Madame la ministre d'État, ce projet de loi est particulièrement attendu, car il va enfin doter notre pays d'un grand texte fondateur dans le domaine pénitentiaire. Il comporte des avancées majeures qu'il convient de souligner.
Plusieurs chiffres attestent de la gravité de la situation : 63 000 détenus pour 53 000 places, un taux d'occupation des maisons d'arrêt dépassant 140 % !
La situation des prisons françaises a d'ailleurs été dénoncée sur tous les bancs de cette assemblée, laquelle a créé, en 2000, une commission d'enquête dont le seul titre ne pouvait laisser subsister la moindre ambiguïté : « Les prisons : une humiliation pour la République ».
Malgré le processus de réforme engagé depuis 2002, qui nous permettra de disposer de 60 000 places de prison en 2012, beaucoup reste encore à faire.
Dans le rapport qu'il a récemment présenté, M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, établit ce même constat : surpopulation carcérale, nombreux lieux de non-droit où toutes les violences se propagent, taux de suicide en progression, désarroi des personnels dont la tâche devient impossible...
L'emprisonnement doit toujours s'effectuer dans des conditions qui s'accordent avec le respect de la personne humaine. Ainsi la privation de liberté ne doit-elle pas signifier la privation de l'accès au droit.
Il faut donc se féliciter que le présent projet de loi renforce les droits et garanties reconnus aux détenus en matière d'information, de communication, de vie privée et familiale, prenant ainsi en compte les règles pénitentiaires européennes.
Il comporte également de sérieuses avancées pour les personnels pénitentiaires auxquels je souhaite rendre hommage, car ils exercent leurs missions dans des conditions souvent extrêmement difficiles.
Bien sûr, une des missions du service public pénitentiaire est d'aider à la réinsertion des détenus afin de prévenir la récidive, mais surtout et avant tout, le but est de sanctionner des actes de délinquance et de protéger la société contre des personnes et des actes qui peuvent être dangereux.
La première mesure pour éviter la récidive est la sanction. Les statistiques, notamment celles présentées par l'Observatoire national de la délinquance, montrent que six mineurs sur dix qui passent par le milieu carcéral ne récidivent pas.
C'est aussi une obligation vis-à-vis des victimes et un devoir de la société. Or, à ce jour, mes chers collègues, près de 45 000 peines exécutoires ne sont pas exécutées... faute de places en prison !
A cet égard, je ne peux qu'émettre de très fortes réserves quant au second volet ajouté par le Sénat, qui prévoit le caractère quasi automatique de l'aménagement de peine pour les condamnations à deux ans de prison ferme ou pour lesquelles deux ans restent à accomplir.
Le projet de loi ainsi amendé accroît considérablement les prérogatives du juge d'application des peines puisqu'il peut désormais transformer en placement sous surveillance électronique, semi-liberté et placement à l'extérieur, les peines d'emprisonnement dont la durée n'excède pas deux ans.
Le texte restreint considérablement la marge d'appréciation du juge d'application des peines en instaurant une forme d'automatisme.
Encourager un juge, voire l'obliger, dans le secret d'un huis clos, à défaire les peines prononcées publiquement par le tribunal, c'est miner la crédibilité que nos concitoyens accordent à la justice. Madame la ministre d'État, cette disposition adresse aux victimes et à leurs proches un message alarmant, et aux délinquants un message d'impunité potentielle ! Le poids symbolique de la peine est en effet réduit à néant lorsque la sanction appliquée n'est pas celle qui a été prononcée.
Par ailleurs, chers collègues, s'il s'agit de lutter contre la surpopulation carcérale, le seuil d'un an est amplement suffisant puisqu'il concerne 80 % des peines prononcées chaque année et que les juges d'application des peines sont déjà submergés sous les dossiers qui leur parviennent. Il convient donc de conserver le seuil actuel d'un an d'emprisonnement. Je défendrai un amendement en ce sens.
La commission des lois a justement limité l'extension des possibilités d'aménagement de peine lorsqu'il s'agit de délits commis en récidive légale. Le texte issu du Sénat était en effet en contradiction avec les peines planchers en cas de récidive, instituées l'an dernier.
La commission n'a pas souhaité prévoir une limitation similaire pour les infractions violentes ou de nature sexuelle. Pour ces infractions, il paraît néanmoins nécessaire de rendre obligatoire, préalablement à la mesure d'aménagement, une expertise psychiatrique évaluant le risque de récidive.