Nous ne pouvons qu'être favorables à cette méthode consistant à lier développement et flux migratoires et, surtout, à mettre en oeuvre des partenariats avec les pays d'origine. Effectivement, la meilleure manière d'éviter des migrations non totalement volontaires, c'est de favoriser le développement des pays d'origine, la fin des conflits armés et la consolidation de la démocratie dans ces pays. Nous sommes pour de vrais partenariats.
De même, une politique mettant en avant le rôle des migrants dans le développement de leur pays s'appuie sur un constat juste puisque les fonds transférés par ces migrants sont quasiment équivalents, voire, parfois, supérieurs, au montant de l'aide publique au développement.
Nous approuvons aussi ce qui est prévu pour les visas à entrées multiples de manière à faciliter des allers retours entre les pays d'origine et notre pays, ainsi que la possibilité de favoriser une migration circulaire, utilisant dans les pays d'origine les compétences des migrants, notamment de ceux qui sont très bien formés.
Ce qui nous gêne, c'est que ces accords sont déséquilibrés car c'est le fort qui impose sa loi au plus faible et lui demande de collaborer à une politique qu'il ne peut accepter. En d'autres termes et plus franchement, on parle de codéveloppement mais on demande aux pays du Sud de collaborer à la politique de sécurisation des frontières de l'Europe. Quelque part, on leur sous-traite un certain nombre de politiques désagréables comme la lutte contre la migration non choisie.
On voit donc bien que ce que vous souhaitez, c'est déplacer les objectifs de police des frontières. Comme l'a fait observer un orateur précédent, il est intéressant de voir où sont les crédits affectés à ces accords de gestion.
Nous parlons de codéveloppement – et cela relève de la fonction de M. Joyandet – mais un certain nombre de mesures déjà adoptées en la matière sont restées lettre morte. Ainsi, le compte épargne développement, prévu par une loi de 2006, et le livret d'épargne pour le codéveloppement, créé par une loi de 2007, n'ont toujours pas été mis en oeuvre et commercialisés. Comme le rappelle M. Terrot, ces retards sont dommageables. Mme Martinez souligne même que de tels mécanismes ne tiennent pas compte des pratiques culturelles et économiques des migrants africains, de sorte qu'on a beaucoup de mal à les rendre séduisants.
Aujourd'hui, les fonds qu'envoient les migrants africains dans leurs pays servent plus à la survie et à la lutte contre la pauvreté qu'au développement à proprement parler. Là encore, une bonne idée n'est pas correctement mise en oeuvre.
Plus grave, l'écart entre vos propos sur l'importance du développement, que nous partageons, et la mise en pratique est considérable. Quand on regarde les crédits, et je me réfère à l'excellent rapport de M. Emmanuelli pour le projet de loi de finances pour 2009, on voit que l'on a quasiment renoncé à atteindre les objectifs du Millénaire. Or ce sont des objectifs auxquels nous avions souscrit.
Nous avons parlé l'année dernière des émeutes de la faim. Nous connaissons l'importance – nous en avons discuté dans le cadre du Grenelle – de la question de l'eau. C'est dans tous ces domaines qu'il aurait fallu faire des efforts considérables. Or les fonds sont ridicules.
De plus, en contrepartie des efforts de développement annoncés, vous demandez aux pays du Sud de mettre en oeuvre des politiques contestables de reconduite à la frontière. Pour avoir quelques crédits pour le développement, pour que ce soit un peu plus facile d'obtenir des visas, ils doivent être coopérants sur le retour des ressortissants. Or, dans de nombreux pays, au Mali, par exemple, même les migrants en situation irrégulière en France jouent un rôle considérable dans la survie de nombre de villages. Un tel chantage ne me semble donc pas satisfaisant.
Au lieu de donner des fonds pour le développement, on affecte énormément d'argent – et je sais bien que cela ne relève pas principalement de votre responsabilité, monsieur le secrétaire d'État – aux reconduites à la frontière. Selon M. Pierre Bernard-Reymond, qui n'est pas socialiste, cela coûte environ 20 000 euros par personne. Si de tels crédits étaient utilisés pour faciliter des projets de développement, nous n'en serions pas là.