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Intervention de Jean-Claude Guibal

Réunion du 14 mai 2009 à 9h30
Accords internationaux relatifs aux flux migratoires — Discussion de quatre projets de loi adoptés par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Guibal :

, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour le projet de loi relatif à l'accord avec la Tunisie sur la gestion concertée des migrations. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme le disait, en 2006, le ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, lors du débat sur la loi relative à l'immigration et à l'intégration, la politique d'immigration ne peut plus se définir de manière isolée, sans prendre en compte les problèmes ou les besoins des pays d'origine, elle ne peut plus seulement viser à la fermeture des frontières, comme cela a été un temps son objectif, lequel s'est d'ailleurs révélé impossible à réaliser, mais elle doit s'inscrire dans le cadre de partenariats entre pays en développement et pays d'accueil.

Telle est la politique que la France met désormais en oeuvre et qu'elle promeut, soit de manière bilatérale, soit dans le cadre de l'Union européenne, et l'on sait la part prise en son temps par le ministre Brice Hortefeux dans l'élaboration du Pacte européen signé en octobre dernier.

À cet égard, je voudrais souligner que ce n'est pas seulement au niveau européen que la perception d'ensemble des flux migratoires a changé ces dernières armées. De nouvelles perspectives, riches de possibilités, ont aussi été ouvertes par l'ensemble de la communauté internationale sur l'articulation entre questions de migrations et questions de développement. Il faut y voir un élément déterminant qui peut considérablement aider au succès des politiques migratoires.

Les accords régionaux ou bilatéraux relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui sont négociés entre les pays ou les régions d'origine et le pays de destination en sont un des éléments importants. Celui que le Gouvernement a signé, le 28 avril 2008, avec la République tunisienne et qui est aujourd'hui soumis à notre assemblée, s'inscrit dans cette démarche d'ensemble.

Je voudrais évoquer, au début de mon propos, quelques aspects complémentaires, à savoir les relations bilatérales que nos deux pays ont entretenues en matière migratoire d'une part, et le contexte particulier que présentent le dialogue euroméditerranéen et le processus de construction de l'Union pour la Méditerranée, d'autre part.

Preuve, s'il en était besoin, que l'articulation entre migrations et codéveloppement s'est imposée récemment, les accords antérieurement signés entre la France et la Tunisie ne comportaient pas la moindre disposition qui y fasse allusion.

Ainsi, l'accord négocié en 1988 et ses avenants de 1991 et de 2000, qui sont d'inspiration clairement plus libérale que ceux d'aujourd'hui se bornent à traiter des conditions de séjour et d'obtention de titres de séjour des ressortissants tunisiens en France et des ressortissants français en Tunisie.

Un accord antérieur datant de 1983, avait ouvert la voie à un contrôle plus efficace des flux migratoires entre les deux pays. À l'époque, un échange de lettres avait suffi pour répondre au souci commun des deux gouvernements et avait accordé leur collaboration qui n'avait d'autre préoccupation que celle-ci.

L'approche sur laquelle repose l'accord signé en avril 2008 est radicalement différente. Elle est surtout plus ambitieuse. Cet accord s'inscrit dans la droite ligne du Pacte européen et des sommets de Rabat et de Lisbonne.

Il est par ailleurs conforme à l'esprit du dialogue euroméditerranéen sous ses différentes formes. Je rappelle à ce sujet que la relance du processus de Barcelone avait été envisagée autour des questions de développement économique et social des pays de la rive sud de la Méditerranée.

Comme cela avait été souligné il y a déjà plusieurs années, l'intérêt du processus de Barcelone a été de traiter l'ensemble des problèmes dans leur complexité, et tout particulièrement celui de l'immigration : plutôt que de se limiter à une conception essentiellement sécuritaire de l'immigration, qui aurait pu être choisie, notamment lors de périodes de relative tension, de vagues d'attentats, par exemple, c'est au contraire la voie qui privilégiait la coopération et le codéveloppement qui a été retenue. C'est le développement économique et social des pays d'origine qui a été considéré comme le meilleur outil pour aboutir à la solution la plus satisfaisante pour toutes les parties.

En d'autres termes, cette approche permettait d'ouvrir la réflexion sur certaines des questions que l'on retrouve aujourd'hui consacrées dans les forums internationaux et traitées dans les accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement. Il en est ainsi, entre autres, de l'idée de migrations provisoires, lesquelles permettent aux intéressés d'acquérir une formation et de rentrer avec des compétences utiles au développement de leur pays.

