Si on suit votre logique, monsieur Terrot, il faut constater que la démarche européenne constitue aujourd'hui un contresens historique face à l'évolution mondiale des flux migratoires. En effet, désormais, tous les pays du monde étant des pays à la fois d'immigration et d'émigration, ce qui les différencie, c'est leur capacité à faire de ce phénomène mondial contemporain une réussite partagée. Or la démarche européenne vise à un nivellement par le bas. C'est une démarche de fermeture, marquée par l'obsession sécuritaire et par l'absence de regard positif sur le phénomène migratoire. Un tel regard serait pourtant profitable à tous.
Dans votre rapport, vous évoquez le dialogue mené à un au haut niveau sur les migrations internationales et le développement. Ce dialogue porte sur trois axes de réflexion : l'importance des migrations internationales, leur contribution au développement des pays d'origine et des pays d'accueil, le caractère essentiel du respect des droits et libertés fondamentaux des migrants et l'importance de l'intensification de la coopération internationale en ce domaine. Or les quatre accords qui nous sont présentés sont en totale contradiction avec ces axes de réflexion et les objectifs affichés. En effet, ces accords sont caractérisés par le déséquilibre, le manque d'équité et l'alignement vers le bas, avec toujours la même obsession : la fermeture, la restriction, et le pillage de cerveaux.
Le déséquilibre tient à la posture adoptée dans ces accords. Vous l'avez reconnu, et même le président Poniatowski l'a constaté : il n'y a rien sur le codéveloppement et le développement solidaire ! Ce n'est visiblement pas le sujet. Aborder ces domaines devant M. Joyandet en serait presque gênant, tant le secrétariat d'État à la coopération est évacué des accords. Il n'y a rien sur les échanges, rien sur les apports et l'enrichissement mutuels. Pourtant, certains de nos partenaires de l'Union européenne mesurent l'apport de l'immigration à leur croissance économique. L'Espagne, par exemple, estime que 30 % de sa croissance des dix dernières années est due à l'apport de l'immigration. Les Britanniques, eux aussi, ont mesuré cet apport. Chez nous, il n'y a rien : on n'évalue pas l'apport des flux migratoires, on ne mesure pas la substantifique moelle que tire notre pays de ceux qui nous rejoignent et nous apportent leur énergie, leur compétence, leur envie de vivre et leur envie d'avenir.