Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le traitement de l'immigration étant l'une des questions les plus polémiques qui soient, il me semble opportun de resituer la politique du Gouvernement, et donc les textes qui nous intéressent aujourd'hui, dans leur contexte national, régional et international.
Chacun se souvient, bien sûr, de la loi de novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, de celle de juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration et, plus récemment, du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté par le Conseil européen en octobre dernier, durant la présidence française de l'Union européenne.
On a peut-être moins présent à l'esprit que, depuis quelques années, la gestion des migrations internationales est devenue l'une des principales priorités de l'ensemble de la communauté internationale, dont l'approche recoupe celle défendue par le Gouvernement dans ces accords de gestion concertée.
Quelques données chiffrées, tout d'abord, pour rappeler que le fait migratoire touche aujourd'hui quelque 200 millions de personnes, soit 3 % de la population mondiale, qui sont essentiellement motivées par des conditions socio-économiques et par l'écart de conditions entre pays riches et pauvres.
Cela étant, l'immigration est un phénomène qui évolue fortement : il concerne aujourd'hui aussi bien des mouvements de populations des pays du sud vers le nord que du sud vers le sud. Nombre de pays africains, par exemple, sont désormais des pays d'accueil ou de transit importants, qui rencontrent les mêmes problèmes que les pays de l'OCDE. Il faut savoir que l'Ouganda, l'Afrique du sud et la Côte-d'Ivoire sont parmi les vingt premiers pays accueillants au niveau mondial.
Je voudrais insister ensuite sur le fait que ce ne sont pas seulement les migrations qui changent, mais surtout le regard qu'on a sur elles, et que ce changement de perspective a entraîné depuis quelques années, au niveau mondial, de profondes évolutions des politiques migratoires.
Que ce soit de la part de l'OIT, de l'OIM, de l'OCDE, de la Banque mondiale et, bien sûr, en tout premier lieu, de la part des Nations unies, la réflexion et les stratégies en matière de politique migratoire insistent désormais sur le lien étroit entre migrations et développement et sur l'articulation nécessaire entre les deux.
Je veux rappeler à ce sujet qu'en 2006, Kofi Annan avait lancé un « Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement », qui a réuni plus de 130 pays autour de l'idée selon laquelle les pays pouvaient coopérer afin de concrétiser les synergies possibles entre migrations et développement et rendre la situation avantageuse et profitable à la fois pour les migrants, leurs pays d'origine et les sociétés qui les accueillent. Depuis, tous les ans, à l'initiative, la première fois, de la Belgique en 2007, un forum mondial sur la migration et le développement associe États et organisations de la société civile de plus de 150 pays pour débattre des différents aspects de la problématique. Y ont déjà été discutés les thèmes de la fuite des cerveaux, des transferts monétaires des migrants vers leurs pays d'origine, de la meilleure utilisation qui pourrait être faite de ces sommes – qui équivalent, au niveau mondial, à plus du double du montant total de l'aide publique au développement –, ou encore des partenariats de coopération à mettre en oeuvre entre pays d'origine et de destination.
Il y a donc un véritable dialogue international, qui se décline au niveau régional : il y a actuellement treize forums régionaux qui débattent sur la thématique « « migration et développement » sur les cinq continents.
L'Union européenne est sans doute le pôle régional qui a été le plus loin dans cette logique avec l'approbation du « Partenariat Afrique - Union européenne » au sommet de Lisbonne en décembre 2007, avec l'adoption du Pacte il y a quelques mois, et bien sûr, avec les conférences ministérielles euro-africaines sur la migration et le développement, qui se sont réunies à Rabat en juillet 2006 et à Paris en novembre dernier, au cours desquelles un partenariat global, ainsi qu'un programme de coopération pluriannuel ont été approuvés par les soixante pays et les vingt organisations internationales qui y ont participé.
Ces accords, qui reposent sur une vision globale, cohérente et négociée, mettent l'accent sur deux aspects essentiels, comme leurs titres l'indiquent, à savoir la maîtrise des flux migratoires et la mise en oeuvre d'actions de codéveloppement. En d'autres termes, c'est une approche de la relation nord-sud sous l'angle du développement des pays d'origine.
L'architecture de ces différents accords est très proche et l'on note également peu de différences quant au fond, dans la mesure où ils déclinent les trois aspects complémentaires : le volet de l'organisation de l'immigration légale, celui de la lutte contre l'immigration irrégulière et, enfin, celui du codéveloppement ou développement solidaire.
En matière de circulation, tout d'abord, tous les trois comportent des dispositions sur les différentes catégories de visas et de personnes admises au séjour.
