Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Luc Chatel

Réunion du 6 octobre 2009 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale :

Je souhaite que les relations avec votre commission se caractérisent par le maximum d'échanges, d'interaction, de concertation, sur tous les sujets concernant l'éducation nationale et l'avenir de nos enfants.

Le Président de la République et le Premier ministre m'ont confié cette responsabilité il y a trois mois et, le mois dernier, la rentrée des classes s'est déroulée dans un bon climat. Chaque rentrée est une prouesse puisqu'il faut affecter 12 millions d'élèves, placés sous la responsabilité de 857 000 enseignants et 175 000 personnels d'encadrement, dans 55 000 établissements répartis sur l'ensemble du territoire. Cette prouesse est possible grâce à l'expérience, à la compétence, au dévouement et au professionnalisme de nos équipes éducatives et de nos personnels d'encadrement.

Depuis mon arrivée rue de Grenelle, j'ai souhaité prendre le temps de la concertation, de l'écoute, du dialogue, avec les organisations syndicales, les associations de parents d'élèves et les représentants des lycéens.

Je souhaite maintenant faire le point sur l'état d'avancement des différents chantiers ouverts par mes prédécesseurs.

Premièrement, à la rentrée 2008, a été pris un ensemble cohérent de mesures pour l'école primaire, destinées à assurer la réussite de chaque élève.

Cette réforme passe en particulier par de nouveaux programmes d'enseignement, plus courts et plus précis, fixant clairement les connaissances et les compétences à acquérir, année après année. Il s'agit en fait de la déclinaison du socle commun de la loi dite « Fillon » de 2005.

Le deuxième volet de cette réforme de l'école primaire procède d'une conviction défendue par le Gouvernement : tout au long de la scolarité, il faut accorder aux élèves en difficulté la possibilité de bénéficier d'une aide personnalisée. Avec la suppression de la classe le samedi, outre que le temps de l'école a épousé le temps des familles, deux heures par semaine ont été dégagées pour un accompagnement individuel par petits groupes de quatre ou cinq élèves. Cela permet d'éviter le décrochage, dès le plus jeune âge, des enfants connaissant des difficultés notamment en lecture – c'est le cas de 15 % des élèves à l'entrée en sixième. L'année dernière, près d'un million d'élèves ont bénéficié de ce dispositif, sans compter les stages de remise à niveau que nous avons proposés aux élèves de CM1 et de CM2 pendant les vacances de printemps et à la fin des vacances d'été.

Le troisième volet concerne la mise en place d'une évaluation des acquis de tous les élèves scolarisés dans les écoles publiques et dans les écoles privées sous contrat, en français et en mathématiques, à deux moments clés : en fin de CE1 et en fin de CM2.

Nous avons également instauré des mesures d'accompagnement personnalisé au collège. Le Président de la République s'était engagé à mettre fin au phénomène des « orphelins de seize heures ». Pour ces enfants un peu livrés à eux-mêmes, issus d'un milieu modeste, dont les parents travaillent ou dont la famille est déstructurée, nous avons mis sur pied l'accompagnement éducatif, étendu à l'ensemble des collèges : 700 000 collégiens en bénéficient aujourd'hui, soit un sur trois – un sur deux dans certains départements. Nous avons étendu ce dispositif aux écoles des zones d'éducation prioritaire. Nous pensons que cela constitue une vraie réponse à l'échec scolaire. Ces élèves reçoivent du soutien scolaire mais peuvent également bénéficier d'une ouverture culturelle ou pratiquer une discipline sportive pendant les deux heures prévues.

Ma volonté est d'amplifier cette logique de personnalisation en offrant de nouveaux services aux familles.

Deuxièmement, la réforme de la voie professionnelle est une nouveauté de cette rentrée 2009. Le Gouvernement souhaite adapter au monde d'aujourd'hui cette filière, qui concerne 40 % des lycéens, soit 700 000 élèves, et à laquelle nous sommes tous très attachés. Notre pays a besoin de toutes les formes de talent, d'accomplissement, de créativité. Dans la lutte contre le décrochage scolaire, il était important de réformer le bac professionnel, afin d'élever au maximum le niveau de qualification de nos élèves et de favoriser leur insertion professionnelle. Cette réforme est aussi assortie d'un accompagnement personnalisé pour offrir des réponses adaptées aux élèves en difficulté scolaire. Nous avons prévu de créer des passerelles entre les différentes filières professionnelles, afin de reconnaître le droit à l'erreur et de permettre des bifurcations. Il s'agit de modifier l'image du système d'orientation.

