre grande satisfaction, la majorité de la CMP s'est retrouvée pour revenir à l'écriture du Sénat, mais nous n'avons pas progressé sur l'encellulement individuel, nous avons simplement évité le pire parce que, malheureusement, le vote de cette loi ne changera pas grand-chose, demain, sur ce cancer qui touche l'ensemble de nos établissements pénitentiaires.

Au terme de ce processus, il reste pour l'essentiel des illusions déçues. Je ne crois pas que vous allez voter une loi fondamentale. Je ne crois pas que nous avons assisté à ce grand rendez-vous de la France avec ses prisons que le Président de la République avait évoqué une fois avec emphase. Je crois que, malheureusement, ce texte que vous allez voter ne résoudra aucun des problèmes structurels auxquels le monde pénitentiaire est confronté.

Il n'apporte, je le dis avec regret, aucune réponse sérieuse à la surpopulation pénale. Ce n'est pas en construisant des prisons que vous réglerez ce problème. Je veux bien prendre rendez-vous : dès que votre programme sera terminé, nous connaîtrons à nouveau la surpopulation pénale. C'est le lieutenant de police de Louis XIII, je crois, qui disait que quand on construit des établissements, on trouve toujours des gens pour les remplir. En 2009, 2010, 2011, nous connaîtrons exactement la même situation qu'aujourd'hui.

Votre texte ne contient par ailleurs que de minimes avancées en matière de préparation des détenus à leur réinsertion sociale. Nous l'avons dit : aujourd'hui, la prison est incapable de faire baisser la délinquance, elle est inefficace pour empêcher la récidive. Or ce texte n'apporte pas de réponse à ces deux questions.

De la même manière, il laisse béante la difficile question du traitement des personnes détenues qui souffrent de graves troubles mentaux. Et même, les dispositions qui concernent les droits des détenus vont, nous le craignons – peut-être à tort – perdre de leur vigueur potentielle en raison des restrictions dont vous les avez assorties.

Et pire pour nous – c'est ce qui explique pour l'essentiel le choix que nous allons faire dans un instant –, votre projet de loi entérine ce que l'on a appelé les régimes différenciés, dont le principe même est condamné par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, par la Commission nationale consultative des droits de l'homme et par le commissaire du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg. Nous ne souhaitons pas que notre loi consacre ce principe de différenciation des régimes.

Pour autant, et c'est un deuxième point d'accord, nous reconnaissons bien évidemment que ce texte a une cohérence dans la perspective tracée par Mme la garde des sceaux, qui a déclaré au cours de nos débat que le meilleur cadre pour protéger la société, pour sanctionner et pour réinsérer était la prison. Nous ne partageons pas ce constat et nous aurons l'occasion d'en reparler le mois prochain, vous le savez, monsieur le rapporteur, puisque vous allez à nouveau rapporter un texte sur la récidive criminelle. Toutes les études démontrent que le risque de récidive s'accroît lorsque la peine de prison exécutée en détention est longue…

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