Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Axel Poniatowski

Réunion du 14 mai 2009 à 9h30
Accords internationaux relatifs aux flux migratoires — Discussion de quatre projets de loi adoptés par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les quatre accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires, aujourd'hui soumis à notre examen, s'inscrivent dans le cadre de la politique que la France mène résolument depuis l'adoption des lois de 2003 et de 2006, comme cela a été indiqué.

Il faut voir, dans la signature de ces accords de gestion concertée des flux migratoires, la marque de la réorientation, souhaitée par le Président de la République, de notre politique de contrôle de l'immigration lancée par Brice Hortefeux, alors ministre de l'immigration.

Je voudrais profiter de ce débat pour que soient apportées à la représentation nationale quelques précisions et levées certaines incertitudes ou ambiguïtés.

En premier lieu, si l'on en croit les chiffres communiqués par les services officiels, l'immigration a augmenté de 14 % en cinq ans, entre 2003 et 2007, en ce qui concerne le Congo et le Sénégal, plus légèrement pour ce qui est de la Tunisie. Cela est dû au fait que le dispositif prévu dans la loi de 2006 n'entre que très lentement en vigueur. En effet, je rappelle qu'à ce jour, un seul accord ratifié avec le Gabon est aujourd'hui en application.

Les effets de la législation se feront vraisemblablement pleinement sentir lorsque les accords seront tous ratifiés. Toutefois, je souhaiterais connaître les prévisions du ministère de l'immigration sur l'évolution et la nature de ces flux migratoires.

L'examen des profils migratoires des quatre pays concernés montre, en effet, que l'immigration familiale reste, et de loin, très nettement dominante, tandis que l'immigration professionnelle est faible, si ce n'est totalement marginale. Celle en provenance du Bénin, par exemple, ne représente quasiment rien. C'est aussi le cas de l'immigration congolaise puisque, en 2007, 1,7 % des immigrés seulement ont obtenu leur visa à ce titre. Les données sont comparables en ce qui concerne le Sénégal.

En d'autres termes, monsieur le secrétaire d'État, ces accords suffiront-ils à promouvoir une immigration professionnelle, dont nous avons besoin, qui demeure aujourd'hui encore bien modeste ? Y a-t-il véritablement adéquation entre les ambitions, qui sont louables et que je partage entièrement, et les dispositifs mis en place, dont on peut se demander comment ils permettront d'atteindre les objectifs fixés ? Comment, pour ne prendre que cet exemple, sera-t-il possible d'attribuer jusqu'à 150 cartes dites « compétences et talents » par an à des ressortissants béninois ou congolais pour répondre à des offres d'emplois qui requièrent des qualifications très spécifiques ?

Cette réflexion me semble d'autant plus justifiée que cette politique entend, à juste titre, développer des relations de partenariats d'égal à égal entre les pays d'origine et la France. Certaines des négociations qui sont menées, je pense notamment à celle avec le Mali, s'avèrent d'ores et déjà difficiles. Celle conduite avec le Sénégal l'a été aussi, en témoignent les avenants qu'il a fallu apporter au texte initial. Il ne faudrait pas que cette politique, qui allie opportunément la gestion de l'immigration à l'aide au développement que la France apporte aux pays bénéficiaires, en se révélant inadaptée, ne sache finalement répondre à nos attentes ni à celles des pays concernés.

Ces questions me semblent d'autant plus importantes que la crise économique et financière qui frappe aujourd'hui bouleverse sans doute la donne. À ce titre, j'aimerais savoir également si ce contexte de crise modifie les objectifs fixés et les demandes d'immigration.

Cela étant, si les accords bilatéraux de gestion des flux migratoires traduisent les nouvelles orientations de la politique gouvernementale, il n'en demeure pas moins que c'est toujours la délivrance d'un visa qui permet à une personne d'accéder légalement au territoire français, pour y travailler ou y étudier, mais aussi, pour y séjourner, même brièvement. Ainsi, 2,350 millions de demandes de visas ont été traitées par les consulats français en 2007, ce qui constitue une masse de travail considérable, même si le nombre total de demandes est en baisse de 6,5 % entre 2004 et 2007 à la suite, notamment, de la mise en place du paiement de frais de dossier au moment du dépôt de la demande et non plus quand le visa est accordé.