Nous avons d'ailleurs engagé une réforme globale du système d'orientation, pour que l'orientation ne soit plus subie, à quatorze ans et pour la vie, mais beaucoup plus progressive, favorisant l'adhésion de l'élève et de sa famille et permettant le droit à l'erreur, avec la possibilité de corrections de trajectoire. Ainsi, un élève de seconde générale ou technologique pourra désormais rejoindre une première professionnelle et un élève de seconde ou de première professionnelle pourra rejoindre une première technologique.

Le troisième chantier ouvert par mon prédécesseur, et auquel je suis très attaché, est la masterisation de la formation des enseignants. Le Président de la République a souhaité élever le niveau de qualification des enseignants et ainsi revaloriser leur carrière. Avec Valérie Pécresse, pendant l'été, nous avons beaucoup avancé sur ce chantier difficile, qui a soulevé des inquiétudes, notamment dans le milieu universitaire. Nous avons reçu ensemble les acteurs. Nous avons aussi réactivé la commission Marois-Filâtre, qui s'était mise en sommeil, et, mi-juillet, nous l'avons laissée publier ses préconisations. Puis nous avons proposé aux partenaires, notamment syndicaux, une méthode de travail : la publication des décrets cadres fin juillet, avec notamment la prolongation d'une année de la formation des enseignants ; l'approfondissement de sujets au sein de groupes de travail, constitués début septembre, et composés de techniciens de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale, ainsi que de membres de mon cabinet et des services du ministère de l'éducation nationale. Ces sujets sont au nombre de quatre : l'emplacement des concours dans le calendrier de l'année universitaire ; le contenu des épreuves ; la forme de la formation continue dans l'année suivant le recrutement ; le contenu des stages.

Cette réforme concerne également – c'était un engagement du Président de la République et j'y tiens particulièrement – l'amélioration des conditions de travail des futurs enseignants, que j'ai intégrée dans le grand chantier de la revalorisation.

J'évoquerai maintenant trois nouveaux dossiers, qui m'occuperont dans les prochains mois.

La revalorisation ne saurait être seulement financière mais cet aspect doit être pris en compte. Les statistiques internationales montrent qu'un enseignant français en début de carrière est moins bien rémunéré que ses homologues de la plupart des autres pays développés. La masterisation doit comporter une contrepartie : si la formation des enseignants est allongée d'un an, il est logique de leur allouer une rémunération supplémentaire. La semaine dernière, devant le comité technique paritaire du ministère de l'éducation nationale, j'ai donc lancé un nouveau « pacte de carrière », comportant un volet consacré à la revalorisation et un volet consacré à l'accompagnement de la gestion des ressources humaines, des personnels tout au long de leur carrière.

Sur le premier point, j'ai entamé la discussion avec les syndicats et j'ai clairement indiqué que la revalorisation des débuts de carrière ne pourrait être inférieure à une centaine d'euros, ce qui représente un effort substantiel de la part du Gouvernement, l'équivalent d'un treizième mois pour les enseignants débutants. En pleine crise économique, quelle autre administration ou entreprise propose l'équivalent d'un treizième mois à ses collaborateurs nouvellement recrutés ? Mais nous sommes très attachés à cette mesure, parce qu'elle constitue la contrepartie de la masterisation mais aussi parce que nous voulons nous engager dans une revalorisation globale des enseignants eux-mêmes, accusés de tous les maux de la société, alors qu'ils transmettent le savoir.

J'ai proposé d'autres évolutions, concernant notamment les critères d'avancement. Nous allons réfléchir à de nouvelles missions, qui seront proposées aux enseignants contre rémunération. Sur tous ces sujets, nous avons ouvert la discussion avec les syndicats, l'objectif étant d'aboutir fin janvier.

Je souhaite cependant, je le répète, que l'amélioration de la condition enseignante ne se résume pas à une série de gratifications. Mon ambition est beaucoup plus large : créer une vraie dynamique des ressources humaines de cette maison. Le conseil des ministres, la semaine dernière, a approuvé la nomination de Mme Josette Théophile, ancienne directrice des ressources humaines de la RATP, comme directrice des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale. Je souhaite qu'elle nous dote d'une véritable politique de gestion des ressources humaines, d'accompagnement des enseignants tout au long de leur vie, de propositions en matière de formation. J'ai indiqué aux organisations syndicales que je mets sur la table le droit individuel à la formation, déjà en vigueur dans le reste de la fonction publique mais pas dans l'éducation nationale.