Est ainsi abordée la politique de facilitation des visas de circulation dont vous venez de parler, monsieur le secrétaire d'État, c'est-à-dire les visas de courts séjours à entrées multiples, qui permettent des séjours de trois mois maximum par semestre pour une durée de un à cinq ans, pour trois catégories de bénéficiaires : les hommes d'affaires, les universitaires, les sportifs, etc., les membres des familles de ressortissants résidant sur le territoire et, enfin, les personnes nécessitant des soins médicaux.
En ce qui concerne les séjours de longue durée, les accords distinguent entre la qualité des demandeurs. Ce sont les étudiants qui sont concernés en premier lieu et la logique des dispositifs est de valoriser leur séjour en France dans une perspective de développement de leur pays d'origine. En ce sens, des mécanismes sont prévus pour favoriser leur retour au pays à la suite de leurs études, et la possibilité d'une première expérience professionnelle en France après leurs études pour ceux titulaires d'un master. Je note aussi, dans le cas du Sénégal et du Bénin, le souci d'une adéquation marquée de la politique migratoire avec les besoins de formation exprimés par les pays.
La seconde catégorie concernée par les visas de longue durée est celle des immigrés pour motifs professionnels, pour laquelle les accords, pour l'essentiel, mettent en oeuvre les dispositions de la loi de 2006 qui renvoie expressément à la signature d'accords bilatéraux en ce qui concerne l'octroi des cartes de séjour « compétences et talents » aux ressortissants de pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire.
Pour le reste, les accords prévoient également les dispositions concernant les jeunes professionnels et la délivrance des cartes de séjour temporaire qui concernent soit les travailleurs saisonniers, soit un certain nombre de métiers précisément énumérés.
Le deuxième point clé de ces accords concerne l'organisation de la lutte contre l'immigration irrégulière. Ici aussi, les dispositifs prévus dans les trois accords sont très proches, si ce n'est identiques, en tout cas dans leur esprit. Le principe est affirmé d'une responsabilité partagée entre la France, le Bénin et le Congo en la matière, et des mécanismes de coopération ou de collaboration sont prévus, notamment en matière de réadmission des nationaux et de procédures d'identification de la nationalité des personnes en situation irrégulière pour leur future réadmission.
Une coopération spécifique, via le FSP, est également prévue en matière de surveillance des frontières dans le cadre de l'accord avec le Sénégal en vue d'un partenariat entre les deux pays. Dans le cadre de l'accord avec le Bénin et le Congo, l'accent est mis sur une coopération policière par laquelle la France apporte son expertise sur les questions de démantèlement de filières de clandestins, de sécurisation de titres, de fraude documentaire ou de sécurisation aéroportuaire.
Le troisième volet des accords porte sur les questions de codéveloppement et d'aide au développement des pays d'origine. C'est sur ce dernier aspect que les accords diffèrent le plus dans la mesure où ils répondent aux besoins exprimés par chacune des parties.
L'accord avec le Congo met ainsi l'accent sur le rôle des migrants et notamment sur le financement de projets de développement local initiés par leurs associations, sur l'appui aux diasporas et le soutien aux projets d'initiatives économiques ou de développement des migrants, notamment des jeunes. Un autre aspect concerne la réinsertion des migrants volontaires pour un retour dans leur pays et, enfin, un fort accent est mis à la coopération dans le secteur santé dans lequel un certain nombre d'actions sont énumérées qui complètent le DCP signé entre la France et le Congo en 2007.
La coopération développée avec le Sénégal dans le cadre de l'accord est plus variée et concerne notamment, outre la santé, les secteurs de l'agriculture et de la pêche, le domaine financier et la coopération décentralisée.
Enfin, l'accord avec le Bénin énumère les généralités sur lesquelles les parties entendent mettre l'accent et détaille en annexe le fort appui de la part de la France aux questions de santé et tout particulièrement sur le thème de la faiblesse des ressources humaines du système de santé béninois.
Cela étant, sans contester l'intérêt de ces actions d'aide au développement, leur mise en perspective avec l'architecture générale de l'APD appelle néanmoins quelques commentaires.
Tout d'abord, on peut, monsieur le secrétaire d'État, se monter surpris de ne voir nulle part mentionné le secrétariat d'État à la coopération, qui vous est cher. Certes, les crédits ici mobilisés, sont ceux du ministère de l'immigration, qui s'inspire du cadre général des DCP parfois évoqués. Pour autant, aux fins d'une bonne harmonisation des politiques conduites par les différentes institutions en charge de l'aide au développement, dont le ministère de l'intégration fait désormais partie, il aurait sans doute été opportun de rappeler le rôle du secrétariat d'État à la coopération, voire de prévoir son intervention.
Le deuxième point que je souhaiterais évoquer – et j'en terminerai par là – est celui de la logique de l'articulation entre gestion migratoire et codéveloppement qui me paraît impliquer de privilégier les financements bilatéraux d'aide publique au développement. Or chacun sait que la part des financements multilatéraux est tendanciellement à la hausse dans la structure de l'APD française …