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Intervention de Luc Chatel

Réunion du 6 octobre 2009 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale :

Si l'augmentation des moyens suffisait à régler les problèmes auxquels doit faire face l'Éducation nationale, cela se saurait, madame Martinel. Le « toujours plus » a-t-il permis d'éviter les sorties du système scolaire sans qualification ? Non.

Dans le projet de loi de finances pour 2010, qui a été approuvé par le conseil des ministres la semaine dernière, le budget de l'éducation nationale reste le premier budget de l'État, avec 60 milliards d'euros, et il croît de 1,6 %, contre 1,2 % pour le budget de l'État.

La France continue à investir dans l'éducation nationale plus d'un point de PIB de plus que la moyenne des pays développés membres de l'OCDE.

Donc, les moyens existent.

Le chef de l'État n'a pris personne « à rebours » lorsqu'il a demandé au Gouvernement d'appliquer la politique consistant à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, puisqu'il avait annoncé cette volonté pendant sa campagne présidentielle. Dans l'Éducation nationale, où cela se traduit, en cette rentrée, par 16 000 postes de moins, je rappelle que cette politique est réalisée à taux d'encadrement constant, c'est-à-dire qu'il reste le même nombre d'élèves devant les professeurs.

La moitié des économies réalisées par ce non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux sert à revaloriser la rémunération des enseignants, conformément au souhait du Président de la République.

Cette politique sert, ensuite, à offrir de nouveaux services aux élèves et aux familles : accompagnement éducatif en collège – qui concerne 700 000 collégiens –, aide personnalisée dans le primaire, réforme du lycée professionnel, tous dispositifs qui répondent à la nécessité pour l'école de faire davantage pour les élèves qui connaissent des difficultés dans leur parcours et risquent de décrocher.

Le Gouvernement a, en effet, déclaré la guerre au décrochage scolaire. Il est scandaleux que 120 000 jeunes sortent, chaque année, du système scolaire sans rien et soient laissés au bord du chemin sans que personne s'en occupe.

Pour combattre ce phénomène, nous travaillons, en premier lieu, sur de grandes réformes structurelles : amélioration du système d'orientation prévoyant, parce que nous reconnaissons le droit à l'erreur, des passerelles et des corrections de trajectoire ; réforme de la voie professionnelle dans l'objectif de mener plus de 50 % d'élèves aux bacs « pro » – alors que, jusqu'à présent, 50 % des élèves qui s'engagent dans cette filière s'arrêtent au BEP.

Nous menons, en second lieu, une multitude d'expérimentations car je considère que, concernant le décrochage scolaire, nous n'avons pas tout essayé.

Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, a lancé, au printemps dernier, avec plusieurs membres du Gouvernement, un appel à projets auprès des acteurs de terrain qui luttent contre le décrochage scolaire. Quand 80 % des élèves ne viennent plus en classe dans certains lycées professionnels, le moment est venu de se retrousser les manches pour essayer de trouver des solutions. Le Gouvernement a décidé de tester plusieurs expérimentations. Celle de l'académie de Créteil, à laquelle vous faites référence, en fait partie. Elle a été imaginée par des acteurs locaux et non au 110, rue de Grenelle.

Elle a été à mon sens mal présentée car il s'agit, non de donner de l'argent aux élèves – ce qui est inimaginable et ce contre quoi je me serais insurgé –, mais d'accompagner, un peu sur le mode de la bourse au mérite, un projet collectif. Parler de marchandisation relève de l'hypocrisie car cette expérimentation s'inscrit dans le même esprit que la création des coopératives scolaires ou que l'éducation prioritaire, qui consiste à mettre davantage de moyens dans des endroits où il y a davantage de besoins. Elle sera menée dans trois établissements, sur les 4 000 lycées professionnels existant en France, et est assortie, pour répondre à des interrogations et à des inquiétudes qui ont été exprimées, de deux garanties : j'ai demandé au recteur, premièrement, de recevoir les familles et les représentants des personnels pour leur donner les précisions que je viens de vous fournir et, deuxièmement, de créer un comité de suivi pour encadrer et suivre le déroulement de cette expérimentation.

Les IUFM ne sont pas supprimés. Ils sont, conformément aux dispositions de la loi de 2005, dont le rapporteur était M. Reiss, intégrés aux universités. Ce sont elles qui assureront dorénavant la formation des maîtres, la durée de celle-ci étant allongée d'un an.