Le chantier de la revalorisation comporte donc un aspect financier – le Président de la République a toujours dit qu'il est favorable à ce que les fonctionnaires soient moins nombreux mais mieux rémunérés – et un aspect ressources humaines, car l'éducation nationale, depuis des années, a laissé ses enseignants trop seuls.

Le deuxième dossier est celui de la réforme des lycées. Ouvert par mon prédécesseur, il a fait l'objet d'un grand débat national, sous la conduite de Richard Descoings, qui avait été mandaté par le Gouvernement pour procéder à de nombreuses consultations. Nous avons besoin d'adapter le lycée au monde d'aujourd'hui. Il ne s'agit pas de tout déconstruire, de casser ce qui marche – le lycée est un lieu où s'acquièrent les savoirs, une étape importante vers le baccalauréat, premier grade de l'enseignement supérieur –, mais qui peut encore affirmer que l'ascenseur social fonctionne au lycée ? Qui peut accepter que 50 % des étudiants à l'université ratent leur première année ? Qui peut soutenir que le lycée n'a pas sa part dans cet échec ? Qui peut affirmer que l'orientation au lycée fonctionne ?

J'ai souhaité partir des préconisations du rapport Descoings. Au début de l'été, j'ai donc demandé aux différents partenaires du ministère – syndicats enseignants, fédérations de parents d'élèves, associations lycéennes –, de me soumettre des recommandations sur cette base. Nous avons centralisé ces préconisations fin août et, depuis, nous avons rencontré à plusieurs reprises les différentes organisations, ce qui nous permet aujourd'hui d'être prêts à présenter la réforme du lycée. Le Président de la République a souhaité s'impliquer dans cette démarche et nous devrions être en mesure de présenter au cours d'octobre les grandes orientations de cette réforme, que nous proposerons aux enseignants, aux familles et aux jeunes. Nous souhaitons qu'elle apporte davantage de justice et d'équité, afin d'éviter les décrochages et les sorties du système éducatif sans qualification, afin que le lycée prépare mieux à l'enseignement supérieur. Nous souhaitons faire davantage confiance aux lycéens et les responsabiliser. Nous souhaitons que le lycée reste une filière d'excellence pour ceux qui ont la capacité d'accéder aux meilleures filières de formation supérieure.

Au coeur de tous ces sujets, le Gouvernement a tenu à prendre à bras-le-corps le chantier transversal de l'orientation. Nous y travaillons au niveau interministériel, avec Valérie Pécresse et Martin Hirsch. Nous partageons certaines compétences avec d'autres ministères mais d'autres compétences sont de notre responsabilité exclusive, en particulier l'affectation des élèves. L'orientation a en effet trois composantes : la bonne information des élèves ; leur affectation dans des séries offrant des débouchés ; l'insertion professionnelle. L'éducation nationale partage la responsabilité de l'information avec, notamment, l'ONISEP, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions. Nous souhaitons que l'expérimentation du site d'Amiens, doté d'une plateforme multimédias, soit généralisée à l'ensemble du territoire. Dans le cadre de la réforme du lycée, je proposerai des dispositions pour fluidifier le système d'orientation, afin de passer d'une orientation subie à une orientation choisie, réversible et beaucoup plus progressive qu'aujourd'hui.

Après le temps de l'école pour tous, engagement majeur des dernières années, le Gouvernement souhaite relever le défi de la réussite de chaque élève. Nous devons sortir d'un système qui laisse sortir chaque année 120 000 jeunes sans qualification, sans diplôme. La réussite de chaque élève, c'est l'excellence pour les meilleurs, ceux qui se destinent aux grandes écoles et aux carrières universitaires, mais aussi, pour les autres, la préparation à un métier ou à une formation supérieure. Je suis très attaché au caractère national de ce ministère, avec des programmes nationaux, des diplômes nationaux, des recrutements nationaux, mais nous devons aussi nous adapter à la situation particulière de chaque établissement et de chaque enfant. C'est ainsi que nous pourrons trouver une solution pour chaque élève à la fin de l'enseignement secondaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion