Monsieur le président, je vous remercie d'avoir organisé si rapidement cette audition pour donner suite aux transmissions que nous vous avons faites. Vous avez souligné que cette enquête sur le fondement de l'article 58-2° du règlement comportait trois volets : l'un sur les autorités de régulation financière, l'autre sur les autorités de régulation sectorielle que sont la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'Autorité de régulation des communications électronique et des postes (ARCEP), et la dernière sur les instances de médiation. Trois volets, parce que les autorités de régulation ont des pouvoirs de décision et de sanction, alors que les médiateurs n'ont qu'un pouvoir de persuasion, mais aussi parce que les équipes des médiateurs sont très réduites, alors que les autorités de régulation peuvent compter jusqu'à plusieurs centaines d'agents. Sur cet ensemble de sujets, notre souci a donc été de transmettre à votre Commission un ensemble de documents portant sur chacun des trois volets, pour lui permettre de disposer de l'information la plus complète et la plus adaptée relative à chacun de ces trois domaines.
J'essaierai donc de résumer le premier volet relatif aux autorités de régulation financière. Ensuite, si vous le voulez bien, M. Gérard Moulin vous résumera brièvement le deuxième volet relatif aux autorités de régulation sectorielle intervenant dans le domaine économique, puis je reprendrai la parole pour vous exposer le dernier volet relatif aux instances de médiation.
S'agissant des autorités de régulation financière, je tiens à souligner qu'il s'agit d'un sujet important, puisqu'il y a, à l'arrière-plan, la crise financière et la question de savoir quel système de régulation serait de nature à mieux prémunir l'économie française contre de futures crises. Il s'agit d'un sujet crucial et d'actualité, puisque le Gouvernement s'apprête à déposer un projet de réforme et c'est pour contribuer à éclairer le Gouvernement sur ce projet que la Cour a publié, dans son rapport public pour 2009, un ensemble d'observations faisant suite à divers référés adressés aux autorités de régulation financière.
À l'évidence une réforme est nécessaire : la régulation financière est aujourd'hui cloisonnée entre différents secteurs : banques, assurance, marchés financiers. Elle l'est aussi en fonction des types de sujets, puisqu'il y a la régulation prudentielle, avec l'AMF, l'ACAM et la Commission bancaire, d'une part, et le contrôle de l'installation et de la concentration des opérateurs, avec le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et le Comité des entreprises d'assurances, d'autre part. Pour la Cour, cinq autorités de contrôle, c'est trop. On retrouve ici le thème de la multiplicité des acteurs qui était au coeur de la demande de M. Jérôme Chartier. Au-delà même de la multiplicité, il faut remarquer que plus il y a de régulateurs, plus il y a, en quelque sorte, des interstices entre les régulateurs, et c'est notamment à la faveur de ces interstices que survient – l'expérience l'a montré – le développement d'activités financières non identifiées ou mal contrôlées. L'architecture actuelle du système est donc trop complexe et trop fragmentée. En outre, un problème central est insuffisamment traité, celui de la protection de l'épargnant qui, pour partie, se trouve « entre deux chaises », entre l'ACAM et l'AMF, et en réalité orphelin.
Au-delà de ce fractionnement des institutions, la Cour souligne l'absence de l'État, alors que c'est lui qui, en tant que garant de dernier ressort, risque de supporter les conséquences des failles du système de régulation. On ne peut pas demander aux autorités de régulation de faire ce pourquoi elles ne sont pas faites : elles sont là pour surveiller et, le cas échéant, sanctionner. Mais, l'État ne peut se défausser sur des autorités indépendantes pour le suivi global du système financier, l'encadrement d'ensemble, la perception des innovations financières, la prévention globale des risques systémiques. Or, au niveau de l'État, il n'existe aujourd'hui qu'une instance faible, le collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier (CACES), dont le rôle comme la périodicité des réunions – une par an – ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Quelles que soient les solutions retenues pour l'organisation future des autorités de régulation financière, il faut une réforme profonde de ce collège animé par l'Etat. Par rapport à ce que vous disiez en introduction, M. le président, permettez-moi une petite précision : la Cour n'a pas préconisé une fusion intégrale des autorités. Nous avons certes estimé qu'il fallait faire disparaître certaines petites autorités – CECEI et Comité des entreprises des assurances –, mais pour ce qui concerne la Commission bancaire et l'ACAM, nous n'avons pas été aussi nets. La Cour estime qu'il convient de procéder à des rapprochements, à une fusion des statuts des personnels, à des échanges, à une articulation des programmes de contrôle, mais nous avons proposé un choix entre la coopération institutionnalisée et une fusion de ces deux institutions.
Par ailleurs, il n'y a pas d'exercice convenable de la régulation sans une véritable politique de contrôle de la part des autorités de régulation. Nous avons relevé à cet égard que les compétences des personnels concernés sont trop cloisonnées, entre le corps de contrôle des assurances et l'inspection de la Banque de France notamment, que ces personnels ne sont pas assez ouverts sur l'extérieur, et que les méthodes de sélection et de suivi des contrôles, si elles se sont déjà améliorées, doivent continuer à l'être.
Il n'y a pas, enfin, d'exercice convenable de la régulation qui ne soit assorti, au besoin, de sanctions. Or, les sanctions sont rares, beaucoup plus faibles que dans d'autres domaines – si l'on pense par exemple à l'Autorité de la concurrence – et, souvent, ces sanctions ne sont pas rendues publiques, alors que le principe devrait être la publication. Une politique de sanctions mieux adaptée, avec des pénalités dissuasives, doit aussi assurer un plein respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Nous avons souligné que tel n'était pas le cas pour la Commission bancaire et la Cour européenne des droits de l'homme a confirmé récemment ce diagnostic dans sa décision Dubus S.A du 11 juin 2009.
La nécessaire réforme du système doit évidemment, au-delà des objectifs prudentiels, viser à une protection efficace de l'épargnant, et la Cour préconise à cet égard de clarifier la répartition des compétences dans le domaine de la publicité et des produits financiers, entre ce qui relève aujourd'hui de l'ACAM et de l'AMF, avec un chef de file qui, pour la Cour, pourrait être l'AMF.
Voilà, M. le président, les points majeurs de l'analyse de la Cour que je souhaitais souligner. Certes, la régulation financière est un sujet éminemment international, mais cela ne doit pas nous dispenser de procéder aux ajustements nécessaires de notre système national.