Concernant la réforme des lycées, j'aurais en effet dû citer mon collègue Benoist Apparu, compte tenu du travail qu'il a réalisé et auquel nombre d'entre vous avez participé. Son rapport a été examiné avec beaucoup d'intérêt et vous retrouverez un certain nombre de ses préconisations dans le projet de réforme du lycée.

Le Gouvernement n'a pas imposé la semaine de quatre jours. Il a simplement décidé de supprimer la classe le samedi matin. Il laisse aux conseils d'école et aux communes le soin de fixer l'organisation du temps de travail à l'école. Dans 96 % des cas, c'est une organisation sur quatre jours qui a été choisie. Mais les écoles sont libres de revenir sur cette décision. La ville de Toulouse, par exemple, a préféré réorganiser le temps de travail sur quatre jours et demi. C'est une liberté que nous laissons au plus près du terrain. Il est important que les élus et les parents d'élèves soient consultés sur ce point. Cela étant, selon une enquête d'opinion que nous avons réalisée il y a quelques jours, 75 % des familles sont favorables à la suppression de la classe du samedi matin et 58 % préfèrent la semaine de quatre jours à une répartition du temps de travail sur quatre jours et demi.

L'organisation du remplacement des enseignants est un sujet qui me tient à coeur car je pense qu'on peut l'améliorer sensiblement. C'est une demande, non seulement des parents d'élèves, mais également des enseignants. Mon prédécesseur avait évoqué la création d'une agence du remplacement. J'ai lu dans la presse que j'avais reculé sur ce sujet. Pour reculer, il faut avoir avancé. Or ce n'était pas le cas puisqu'il ne s'agissait que d'une proposition.

Elle partait d'une idée intéressante, qui est d'améliorer l'existant en matière de remplacement. J'ai demandé au directeur administratif et financier du ministère, M. Michel Dellacasagrande, de me faire des préconisations sur le sujet : il s'agit d'assouplir le dispositif actuel, qui est un véritable carcan, afin de prendre en compte les situations locales. Il n'est pas question de gérer depuis la rue de Grenelle l'ensemble des remplacements dans chaque académie de France. M. Dellacasagrande devant me remettre ses préconisations dans les prochaines semaines, et je souhaite pouvoir vous faire des propositions sur ce sujet avant la fin de l'année.

L'existence du CNED n'est pas remise en cause. Nous allons, au contraire, en avoir grandement besoin.

Le Centre va être modernisé grâce aux nouveaux outils à notre disposition. Un pas très important a été franchi avec l'ouverture de l'Académie en ligne qui a permis, pour la première fois, cet été, aux élèves issus de milieux modestes de disposer de cours en ligne au lieu de devoir acheter les cahiers de devoirs de vacances proposés par de grands éditeurs bien connus. C'est un autre effort en leur faveur. Les carnets de l'Éducation nationale sont maintenant disponibles gratuitement. C'est le service public de l'Éducation. Nous étendrons progressivement la mise en ligne de ces cours.

Pour le travail que je vais réaliser sur le numérique avec la diffusion de matériels mais aussi de techniques pédagogiques, nous allons avoir besoin de contenus pédagogiques beaucoup plus importants qu'aujourd'hui. Le CNED sera la cheville ouvrière de cette entreprise.

Le Gouvernement a fait de l'accueil des enfants handicapés à l'école une priorité : lors de cette rentrée scolaire, 185 000 enfants handicapés ont été accueillis dans les écoles de France, soit 10 000 de plus que l'année dernière, 40 % de plus qu'en 2005 au moment du vote de la loi sur le handicap, et le double du nombre d'enfants accueillis il y a dix ans. Un effort important est réalisé par la collectivité publique dans son ensemble.

Deux moyens permettent d'améliorer cet accueil.

Le premier est l'ouverture de nouvelles classes spécialisées dans le primaire et le secondaire. Une centaine de CLIS sont créées chaque année – et nous ne levons pas le pied –, et 200 unités pédagogiques l'ont été lors de cette rentrée.

