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Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 15 septembre 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État,mes chers collègues, en 1789, les représentants du peuple français désignaient très justement « l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme comme les seules causes des malheurs publics ». En 2009, l'état désastreux des prisons françaises, véritable humiliation pour notre République, est une parfaite illustration du non-respect de ces droits.

Il est urgent, en effet, de regarder nos prisons « en face », et de doter notre pays d'une loi pénitentiaire qui soit en mesure, d'une part, de garantir à tous nos concitoyens placés sous main de justice le respect de leurs droits fondamentaux et, d'autre part, de rétablir le sens de la peine nécessairement imposée par la transgression des règles de droit.

Mes chers collègues, l'enjeu est de haute importance puisqu'il nous appartient enfin de définir un cadre législatif qui devra permettre au service public pénitentiaire de punir sans pour autant détruire tout sens de l'humain ni anéantir tout espoir.

Il est vrai que, sur un certain nombre de points, ce projet de loi pénitentiaire va dans le bon sens, et je ne manquerai pas de saluer ici nos collègues du Sénat pour les importantes avancées qu'ils ont introduites dans ce texte.

Nous ne pouvons ainsi que souligner l'apport de mesures visant à garantir avec force le respect de la dignité et des droits élémentaires reconnus aux détenus en qualité d'êtres humains, tant dans leur existence, leur intimité, leur vie familiale, sociale, cultuelle, culturelle, qu'en ce qui concerne le suivi de leur état de santé.

Nous ne pouvons qu'encourager cette volonté d'ouvrir la prison sur l'extérieur et sur l'avenir. Elle permet de valoriser le service pénitentiaire de l'emploi, de reconnaître l'insertion par l'activité professionnelle, de privilégier les mesures alternatives à l'incarcération et de simplifier les procédures d'aménagement de peine dès lors que la personnalité du détenu le permet, l'incarcération devant rester l'ultime recours.

Néanmoins, malgré ces quelques avancées par rapport auxquelles, d'ailleurs, notre commission des lois a cru bon de faire un pas en arrière, ce projet de loi manque d'envergure, et les solutions proposées restent, pour le moins, largement insuffisantes.

En effet, un véritable changement des conditions de détention implique nécessairement l'engagement de moyens humains, matériels et financiers témoignant d'une réelle volonté politique.

Il serait illusoire de penser que nous pouvons doter la France d'une grande réforme pénitentiaire alors que, dans le même temps, la politique pénale menée depuis 2007 s'embarrasse seulement de considérations sécuritaires, privilégiant le recours à l'emprisonnement, aux peines planchers et à la banalisation de la détention provisoire.

Avec un taux de surpopulation carcérale compris entre 150 et 200 %, peut-on raisonnablement prétendre à un renforcement du principe de l'encellulement individuel – d'autant qu'il pourra être dérogé à son application durant cinq longues années ?

Les radicaux de gauche regrettent tout autant l'absence d'une politique éducative ambitieuse que la timidité des dispositions visant les femmes et les mineurs détenus. La condition spécifique des femmes incarcérées ne peut être abordée sous le seul aspect médical : sur cette question, le projet de loi ne répond pas à nos attentes.

Que penser de l'absence de réponses spécifiques aux besoins de près d'un quart de la population détenue, dont l'ampleur des troubles mentaux nécessite un placement non pas en cellule, mais bien en établissement psychiatrique ?

Dans l'esprit d'un texte résolument tourné vers l'humanisation de nos prisons, comment ne pas déplorer l'absence de mesures traduisant une politique efficace et responsable de prévention des suicides ?

De toute évidence, la question du suicide en prison doit être appréhendée comme un problème de santé publique, et le plan de prévention annoncé le 18 août dernier dévoile déjà ses limites. Faute de pouvoir prévenir les comportements suicidaires par un suivi médical et psychiatrique personnalisé, il est proposé une adaptation du matériel cellulaire pour empêcher le détenu de mettre fin à ses jours. Il est également prévu de déléguer à un « détenu de soutien » la charge d'accompagner la détresse psychologique de ses codétenus. Permettez-nous de douter sérieusement de l'efficacité d'une telle mesure.

Vous l'aurez compris, pour les radicaux de gauche, profondément attachés au respect des droits fondamentaux de tous les hommes et à la qualité du service public, le compte n'y est pas !

Par ses carences manifestes, le projet de loi pénitentiaire soumis à l'examen de notre assemblée peine à prendre la juste mesure de ses ambitions. C'est pourquoi nous n'avons nullement l'intention de nous satisfaire de l'affichage d'un projet de loi qui, en l'absence de toute portée concrète et de moyens suffisants, ne sera qu'une simple déclaration de bonnes intentions.

La France se doit à présent de tout mettre en oeuvre pour que, dans les faits, nos prisons ne soient plus « l'école du crime » et la honte de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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