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Intervention de Gilles d'Ettore

Réunion du 6 octobre 2009 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles d'Ettore, rapporteur :

Eu égard à la chaleur de cette salle et à la longue audition du ministre de l'éducation nationale, M. Luc Chatel, je serai bref et synthétique.

Je tiens, tout d'abord, à remercier mes collègues membres de la mission et particulièrement MM. Xavier Breton et Pascal Deguilhem et Mme Martine Martinel pour leur participation aux travaux de la mission.

Vu le délai imparti et pour ne pas se disperser, la mission a choisi de centrer ses travaux sur le seul champ des affaires culturelles, en focalisant son attention sur le patrimoine. De ce fait, le rapport d'information de la mission a pour sous-titre : « La valorisation du patrimoine : un enjeu majeur pour la France ». C'est avec cet esprit qu'a été abordée la question de l'avis conforme des architectes des bâtiments de France sur lequel je reviendrai ultérieurement. Mais la mission a été au-delà en entendant près d'une vingtaine d'acteurs du domaine culturel.

Le rapport analyse les structures du ministère de la culture et de la communication. Depuis cinquante ans, le nombre de directions du ministère a augmenté considérablement, au fur et à mesure du développement des nouvelles technologies et de l'accroissement des compétences du ministère. Dix directions se sont additionnées les unes aux autres sans qu'aucune politique de rationalisation ne soit jamais mise en oeuvre. Une réforme stratégique est en cours. Elle devrait aboutir, a priori, le 1er janvier prochain : le ministère devrait être réorganisé en trois directions générales et un secrétariat général chargé de la cohérence de l'ensemble. Sans que ce soit encore officiel, les trois directions générales devraient être : la direction générale des patrimoines, la direction générale de la création artistique et la direction générale des médias et des industries culturelles. La direction des médias rejoindrait le ministère et ne dépendrait donc plus des services du Premier ministre. La dénomination du ministère « de la culture et de la communication » prendrait alors tout son sens.

Cette nouvelle architecture du ministère lui permettra de se concentrer sur ses missions et d'être moins impliqué dans l'action territoriale. S'agissant des opérateurs, soixante-quatre établissements publics, dont diverses écoles d'architecture, sont chargés de déployer cette action. Une réorganisation de ces structures est aussi prévue afin de mieux rationaliser et mutualiser leurs moyens. La Cour des comptes a, en effet, appelé l'attention du ministère sur les risques de dérive en matière de personnel, citant l'exemple du Louvre qui a opéré 378 recrutements en deux ou trois ans, justifiés en partie par l'amplification des horaires d'accueil du public et par ses nouvelles missions. Les délégations de compétences aux établissements publics devraient permettre au ministère de se concentrer sur ses missions essentielles.

Le rapport de la mission évoque également la question des organismes consultatifs. Il en existe encore beaucoup qui ne se réunissent pas ou très peu et dont la fonction semble dépassée. Le ministère de la culture et de la communication doit poursuivre ses efforts de rationalisation.

Il importe que tous ces axes de transformation du ministère soient suivis par la commission des affaires culturelles et de l'éducation car la réforme n'en est qu'à ses débuts. Le ministre a confirmé à la mission qu'il était très impliqué. Sont attendus des résultats probants de rationalisation et d'optimisation des coûts.

S'agissant de la politique du patrimoine, la mission d'information propose, en plus de l'action du ministère de la culture et de la communication, la création d'une agence de moyens, à laquelle le ministre ne semble pas encore acquis. Alors qu'il existe un Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour le cinéma et un Centre national du livre (CNL) pour le livre – dont les comités sélectionnent des projets qu'ils soutiennent –, dans le domaine du patrimoine, il n'existe pas d'organisme équivalent. Pourtant, cela confèrerait plus de clarté à la politique patrimoniale.

La mission d'information a interrogé le ministre pour connaître ses priorités dans le domaine patrimonial : s'agit-il d'un nouvel équipement parisien ? D'une politique en faveur de tous les monuments répartis sur l'ensemble du territoire ? D'une politique ciblée de conservation des bâtiments du siècle dernier ou d'autres époques, comme le Moyen-Âge ? N'ayant pas, à ce jour, défini ses priorités, le ministre pourrait, en la matière, recevoir le concours de la commission des affaires culturelles et de l'éducation ; cette dernière pourrait l'aider à déterminer s'il convient de poursuivre l'actuelle politique patrimoniale centrée sur les grands équipements parisiens – de la pyramide du Louvre au musée du Quai Branly – ou s'il est préférable de déplacer le curseur vers la province. Le ministre, qui est un homme de culture et qui incarne parfaitement l'idéal du ministre de la culture et de la communication, doit pouvoir donner l'impulsion nécessaire aux réformes.

Dans le rapport de la mission, un lien est enfin établi entre le patrimoine et le tourisme. La France dispose d'une réelle richesse patrimoniale. De plus en plus de monuments sont aujourd'hui inscrits et classés mais la question de leur valorisation est posée. L'expérience du Centre des monuments nationaux (CMN) qui gère 96 monuments historiques, de l'Arc de triomphe au Mont-Saint-Michel, est exemplaire à cet égard. Le CMN obtient un équilibre comptable grâce à une gestion en réseau de ses monuments : 6 monuments bénéficiaires permettent de compenser les déficits des 90 autres. L'expérience montre a contrario les risques qu'encourerait une décentralisation généralisée du patrimoine national. Il faut veiller à ne pas déséquilibrer l'ensemble. Les collectivités territoriales ont tendance à vouloir récupérer des sites patrimoniaux et des monuments bénéficiaires. Or il est important de conserver un réseau national et de développer des organismes comme le CMN.

Le patrimoine et le tourisme doivent être mis en relation. Le ministre de la culture et de la communication en est convenu devant la mission. Il s'est engagé à travailler avec M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. L'exemple des aéroports de Paris qui n'offrent aucune incitation à visiter notre patrimoine national montre qu'il existe encore beaucoup d'actions de communication à mener.

Pour maîtriser la dépense publique en matière de patrimoine, il me semble important de développer une réelle politique du mécénat. De vrais professionnels sont nécessaires. C'est d'ailleurs pour cette raison que le CMN s'est doté d'une équipe de professionnels chargés de susciter et de rechercher des actions de mécénat auprès des entreprises et des particuliers.

La conservation du patrimoine n'a de sens que s'il est valorisé. En effet, il ne suffit plus aujourd'hui de le conserver, au risque de le fossiliser. Les actuels dispositifs de défiscalisation et de mécénat en faveur du patrimoine, qui représentent des sommes importantes, ne poursuivent qu'un but : l'ouverture des monuments au public. Or cette seule condition, qui n'est pas toujours respectée, est trop limitée. La mission d'information estime qu'il faut aller plus loin et susciter des mises en réseau des monuments, à l'exemple des paradores possédés par l'État espagnol. L'objectif est que le touriste, notamment étranger, puisse trouver, au cours de sa visite, un patrimoine vivant qui lui permette de se restaurer et de se loger. En France, le patrimoine n'est souvent destiné qu'à la visite. Or si le touriste doit effectuer plusieurs kilomètres entre le site visité et le lieu où il pourra se restaurer et dormir, il abandonne.

Quelques mots sur les architectes des bâtiments de France. Il sont très compétents mais ne sont justement pas formés à l'adaptation des bâtiments à de nouvelles formes d'accueil – au bénéfice des personnes handicapées, par exemple – ou aux exigences de l'environnement. Ils refusent ainsi de donner un avis conforme à l'installation de panneaux solaires dans de nombreuses zones de protection du patrimoine urbain et paysage (ZPPAUP). Pourtant on ne doit pas opposer conservation et valorisation. Rappelons que le Centre des monuments nationaux a mené une étude sur les retombées économiques du Mont-Saint-Michel. Elles sont très positives en termes de commerce, d'entreprises et de métiers d'art.

L'expérience de la ville de Nîmes est également instructive. Un organisme, « Culturespaces », une filiale du groupe Suez, s'y est vu confier, par une délégation de service public comportant des obligations d'investissement, la gestion des arènes et de la Maison Carrée. Les retombées commerciales, comme en termes de fréquentation, sont excellentes. Il ne faut donc pas exclure les délégations de service public à des entreprises privées, sur le modèle de « Culturespaces » à Nîmes, à condition qu'il y ait évidemment un cahier des charges précis.

Sur la politique de gratuité, la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) a montré qu'elle ne constituait pas une fin en soi, même si elle permettait, par exemple, aux jeunes de moins de vingt-six ans d'accéder aux musées. Une politique tarifaire mieux ciblée, en faveur des familles notamment, ou une politique de « pack » seraient plus efficaces. Le Centre des monuments nationaux conduit une telle politique : ses visiteurs peuvent acquérir un ticket leur offrant un accès à plusieurs sites sur plusieurs jours ; incités à découvrir différents parcours, leur visite a ainsi de meilleures retombées économiques.

Il s'agit d'autant de pistes à creuser et le ministre nous a assuré qu'il était sur la même ligne : patrimoine et tourisme doivent être liés sur tout le territoire. Les fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication doivent changer d'état d'esprit à ce sujet ; ils ne doivent pas s'occuper uniquement de conservation et d'archéologie. C'est une politique dynamique qu'ils doivent développer, notamment en période de crise économique.

Le rapport aborde bien entendu la question de l'avis conforme ou simple des architectes des bâtiments de France, laquelle préoccupe nombre de députés, mais sans arrêter de solution définitive. Le Sénat a refusé de remettre en cause le dispositif des avis conformes. Pour ses défenseurs, l'État doit assurer un rôle de gardien du temple et garder la mainmise sur le patrimoine. À l'opposé, ceux qui le récusent rappellent le sentiment de trahison qu'éprouvent les maires des communes comportant des zones de protection du patrimoine urbain et paysager (ZPPAUP), par rapport aux contrats de départ : ces zones sont des contrats entre les maires et l'État et il n'est, du coup, pas normal qu'en fin de parcours une seule des deux parties en présence décide. Le rapport rappelle les termes du débat mais estime qu'il convient, avant de trancher, d'attendre les conclusions de la mission ministérielle sur l'avenir des ZPPAUP créée par le ministre de la culture et de la communication et composée notamment de trois députés, dont moi-même, et de trois sénateurs.

Les ZPPAUP ont été crées en 1983, au début de la décentralisation. Depuis vingt-six ans, elles fonctionnent sur le même modèle ; dès lors, se pose la question de leur évolution, au-delà même du débat sur l'avis conforme des architectes des bâtiments de France. Les conclusions de la mission ministérielle devraient l'aborder et faire l'objet d'un consensus politique, comme l'a souligné le ministre, pour régler au passage le problème du rôle des architectes des bâtiments de France dans les ZPPAUP. Il ne s'agit en aucun cas de supprimer les architectes des bâtiments de France.

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