Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Étienne Pinte

Réunion du 15 septembre 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Pinte :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, depuis plusieurs années, je me suis engagé en faveur de l'humanisation de nos prisons, c'est-à-dire de l'encellulement individuel et du numerus clausus.

L'article 49 du projet de loi pose le principe du libre choix entre 1'encellulement individuel et l'encellulement collectif. Pour ma part, j'approuve ce principe car ce qui compte avant tout, c'est que le détenu puisse être en mesure de choisir lui-même les conditions dans lesquels il sera détenu. Toutefois, le projet de loi précise : « Le choix du détenu doit être satisfait [...] sauf si sa personnalité y fait obstacle. » Madame le garde des sceaux, la disposition prévoyant cette exception est rédigée de telle sorte que le risque d'arbitraire est grand.

Quant à l'alinéa 4, il pose le principe « une place, un détenu », que je soutiens depuis très longtemps. En effet, le numerus clausus pénitentiaire conjugué à l'augmentation des aménagements de peine permettrait d'endiguer la surpopulation carcérale qui est, en grande partie, à l'origine des conditions indignes qui prévalent malheureusement dans nos prisons.

Je parle de principes, et ces derniers sont fondamentaux dans une démocratie. Mais un principe a vocation à être appliqué. Quels sont les moyens mis en oeuvre afin que ces principes ne demeurent pas virtuels ?

Une seconde question me préoccupe beaucoup, comme vous-même, madame la ministre d'État : celle de la vie privée et familiale des détenus et de leurs relations avec l'extérieur.

Il y a toujours lieu de se rappeler qu'un détenu reste un citoyen, momentanément privé de la liberté d'aller et de venir. On ne peut tolérer qu'il soit privé d'autres droits fondamentaux, au nombre desquels le droit au maintien des liens familiaux ou amicaux.

J'insiste sur les liens amicaux. En effet, souvent, hélas, les liens des détenus avec leur famille sont distendus, voire rompus. Il arrive aussi que les familles vivent l'incarcération dans la honte et, par conséquent, qu'elles ne souhaitent pas rendre visite au proche détenu. Seuls des amis maintiendront alors le lien avec l'extérieur.

Ce droit est fondamental et ne saurait, par conséquent, être limité que dans des circonstances exceptionnelles, très encadrées par le législateur. Les restrictions prévues, rédigées, hélas, en des termes imprécis, ne permettent pas un plein exercice de ce droit. Je le déplore, nonobstant l'obligation de motivation, nouvellement posée.

La suspension de ce droit ne doit en aucun cas être une mesure de rétorsion à l'encontre du détenu qui se serait « mal comporté ». À ce sujet, je vous confie deux réflexions.

La rencontre entre le détenu et sa famille doit pouvoir s'organiser dans des lieux appropriés et conviviaux, en particulier lorsque des enfants sont concernés. Ce n'est malheureusement pas encore toujours le cas.

Par ailleurs, je regrette que certains procureurs refusent la délivrance de permis de visite à des enfants. Je souhaite que vous donniez des instructions aux parquets afin qu'ils ne s'opposent pas à la visite des enfants des détenus, sauf situation exceptionnelle. N'oublions pas que ces contacts sont une véritable « bouffée d'oxygène » pour les détenus.

Par ailleurs, je ne peux qu'encourager les collectivités locales à rendre plus faciles les accès aux établissements pénitentiaires en développant les transports en commun. La plupart du temps, ces établissements sont éloignés des villes, et y accéder constitue, pour nombre de familles, un véritable parcours d'obstacles. Jean-Marie Delarue n'a-t-il pas dénoncé le « parcours du combattant » des proches ?

J'ai été amené, lors de la mission sur le logement social et l'hébergement d'urgence que m'avait confiée le Premier ministre l'année dernière, à constater qu'un certain nombre de « sortants de prison » se retrouvaient à la rue parce que rien n'avait été prévu pour l'éviter. Certes, ceux qui n'ont pas d'adresse peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire. Certes, les aménagements de peine favorisent la réinsertion. Il n'en demeure pas moins que l'accès à un hébergement ou un logement doit être anticipé.

J'ai fait référence au rôle des collectivités locales, je terminerai mon propos en rappelant qu'elles peuvent s'impliquer dans l'humanisation des prisons, au-delà du point précis des transports que je viens d'évoquer. Ainsi lorsque j'étais maire de Versailles, j'ai eu à coeur de faire entrer la société civile au sein de la maison d'arrêt de femmes. J'ai, par exemple, organisé des partenariats avec la bibliothèque municipale et avec notre théâtre.

Tous, chacun à notre niveau, nous pouvons participer au maintien des liens entre les détenus et la société. Créer ces ponts ne veut nullement dire oublier la victime et sa souffrance. Je regrette que, trop souvent, le débat sur la prison soit pollué par le prétendu antagonisme entre le respect dû aux victimes et le respect de la dignité des détenus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion