Ces accords ne disent rien du grand nombre de nos ressortissants qui vivent dans les pays d'où sont originaires les immigrants. Cela n'est pas du tout pris en compte. Pourtant, lors de l'examen du projet de loi de ratification de l'accord avec le Gabon, notre collègue Serge Blisko avait souligné qu'il y avait plus de ressortissants français au Gabon que de ressortissants gabonais en France.
Et puis il faut déplorer la focalisation excessive sur les métiers les plus qualifiés alors que les métiers moins qualifiés sont en surnombre dans les pays d'origine et que c'est précisément de ceux-là que la France a besoin. Il faut aussi déplorer les mesures de restriction sur la circulation des compétences.
Par ailleurs, monsieur Terrot, dans votre rapport, vous décrivez les accords avec le Sénégal, le Congo et le Bénin en constatant que leurs caractéristiques migratoires sont assez proches : caractère marginal de la migration professionnelle et part importante du regroupement familial. Vous expliquez qu'il faut rééquilibrer tout cela, conformément à la politique du Gouvernement. Mais il y a deux manières de rééquilibrer : soit on baisse la part du regroupement familial, soit on augmente la part de la migration professionnelle. Mais, dans ces accords, c'est évidemment le choix de la restriction qui prévaut.
Le manque d'équité caractérise aussi le volet sur l'immigration professionnelle de ces accords. La grande disparité entre le nombre de titres consentis à chacun de ces pays est frappante, par exemple dans le cas de la carte de séjour « compétences et talents » : 1 500 pour la Tunisie ; 150 seulement pour le Bénin ou le Congo. N'y aurait-il que 150 personnes compétentes et talentueuses au Bénin, quand il y en aurait 1 500 en Tunisie ? Nous sentons bien que tout cela n'a pas de sens.
Nous pouvons faire le même constat sur la liste des métiers concernés : neuf métiers pour le Gabon, seize pour le Bénin, quinze pour le Congo, cent huit pour le Sénégal, soixante-dix-huit pour la Tunisie. Nous voyons bien qu'il n'existe aucune égalité de traitement entre nos pays partenaires, aucun critère lisible et compréhensible.
Le manque d'équité soulève des questions. Sur le champ d'application de cette liste un peu baroque de métiers, je m'adresse autant aux rapporteurs qu'à vous, monsieur le secrétaire d'État. Correspond-elle uniquement à la procédure d'introduction de main-d'oeuvre ou aussi à la procédure d'admission exceptionnelle au séjour, comme c'est le cas notamment dans l'avenant à l'accord franco-sénégalais ?
La précision est importante, en particulier en ce qui concerne les Tunisiens qui sont exclus de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Si ce n'était pas compris dans l'accord que vous nous présentez, nous serions dans une situation absurde : cet accord prévoirait de faire venir des Tunisiens compétents dans les soixante-dix-huit métiers indiqués, alors que, dans le même temps, des Tunisiens présents en France depuis de nombreuses années et exerçant ces métiers seraient expulsés. Vous allez certainement lever cette ambiguïté, cette absurdité, monsieur le secrétaire d'État.
L'alignement vers le bas est probablement ce qui choque le plus…