De même, dans le cadre du Dialogue 5 + 5, par exemple, au tournant des années 2000, les questions de mise en adéquation des besoins de main-d'oeuvre avec les migrations étaient déjà posées. Tout comme l'étaient celles du contrôle des migrations et de 1'intégration des intéressés, certes sur la base d'autres préoccupations initiales, tenant notamment au risque terroriste, mais avec les mêmes aboutissants. C'est ainsi que des points de convergence ont pu être trouvés très tôt sur les questions de rapprochements des législations nationales en matière d'immigration, notamment pour faciliter les séjours de longue durée des étudiants ou en matière de formation professionnelle pour que les bénéficiaires puissent valoriser ensuite la formation acquise dans leur pays d'origine.

D'une certaine manière, l'accord qui a été négocié avec la Tunisie marque l'achèvement de ce processus de dialogue. C'est le premier de ce type signé avec un pays du Maghreb, après ceux signés avec des pays d'Afrique subsaharienne et, en ce sens, il revêt une particulière importance, compte tenu aussi des liens traditionnels qui unissent nos deux pays.

Par rapport aux accords signés avec les pays africains, peu de différences sont à noter, si ce n'est dans la forme. En lieu et place d'un texte unique, comme ce fut jusqu'à présent le plus souvent le cas, il y a ici un accord-cadre auquel sont adjoints deux protocoles, l'un portant sur la question de la gestion concertée des flux migratoires, l'autre sur le développement solidaire, qui ont été signés le même jour.

L'accord-cadre est très bref dans sa rédaction. Il ne fait que poser les principes, et tout particulièrement ceux auxquels se réfèrent les deux parties lorsqu'elles affirment leur engagement solidaire pour une gestion concertée de la migration et leur volonté d'asseoir un partenariat privilégié en matière de développement solidaire.

Le protocole additionnel relatif à la gestion concertée des flux migratoires détaille, dans des termes fort proches de ceux que l'on retrouve dans les autres accords, les questions relatives aux différents types d'immigration et y apporte des solutions identiques. Parmi les différences notables que l'on peut mentionner, je retiens le nombre des personnes concernées par les différents visas, plus élevé que dans le cas des accords négociés avec les pays d'Afrique subsaharienne : ce sont ici quelque 1 500 candidats par an qui peuvent bénéficier de la carte « compétences et talents » et 1 500 autres des programmes de jeunes professionnels. La catégorie des travailleurs saisonniers intéresse, quant à elle, 2 500 personnes, et 3 500 personnes peuvent être admises chaque année comme salariés exerçant l'un des métiers énumérés sur une liste précise.

Il faut aussi remarquer que la liste des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens est incomparablement plus étendue que celles figurant dans les autres accords.

Les questions relatives à la réadmission des personnes en situation irrégulière ne font pas non plus l'objet d'un traitement différent ni dans leur principe ni dans leur mise en oeuvre. Enfin, de même que dans les autres accords, il est prévu que la France aide au renforcement des capacités des services tunisiens en charge de la lutte contre l'émigration clandestine.

Le second protocole, relatif au développement solidaire, réaffirme en premier lieu que « le développement d'une solidarité agissante intégrant à la fois les impératifs du développement durable, de l'emploi et de la sécurité pour tous, est de nature à assurer une maîtrise efficace de la migration ».

Il indique ensuite les axes sur lesquels la coopération entre les deux pays se concentrera et les points sur lesquels la France portera son effort : l'emploi et la formation professionnelle et universitaire, le renforcement de la capacité institutionnelle tunisienne en matière de migration, l'amélioration des dispositifs de transferts de l'épargne des migrants et la coopération décentralisée.

Un volet particulier relatif à la réinsertion sociale et professionnelle intéresse les ressortissants tunisiens porteurs d'un projet de création d'entreprise, les migrants en situation irrégulière qui souhaitent bénéficier de l'aide au retour de la France et les bénéficiaires de la carte « compétences et talents ».

Enfin, une liste de projets, à mettre en oeuvre sur crédits du MIIIDS, est indiquée en annexe du protocole et porte sur des aspects touchant à la formation professionnelle, à l'intégration sociale, à la pêche artisanale, à l'accompagnement des projets des jeunes entrepreneurs ainsi qu'au développement de la région de Médenine ; ces deux derniers projets sont financés pour des coûts estimés respectivement à 3 et 5 millions d'euros. D'autres actions, plus modestes, intéressent les secteurs de la santé et du micro-crédit.

En conclusion, mes chers collègues, je voudrais retenir l'idée que cet accord répond à l'intérêt de la France et de l'Union européenne en ce qui concerne la maîtrise des flux migratoires. Mais je voudrais aussi insister sur l'opportunité qu'il représente pour le développement économique et social de la Tunisie, avec laquelle il a été négocié. La politique du Gouvernement s'inscrit désormais dans le cadre d'une démarche d'aide au développement plus lisible et qui relève d'une logique de coresponsabilité qu'il faut saluer.

Pour ce qui me concerne, je vous recommande par conséquent d'approuver le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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