Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, cette journée restera comme une date historique dans l'histoire pénitentiaire et dans l'histoire parlementaire. (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Notre assemblée s'apprête en effet à adopter définitivement le projet de loi pénitentiaire. Longtemps annoncé, longtemps attendu, il va enfin voir le jour. Texte novateur, texte fondateur, la loi pénitentiaire doit être le début d'une nouvelle ère dans l'histoire de nos prisons.
Novateur et fondateur, ce texte l'est à un triple point de vue.
En premier lieu, il définit les missions du service public pénitentiaire et de ses agents, ainsi que les principes qui encadrent l'action de ce service public. Il fait de la prévention de la récidive et de la réitération, aux côtés des missions de surveillance et d'insertion et de probation, l'une des missions fondamentales de ce service public. Il reconnaît également le rôle particulier de chacun des corps qui composent l'administration pénitentiaire : personnels de direction, personnels de surveillance, personnels d'insertion et de probation, personnels administratifs et techniques. La nation tout entière se doit de reconnaître et de saluer, par notre voix, le mérite et le dévouement de l'ensemble de ces personnels.
En deuxième lieu, il rétablit la hiérarchie des normes, en donnant valeur législative aux règles du droit pénitentiaire relatives aux droits des personnes détenues et en mettant ces règles en conformité avec les règles pénitentiaires européennes. À travers cette affirmation et cette consolidation de la base juridique des droits des personnes détenues, c'est la prison du xxie siècle que cette loi permettra de fonder, en restaurant les personnes détenues dans leurs droits de citoyens et en mettant en place les conditions de leur réinsertion.
En troisième lieu, ce texte permet de conforter et de renforcer la politique de développement des aménagements de peine mise en oeuvre depuis plusieurs années par notre pays. La France n'est pas le pays du « tout carcéral », grâce à l'équilibre trouvé entre la fermeté contre la délinquance et la diversité dans les modalités d'exécution des peines. Grâce à son ambitieux volet consacré aux aménagements de peine, la loi pénitentiaire permettra d'amplifier cette politique ferme et efficace dans la lutte contre la récidive et la réitération.
Le texte sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui est celui qui a été adopté par la commission mixte paritaire, réunie mercredi 8 octobre pour examiner les dispositions sur lesquelles nos deux assemblées n'étaient pas parvenues à un accord. Sur les différents points restant en discussion, les débats de la CMP ont permis d'aboutir à une rédaction de consensus. Je reviendrai très brièvement sur ces différents points.
À l'article 1er A, qui définit le sens de la peine privative de liberté, la CMP a adopté une rédaction qui permet de concilier la formulation issue des règles pénitentiaires européennes qu'avait adoptée le Sénat et les termes davantage inspirés de notre tradition juridique adoptés par l'Assemblée nationale. L'article adopté par la CMP prévoit ainsi que le régime d'exécution de la peine de privation de liberté devra être inspiré par un double objectif : permettre à la personne détenue de mener une vie responsable, comme l'avait prévu le Sénat, et prévenir la commission de nouvelles infractions, comme l'avait prévu l'Assemblée.
À l'article 2 quinquies, la CMP a adopté une modification tendant à reprendre la disposition adoptée par le Sénat selon laquelle l'administration pénitentiaire doit procéder à une évaluation des taux de récidive et de réitération par établissements pour peines. Comme l'ont souligné les débats au sein de la CMP, cette disposition n'aura pas pour but de dresser un classement des établissements pénitentiaires, mais, au contraire, d'inciter 1'administration pénitentiaire à tirer les conclusions des expérimentations qu'elle met en oeuvre, en mettant en évidence l'incidence des conditions de détention sur la lutte contre la récidive. Il est d'ailleurs à remarquer que l'Observatoire national de la délinquance, qui reçoit ainsi des missions nouvelles, dispose d'un conseil scientifique qui assure sa totale indépendance dans les études qui seront menées.
La CMP a supprimé l'article 12 bis A, qui visait à abroger l'article L. 7 du code électoral, en considérant que cette disposition n'avait pas sa place dans la loi pénitentiaire et que la question des peines automatiques d'inéligibilité nécessitait un débat à part entière.
À l'article 13, la CMP a examiné une proposition de rédaction de notre collègue Philippe Goujon tendant à harmoniser la liste des produits cantinables et les prix de ces produits entre les différents établissements pénitentiaires. Si la CMP n'a pas adopté cette modification, qu'elle a estimée de nature réglementaire, ses rapporteurs souhaiteraient connaître les moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour harmoniser et optimiser les prix des produits vendus en cantine – question éminemment sensible, très pratique et importante dans la vie en détention.
