Monsieur le président, madame la ministre d'État, en juin 2000, le rapport Jacques Floch de la commission d'enquête sur la situation de nos prisons, créée par Laurent Fabius et à laquelle j'ai pu participer, mettait déjà en tête de ses préconisations la nécessité d'une grande loi pénitentiaire.
Nous y dénoncions la surpopulation carcérale, les conditions de détention inadaptées et très inégalitaires, une administration désorientée, la situation des femmes et des mineurs, une prise en charge gravement déficiente des personnes atteintes de troubles mentaux qui demandent un traitement à part, et au-delà même de ces maux, nous soulignions la nécessité de repenser la place et la mission de la prison, le sens de la peine, le maintien du lien social, l'exigence du droit en prison, et le rôle indispensable de la réinsertion pour prévenir la récidive.
Certes, comme l'a souligné notre rapporteur, bien des progrès ont été accomplis : programmes de construction et rénovations, augmentation et meilleure formation des effectifs, mise en place des services d'insertion et de probation, ouverture vers l'extérieur, création du contrôleur général des lieux de privation de liberté en octobre 2007.
Cette nécessité d'une grande loi pénitentiaire, le Gouvernement a eu le mérite de se l'être enfin appropriée pour nous présenter aujourd'hui un projet en accord avec les recommandations du Conseil de l'Europe. Le texte cherche à clarifier les missions du service public en dépassant les contradictions entre l'indispensable surveillance, le droit des victimes et la réinsertion, à protéger les personnels grâce à des repères précis, à réaffirmer les droits des détenus comme de tout citoyen, à développer les aménagements de peine ainsi que les alternatives à l'incarcération, notamment dans le cadre des mesures de sûreté.
Les mesures prévues pour améliorer les conditions de vie des détenus et le remplacement, lorsqu'il est possible, de la détention par des aménagements de peine constituent une réelle avancée pour désencombrer les prisons des prévenus et des condamnés à de courtes peines, et pour remédier à la non-exécution des peines.
Notre commission des lois, qui a voté une série d'amendements, a, comme à son habitude, bien travaillé. Pour ma part, j'avais, dès l'origine, une réserve sur les articles 46 et 48 du projet voté par le Sénat. La loi encadre la décision du juge – qui peut d'ailleurs être presque instantanément modifiée par un juge de l'application des peines, lequel n'a pas toujours le recul nécessaire – dans un quantum de peine de moins de deux ans, sans l'inviter expressément à prendre en compte les motifs qui, en eux-mêmes, sont porteurs de graves troubles à l'ordre public, comme les délits sexuels et les actes avec violence contre les personnes. Mais nous savons tous que, dans ce monde imparfait, les risques de récidive ne sont guère réduits par le port d'un bracelet électronique, dont la surveillance peut-être aléatoire.