D'aucuns prétendent que nous ne ferions qu'organiser une fuite en avant qui ne permettra pas de lutter contre la surpopulation des prisons. Ce n'est pas la réalité.
Plusieurs d'entre vous sur tous les bancs l'ont relevé, un des objectifs de cette loi c'est de préciser le sens de la peine privative de liberté. Nous sommes convaincus que l'emprisonnement doit concilier à la fois des objectifs de sécurité, de protection de la société, de prise de conscience, et bien sûr des objectifs de réinsertion des condamnés. Il ne s'agit pas d'opposer l'un à l'autre, toute personne détenue ayant vocation à réintégrer la société civile. D'ailleurs, aujourd'hui déjà mais encore plus demain après le vote de ce texte, le service public pénitentiaire articule sa démarche autour de ces deux axes, sans privilégier l'un par rapport à l'autre, le but étant que les personnes concernées soient en capacité, à l'issue de la peine, de mener une vie responsable et exempte d'infractions. Je dis cela parce que nous nous situons là, comme très souvent dans ce texte, dans les règles pénitentiaires européennes, qui sont très clairement, Mme la garde des sceaux l'a affirmé à plusieurs reprises, notre fil conducteur. Ainsi, le sens de la peine, que Michel Vaxès a évoqué, se réfère très précisément à la RPE 102-1.
Beaucoup d'articles du projet traitent de ce sujet de manière concrète, au-delà des principes généraux que je viens de rappeler, que ce soit le développement du travail et de l'enseignement, le maintien de l'exercice de nombreux droits en détention, comme le droit de vote quand il est préservé ou le droit au maintien d'une vie familiale grâce aux unités de vie familiale pour ne citer que quelques exemples.
MM. Bodin, Ciotti, Bénisti ont notamment évoqué la dimension de protection de la société. Grâce aux aménagements de peines et à la diversification de la réponse pénale, y compris par la prison lorsque c'est nécessaire, ce texte permettra de diminuer le nombre de peines non exécutées et de non-réponse que nos concitoyens ne comprennent pas, à juste raison. Dans ce domaine, le texte va dans le bon sens.
J'ajoute que ce projet de loi ne prévoit pas d'aménagement automatique. Même le placement sous surveillance électronique quatre mois avant la sortie sera soumis à l'appréciation du procureur, qui pourra s'opposer à cette automaticité. S'agissant de l'exigence d'une expertise psychiatrique qui se prononcerait sur le risque de récidive avant la mise en place de certains aménagements, c'est à coup sûr une piste intéressante. Le projet ne remet pas en cause, vous le savez, monsieur Ciotti, la possibilité pour les tribunaux de procéder à un emprisonnement lorsqu'ils le jugent nécessaire. Il ne remet pas en cause la possibilité pour le tribunal correctionnel de décerner un mandat de dépôt à l'audience, en comparution immédiate par exemple, ou de prolonger les effets d'un mandat de dépôt après une information judiciaire. Il permet d'étendre les aménagements mais n'empêche pas une réaction rapide ou une incarcération immédiate lorsque le tribunal le décide.
M. Braouezec a évoqué l'importance de la jurisprudence européenne. Il est vrai que celle-ci a permis de multiples changements et évolutions dans notre droit pénitentiaire : l'introduction du principe du contradictoire, la motivation des décisions, notamment en matière d'isolement, de parloir, de transfert, l'ouverture des voies de recours, un droit disciplinaire ainsi qu'une amélioration – même si nous savons que nous avons encore du chemin à parcourir, mais tout ne peut pas être résolu par cette loi – des procédures de fouille dans le respect de la dignité de la personne.
À propos de ces règles pénitentiaires, plusieurs d'entre vous, notamment Mme Guigou, ont évoqué la question du moratoire de ce printemps. Je disais en introduction de mon propos, et Michèle Alliot-Marie le soulignait également au début de ce débat, l'application de ces règles est, pour nous, l'objectif. D'ailleurs, dans la pratique, vous savez que beaucoup d'établissements, y compris des établissements pour mineurs, madame Filippetti, se réfèrent à certaines de ces règles, principales, pour obtenir un label. Cela ne veut pas dire que les 108 règles ne sont pas prises en compte et ne sont pas notre fil conducteur dans ce domaine. Nous allons continuer à progresser.