La CMP a maintenu la suppression de l'article 14 bis, qui prévoyait un droit de préférence dans le cadre des marchés publics pour les biens produits dans les établissements pénitentiaires, en raison du caractère réglementaire de cette disposition. Toutefois, Jean-René Lecerf, rapporteur au Sénat, et moi-même souhaitons que le Gouvernement s'engage à envisager la possibilité d'introduire cette disposition dans le code des marchés publics.
Sur les dispositions relatives à la santé des personnes détenues, la CMP a consacré l'ensemble des avancées permises par la discussion dans les deux assemblées dans ce domaine.
La CMP a par ailleurs rétabli deux dispositions que l'Assemblée nationale avait supprimées.
La première est l'article 20 bis, qui dispose que « ne peuvent être demandés aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral ni un acte dénué de lien avec les soins ou avec la préservation de la santé des personnes détenues, ni une expertise médicale ». Il convient de souligner, comme le montrent très clairement nos travaux, que cette disposition ne devra pas avoir pour effet de remettre en cause la pluridisciplinarité dans les établissements pénitentiaires et, notamment, qu'elle ne devra en aucun cas être utilisée comme paravent par certains professionnels de la santé qui refuseraient de travailler de concert avec l'administration pénitentiaire, par exemple en matière de prévention du suicide. Ce point est particulièrement important.
La CMP a également rétabli l'article 22 quater prévoyant la constitution d'un dossier médical électronique unique pour chaque personne détenue. Elle a assorti cette obligation d'un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. Si l'on peut s'interroger sur l'utilité de cette disposition, sur son coût, ainsi que sur les éventuelles interférences entre ce dossier et le futur dossier médical personnalisé, il n'en demeure pas moins que le Parlement devra veiller à la pleine effectivité de cette disposition votée et à l'adoption des textes d'application éventuellement nécessaires dans le délai de deux ans.
À l'article 24, la CMP a consacré les avancées résultant des discussions du Sénat et de l'Assemblée nationale en matière d'encadrement des fouilles, qui permettront de renforcer la garantie des droits des personnes détenues et de faire reculer le sentiment d'arbitraire que pouvait jusqu'ici susciter la pratique des fouilles.
S'agissant de l'important volet relatif aux aménagements de peines, la CMP a également su trouver un juste équilibre entre le texte adopté par le Sénat et celui de l'Assemblée nationale.
À l'article 47, la commission mixte paritaire a adopté le texte de l'Assemblée nationale, tout en fixant à soixante-dix ans, comme l'avait proposé le Sénat 1'âge dispensant de 1'obligation d'avoir accompli un temps d'épreuve pour pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle.
À l'article 47 bis, la CMP a également adopté une disposition nouvelle, introduite par l'Assemblée nationale, prévoyant la participation de l'avocat de la partie civile au débat contradictoire lors des demandes de libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans. Cette disposition est particulièrement importante pour le droit des victimes.
À l'article 48, la CMP a adopté une nouvelle rédaction de la disposition relative au placement sous surveillance électronique des détenus arrivant à quatre mois de leur libération. Afin d'éviter que ce dispositif ne puisse être assimilé à une quelconque « grâce électronique », la CMP a prévu que la mise en oeuvre de ce placement sera assurée par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation sous l'autorité du procureur de la République, auquel il reviendra de fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. En l'absence de décision de placement, la personne condamnée pourra saisir le juge de l'application des peines.
À l'article 51, la CMP a consacré les dispositions relatives au parcours d'exécution de la peine, qui permettra à l'administration pénitentiaire de mettre en oeuvre un parcours individualisé et d'améliorer la prévention de la récidive et de la réitération.
S'agissant, enfin, de la question des conditions d'encellulement des détenus, prévues à l'article 49, la CMP a réaffirmé solennellement le principe de l'encellulement individuel des prévenus, sans qu'il soit exclu que des détenus puissent être placés dans des cellules collectives, s'ils en font la demande ou si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls. La CMP a adopté la rédaction du Sénat, complétée par la garantie du respect de la dignité des détenus qui seraient placés en cellule collective, garantie qui avait été introduite par l'Assemblée nationale.
Le texte adopté par la CMP est un texte à la fois équilibré et ambitieux. Équilibré, car il crée de nouveaux droits pour les personnes détenues, sans nuire à l'impératif de préservation de la sécurité et de prévention de la délinquance auquel nous sommes tous attachés. Ambitieux, car il permet de poursuivre une politique volontariste de développement des aménagements de peines, tout en étendant les droits des victimes
Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte du présent projet de loi pénitentiaire tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)