La peine doit aussi protéger les victimes et écarter la récidive. Lorsqu'elle permet à un agresseur de narguer, de menacer sa victime ou d'en faire une nouvelle, elle inverse alors les rapports : c'est la victime qui voit sa liberté et sa dignité restreintes. Les statistiques des libérations réussies ne valent rien auprès de la jeune femme violée et assassinée par un agresseur en semi-liberté.
Enfin, cette peine doit être graduée afin de permettre au condamné, quand c'est possible – et, pour quelques exceptions, cela ne l'est jamais – de redevenir un citoyen à part entière. Le travail doit jouer un rôle essentiel, soit dans le cadre carcéral, soit à l'extérieur, sous la forme du travail d'intérêt général. C'est la seule activité qui allie l'idée de la peine, satisfaisante pour la conscience collective et pour les victimes, et celle de la rédemption, qu'on appelle aujourd'hui, laïquement, la réinsertion. Travailler, c'est se rendre utile, c'est pouvoir retrouver l'estime de soi et aussi celle des autres.
D'une certaine manière, l'évolution actuelle de la justice pénale – et ce projet de loi le confirme – donne raison à Michel Foucault, qui soulignait plusieurs glissements : tout d'abord, de la peine vers la condamnation, l'exécution de celle-ci étant différée ou assouplie ; ensuite, de la punition vers la guérison, alors que, si, malheureusement, certains détenus sont malades, tous ne le sont pas : ni génétique, ni sociologique, l'acte libre existe et il doit être sanctionné ; enfin, de la sanction des hommes libres au contrôle des êtres dangereux, et le bracelet électronique est le signe le plus évident de cette malheureuse tendance.
Pour conclure, j'invite mes collègues de la majorité à retrouver la philosophie de la liberté qui nous anime, sans cette mauvaise conscience qui risque de nous inciter à insérer dans la loi des mesures contradictoires avec celles que nous proposons depuis sept ans. Les droits des détenus doivent être reconnus.