Le second moyen est la pérennisation des personnels d'accompagnement. Nous avons pris à cet égard des mesures sans précédent. Le Premier ministre a tenu à pérenniser les contrats aidés qui arrivaient à terme à la fin de l'année scolaire 2008-2009. Saisi par un certain nombre d'entre vous de la situation difficile dans laquelle se trouvaient certains auxiliaires de vie scolaire AVS-i qui accompagnaient notamment des enfants atteints de handicaps particulièrement lourds, pour lesquels il y a une nécessité de continuité – je pense, notamment, aux enfants autistes pour qui l'AVS-i fait un peu partie de la famille –, et qui ne pouvaient pas juridiquement postuler à un renouvellement de leur contrat, nous avons mis en place un dispositif – que vous avez adopté en juillet dernier par le biais d'un amendement – qui permet le portage par les associations d'enfants handicapés. Avant la rentrée scolaire, j'ai signé avec trois grandes associations d'enfants handicapés une convention qui permet de couvrir l'ensemble du territoire et donc d'assurer la mise en oeuvre de ce dispositif. D'autres associations m'ont fait part depuis de leur souhait de signer également cette convention. J'ai adressé aujourd'hui aux inspecteurs d'académie une circulaire qui permet de rendre le dispositif effectif.

En plus des 17 000 postes pérennisés par le Premier ministre, j'ai décidé la création de 5 000 postes d'AVS-i en cette rentrée. Cela porte le nombre de ces emplois à 22 000, ce qui représente un effort sans précédent.

Ces précisions répondent aux questions de M. Reiss sur le sujet.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai été très vigilant quant à l'organisation des stages dans le cadre de la masterisation.

Les futurs enseignants en formation auront deux fois 108 heures de stages de pratique ou d'application qui se dérouleront bien, monsieur Reiss, sur le terrain, où ils seront confrontés à la réalité de leur futur métier. Ce n'est pas simple à organiser. Nous sommes en train d'y travailler dans le cadre des groupes techniques que j'ai évoqués.

Nous avons prévu, dans notre dispositif global de revalorisation, un volet concernant les chefs d'établissement, monsieur Reiss.

L'allongement de la durée de formation des enseignants d'une année, madame Amiable, est un signal fort adressé à ceux qui sont chargés de transmettre le savoir, surtout en période de crise. En investissant dans la formation des maîtres pour leur permettre de s'adapter au monde d'aujourd'hui et aux nouvelles techniques de formation, le Gouvernement indique clairement qu'il mise sur l'éducation et la formation des enfants.

Nous avons consacré des sommes très importantes à l'éducation prioritaire.

Le Président de la République a réuni récemment les ministres concernés par le plan Espoir banlieues de Fadela Amara, qui comprend de nombreuses initiatives. Le Gouvernement consacre un milliard d'euros de façon spécifique, en plus des dotations normales.

J'ai eu l'occasion de visiter pendant l'été différents établissements scolaires membres du réseau Ambition Réussite, qui propose des partenariats entre premier degré et second degré.

J'ai inauguré avec Valérie Pécresse le premier internat d'excellence à Sourdun, au mois de septembre. Ce projet très ambitieux a pour objectif de permettre à des élèves issus de milieux défavorisés et venant souvent de zones difficiles de se retrouver dans des internats destinés à les porter au meilleur niveau et à les préparer à l'enseignement supérieur. J'espère pouvoir réaliser une dizaine de ces internats pour la rentrée 2011 et en ouvrir quatre à la prochaine rentrée.

Je vous encourage, madame Amiable, à lire le rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale dans son ensemble, et pas seulement les quelques lignes qui peuvent laisser penser qu'on n'y adhère pas à la réforme de la semaine des quatre jours. Vous y trouverez beaucoup d'encouragements à persévérer dans cette voie et à accompagner la réforme de la scolarité primaire, notamment grâce à l'accompagnement personnalisé.

Nous n'avons pas supprimé les RASED. En cette rentrée, aux côtés de 8 000 RASED tels qu'ils étaient conçus précédemment, 1 500 RASED ont été affectés directement dans les établissements. Nous avons souhaité les « sédentariser » pour qu'ils soient au plus près des difficultés rencontrées par les enfants.

L'aide personnalisée ne se substitue pas à l'accompagnement des enfants qui ont le plus de difficultés. Elle vient en plus. Nous maintenons nos dispositifs d'accompagnement pour ces élèves, qui ont besoin d'un accompagnement spécifique du type RASED. Pour les élèves qui ne présentent pas de pathologie particulière mais qui sont sur le point de décrocher, nous proposons une aide personnalisée, afin qu'ils ne soient pas handicapés par la suite car un élève qui ne maîtrise pas les fondamentaux à l'entrée en sixième a peu de chance de s'en sortir dans le secondaire.

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