Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, s'il est des lois qui marquent une époque, par les changements profonds qu'elles consacrent, tel sera incontestablement le cas de ce texte fondateur dans le domaine pénitentiaire, mais qui va bien au-delà, puisqu'il modifie le rapport même de notre société à la sanction.
On le doit à ce Gouvernement, comme on lui doit la rénovation de notre parc pénitentiaire ou encore l'installation d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté, par une loi que j'ai rapportée devant vous et qui a institué pour la première fois un contrôle indépendant, cité comme modèle dans l'Europe tout entière.
Le projet que nous examinons est une véritable loi de rupture, dont l'ambition est que la prison de demain ne ressemble ni à celle d'hier ni à celle d'aujourd'hui. Mais disons-le clairement : elle n'a pas pour but de vider les prisons ni d'instaurer un injuste numerus clausus. Elle conçoit une prison où l'enfermement ne s'oppose plus au respect de la dignité humaine, où le détenu est mieux pris en charge, pour mieux préparer sa réinsertion et prévenir la récidive. De la sorte, elle complète pleinement la politique pénale de fermeté conduite depuis 2007 et voulue par nos compatriotes.
Pour lutter contre la récidive, nous avons adopté les peines planchers. Pour protéger la société des criminels les plus dangereux, nous avons créé la rétention de sûreté. Mais la fermeté n'exclut pas l'humanité. Porter une attention particulière à la situation des victimes et donc sanctionner les délinquants va en effet de pair avec une amélioration des conditions de détention, parce que l'État de droit ne s'arrête pas aux portes des prisons.
La prison n'étant pas l'alpha et l'oméga de notre politique, le texte promeut un développement ambitieux des alternatives à l'incarcération. Cependant, pour éviter les incohérences et ne pas loger tous les délinquants à la même enseigne, le principe de l'individualisation de la peine et de son exécution doit prévaloir. On ne saurait tolérer qu'une personne condamnée à deux ans d'emprisonnement, par exemple pour agression sexuelle, ne passe pas un seul jour derrière les barreaux. (« En effet ! » sur les bancs du groupe UMP.) Au moins pour les récidivistes et les délinquants sexuels, le quantum de peine maximum doit donc être ramené à un an.
La même cohérence doit s'appliquer à l'encellulement individuel. Réaffirmer le principe est heureux, mais on le fait depuis 1874. Il est donc temps que ce principe devienne réalité et qu'on en finisse avec les moratoires successifs.
Si certains arguments – comme la prévention du suicide ou le souhait des détenus – plaident en faveur du placement en cellule collective, il doit s'agir de cellules modernes, conçues à cet effet, et non de ces dortoirs sordides de maisons d'arrêt où les détenus entassés dorment sur un matelas à même le sol. C'est pourquoi, il faut dès à présent concevoir encore un plan supplémentaire de construction de prisons, en plus du « programme 13 200 ».
Une question locale à ce propos : où en est la rénovation de la Santé et comment s'articule-t-elle avec la réalisation envisagée d'un nouvel établissement de 1 000 places en région parisienne ?
La question se pose avec une acuité particulière pour les détenus atteints de troubles mentaux. De gros efforts ont été accomplis depuis les lois de 1994 et de 2002. Cependant, il est indispensable que l'augmentation des moyens suive celle des besoins et que le nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire augmente en conséquence.
Notre collègue Étienne Blanc a démontré que l'offre de soins souffre actuellement d'un manque de pilotage stratégique au niveau national comme au niveau régional. Dans cet esprit, il est primordial de développer les UHSA, les unités hospitalières spécialement aménagées, et de procéder à une évaluation complète de l'établissement public national de santé de Fresnes afin que son avenir soit précisé au-delà de 2012, date annoncée de l'ouverture d'une unité hospitalière sécurisée interrégionale d'une centaine de lits dans l'hôpital d'Évry.
Enfin, nous ne pourrons pas nous dispenser d'une réflexion approfondie sur la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux, qui constitue leur voie d'entrée en prison, alors que leur place serait plutôt à l'hôpital. Cette situation met en lumière le mérite quotidien des personnels pénitentiaires auxquels, à mon tour, je rends hommage.
L'amélioration de leur statut n'en est que plus légitime. Heureusement, jamais les recrutements n'ont été aussi nombreux, comme c'est le cas aussi pour les personnels du service pénitentiaire d'insertion et de probation. Les surveillants d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec les gardiens d'hier. Leurs missions sont de plus en plus délicates, mais aussi variées ; ils ne sont plus les simples porte-clés du siècle dernier.
D'un mot, je souligne encore l'importance d'une mission particulière : la prévention du prosélytisme islamiste. Ce phénomène particulièrement préoccupant appelle des mesures fortes.
Avec cette loi, notre politique pénitentiaire entre résolument dans le XXIe siècle. Elle est assez ferme pour protéger la société, mais digne de la France des droits de l'homme, en favorisant l'amendement et la réinsertion des détenus. Il faut voter ce texte pour ne pas laisser passer la chance historique qu'il nous offre de faire en sorte que notre République n'ait plus jamais honte de ses prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)