Deux mouvements sont en cours depuis quelques années dans le domaine de la délivrance des visas, mouvements lancés à l'origine par le ministère des affaires étrangères et désormais gérés, en premier lieu, par le ministère de l'immigration. Il s'agit d'une part du processus d'externalisation des visas – comme l'accueil des demandeurs, la perception des frais de dossiers, la vérification de la présence de toutes les pièces requises – et, d'autre part de la généralisation progressive des visas biométriques. S'ils répondent à des logiques différentes, ces deux mouvements me semblent également indispensables. Le premier, d'initiative nationale, vise à la fois à améliorer la qualité du service rendu aux demandeurs de visas et à permettre aux agents des consulats de se concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire l'instruction des demandes. Le second mouvement, qui s'insère dans la perspective d'un système européen dénommé VIS – visa information Schengen – a pour objectif d'améliorer les contrôles lors de la délivrance des visas, aux frontières et sur le territoire des États de la zone Schengen : les empreintes digitales et la photographie des demandeurs sont numérisées, puis traitées par informatique.

Jusqu'à aujourd'hui ces deux évolutions ont été menées en parallèle. Concrètement, fin 2008, une trentaine de postes, et en particulier ceux auxquels sont adressées de très nombreuses demandes, avaient recours à l'externalisation, tandis que 107 postes étaient en mesure de délivrer des visas biométriques. Plus du tiers des visas délivrés étaient biométriques fin 2008. Cette proportion devrait avoir doublé fin 2009 et atteindre 100 % fin 2010. Comme il n'y a pas de raison d'abandonner le processus d'externalisation, qui a produit d'excellents résultats, et rend d'ailleurs un très grand service aux demandeurs étrangers, il devient urgent de trouver un moyen de concilier externalisation et biométrie.

La principale contrainte vient de la nécessité de garantir la sécurité des données et la protection des libertés individuelles sur lesquelles la CNIL veille à juste titre. S'y ajoutent certaines réticences communautaires, notamment relatives au fait que le service externalisé est payé par le demandeur en plus des frais de dossier, ce qui représente une vingtaine d'euros en sus des frais fixés à 60 ou à 35 euros selon les pays.

Au cours du débat budgétaire de novembre dernier, il avait été indiqué aux rapporteurs pour avis concernés que des expérimentations allaient être menées en 2009 dans trois postes – Istanbul, Alger et Londres – qui délivrent à eux trois entre 500 000 et 600 000 visas par an. Or j'ai justement effectué une mission à Alger, il y a quelques jours, qui m'a donné l'occasion de mesurer l'avancée de la réflexion sur ce sujet et les obstacles que rencontre sa mise en oeuvre.

Depuis la réouverture du consulat général d'Oran, en septembre 2007, les trois consulats généraux français en Algérie traitent plus de 210 000 demandes par an et accordent de l'ordre de 130 000 visas. À Annaba et Oran, sont délivrés des visas biométriques depuis, respectivement, juin 2005 et décembre 2007. Ce sont donc des agents du consulat qui suivent l'ensemble de la chaîne, de l'accueil des demandeurs à la remise du visa accordé, en passant par le recueil des données biométriques. À Alger, en revanche, depuis l'automne dernier, a été mise en place, à la satisfaction générale, une gestion extérieure des rendez-vous et des dépôts de dossiers. Cette procédure permet d'accorder un rendez-vous au demandeur dans les quarante-huit heures, d'obtenir une réponse sous huitaine et de traiter environ 80 000 dossiers par an, mais les visas ne sont pas encore biométriques. Les locaux du consulat d'Alger ne permettent pas d'y loger l'opérateur extérieur. Or la France est propriétaire d'un bâtiment actuellement inoccupé qui conviendrait parfaitement à ce regroupement. Il apparaît pourtant que l'ambassadeur n'obtient pas le feu vert du Gouvernement au déménagement des services consulaires et de l'opérateur privé. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous expliquer les raisons de ce blocage, alors que la solution proposée apparaît parfaitement rationnelle, respectueuse des libertés individuelles et des deniers publics ? Par ailleurs, pourriez-vous faire le point sur l'avancée des expérimentations aujourd'hui à Londres et Istanbul ?

J'ai conscience du fait que ces questions dépassent le strict objet des accords sur l'approbation desquels nous sommes amenés à nous prononcer. Elles me semblent néanmoins mériter d'être abordées. Je vous remercie donc par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous pourrez nous apporter dès aujourd'hui. J'ai, en outre, l'intention de proposer à la conférence des présidents l'organisation d'un débat sur la gestion des flux migratoires et les conditions de délivrance des visas, à l'occasion d'une prochaine semaine consacrée aux activités de contrôle de notre Assemblée, afin de nous donner plus de temps pour revenir sur ces différents points.

En attendant, et s'agissant des projets en question, je recommande, bien entendu, chers collègues, que nous les approuvions en séance, comme nous l'avons fait en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion