Vous abordez ce texte très difficile, madame la ministre d'État, dans un souci de clarté et de netteté. Hélas, il est loin de répondre à la gravité du problème particulièrement sensible des personnes souffrant de troubles psychiques, problème que souligne l'ensemble des professionnels.
Les évaluations menées font état de 20 % au moins de détenus qui souffrent de troubles psychiques ou neuropsychiques, soit plus de 12 000 personnes. Compte tenu de leur état, la situation de ces personnes n'est pas légitime et, de surcroît, pose d'énormes problèmes dans la gestion des établissements, au grand dam des responsables de ceux-ci, des personnels et des autres détenus.
Il existe trois manières complémentaires d'aborder le problème. La première relève naturellement de la politique de santé mentale. L'Assemblée a, il y a quelques mois, débattu du texte relatif à la réforme hospitalière : vous savez comme moi qu'y manquait le volet concernant les établissements psychiatriques et, de façon plus générale, la politique de santé mentale. Or, une réforme demeure indispensable si l'on ne veut pas que la rue – je pense aux SDF – ou la prison deviennent les soupapes de sûreté, face aux défaillances de notre politique de santé mentale.
Le deuxième outil permettant de traiter cette question, c'est la procédure pénale, et en particulier l'article L.122-1 du code pénal, qui dispose que les troubles psychiques ou neuropsychiques peuvent constituer une cause d'irresponsabilité pénale. En la matière, le problème est manifeste : en l'espace de dix ans, le pourcentage des condamnés pour lesquels a joué cette clause d'irresponsabilité pénale est passé de 4 % à 1 %, soit environ 200 personnes par an. Du point de vue des victimes, il est vrai que cela peut être pris pour un progrès. Cependant, une évolution aussi brutale de la jurisprudence exige que nous nous interrogions. Il serait bon, madame la ministre d'État, que vos services et le Parlement se penchent avec attention sur la question, car elle est sans doute pour partie à l'origine des difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.
Enfin, le troisième instrument d'action réside dans les conditions d'exécution des peines et de réinsertion des personnes qui souffrent de ces troubles. La loi de 1994 – cela a déjà été rappelé – a permis un suivi sanitaire des détenus censé être comparable à celui de l'ensemble des citoyens. Cela étant, la mise en place de ces dispositifs a souvent connu des difficultés. Si les services médico-psychiatriques régionaux – les SMPR – et les unités de consultations et de soins ambulatoires – les UCSA – fonctionnent, les unités hospitalières spécialement aménagées – les UHSA –, quant à elles, sont installées à un rythme plus lent : les 700 places prévues ne seront disponibles qu'en 2011, si j'ai bien compris. Et encore, 700 places suffiront-elles au regard du nombre de personnes concernées ?
Bien des questions restent donc en suspens. La commission des affaires sociales du Sénat s'est par exemple demandé si ces détenus souffrant de troubles ne devaient pas, au-delà d'un certain délai, être tout simplement réadmis dans un établissement psychiatrique. Je regrette certes le caractère d'automaticité trop marqué de l'amendement qu'elle a présenté sur ce point, mais il est dommage que l'examen de cette question n'ait pas pu se poursuivre.
Par ailleurs, s'agissant de la réinsertion, lorsque j'ai visité, il y a quelques jours, un établissement pénitentiaire de ma circonscription les personnels de l'UCSA ont attiré mon attention sur le problème qui se posait en matière d'exécution des peines, de libération conditionnelle ou de réduction de peine dans la mesure où nombre de personnes atteintes de tels troubles, qui ont parfois des injonctions de soins, ne parviennent pas à trouver, à l'extérieur, des personnels de santé en mesure de les suivre.