Monsieur le président, madame la ministre d'État, mes chers collègues, la réforme de la représentation devant les cours d'appel a connu depuis plus d'un an bien des avatars. Je l'ai suivie dans le cadre du rapport sur l'évolution des professions réglementées, que j'ai réalisé avec mon collègue Jean-Pierre Marcon pour mon groupe politique, à la demande de Jean-François Copé.
C'est le rapport Attali qui, en proposant la suppression totale de la profession d'avoué, a été le coup d'envoi de ce projet. Sa volonté réformatrice était tout à fait louable. Clarification des professions juridiques, prise en compte du contexte européen, objectif d'un meilleur service rendu aux justiciables, ces grands principes à l'origine de la proposition sur les avoués ne semblent pas contestables. Disons-le, le rapport Attali a eu le mérite, par l'électrochoc qu'il a constitué, de stimuler la réflexion au point que, souvent, la nécessité de la réforme et l'impossibilité de l'immobilisme ont été largement reconnues.
Cependant, il faut le dire aussi, l'idée de cette réforme n'a pas été assez bien présentée au départ.
D'abord, l'annonce de la suppression de la profession a été faite quelques jours après les résultats des examens 2008 pour l'accès à la fonction d'avoué. Ce n'était pas forcément le meilleur moment. On a aussi trop souvent parlé des avoués comme d'un doublon par rapport à une certaine valeur ajoutée des avocats, alors que l'on aurait pu tout aussi bien présenter la chose de manière inverse.
Surtout, on n'avait pas assez pris en compte les conséquences sociales de la réforme. Dès cette époque, nous avions ainsi, Jean-Pierre Marcon et moi-même, dans notre rapport pour le groupe UMP, pointé diverses difficultés que nous avions constatées, qui étaient évidentes et qu'il était impossible d'ignorer. Les avoués n'ayant actuellement, à quelques rares exceptions près, qu'une clientèle d'avocats, ils démarreraient leur activité d'avocat sans réelle clientèle. On savait bien que les avocats, aujourd'hui clients des avoués, n'auraient majoritairement plus recours à eux après la réforme. Et comme on avait conscience qu'il fallait trois à cinq ans pour se constituer une clientèle, on savait bien que les revenus des avoués étaient loin d'être assurés.
Nous avions noté également l'impact que risquaient de subir les salariés des avoués, qui seraient inévitablement exposés au risque du chômage.
Nous avions relayé ces constats auprès de l'ancienne garde des sceaux, en faisant des propositions alternatives pour une meilleure réforme, afin de garantir son efficacité et de compenser ses conséquences sociales. Nous avions notamment plaidé pour des passerelles vers la magistrature, et aussi pour une période transitoire allongée au cours de laquelle les ex-avoués auraient pu se reconvertir dans le métier d'avocat.
Le premier texte ne répondait pas vraiment à ces difficultés et n'intégrait pas non plus nos propositions. Son inachèvement était symbolisé par l'ambiguïté de son titre : « Fusion des professions d'avocat et d'avoué », alors que l'on ne pouvait évidemment pas mettre les deux professions sur le même plan.
Heureusement, un gros travail de concertation a été réalisé, qui a permis d'aboutir à un résultat déjà appréciable, que nous pourrons constater au cours de la discussion du texte. Au groupe UMP, nous y avons pris notre part, en recevant les représentants des avoués et ceux de leurs salariés à de très nombreuses reprises, en prenant le temps de discuter avec eux, en réfléchissant avec eux aux possibilités d'amélioration de la réforme et en faisant remonter leurs préoccupations jusqu'au Gouvernement. Vous avez, madame la ministre, apporté à nos interpellations une écoute que je salue, et à laquelle nous devons une grande part des progrès substantiels qui ont été réalisés entre le projet initial et le projet actuel.
En 2007, Nicolas Sarkozy s'était clairement identifié aux yeux des Français comme le candidat de l'indispensable rupture, mais, dans son programme présidentiel, il écrivait aussi la chose suivante : « Je crois que l'on prend de meilleures décisions si l'on prend le temps d'écouter ceux qui sont concernés sur le terrain, et que les réformes sont mieux appliquées si chacun a pu au préalable les comprendre et les accepter. »
L'ambition réformatrice du rapport Attali, le groupe UMP l'a gardée intacte, mais nous avons aussi voulu que la concertation ait lieu, et je crois donc que de grands progrès ont déjà été réalisés. Je sais que nous avons été entendus, en particulier pour l'indemnisation des avoués à 100 %, qui est indispensable, ainsi que pour une meilleure modulation des indemnités de licenciement des salariés en fonction de l'ancienneté.
Néanmoins, j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues, des amendements sur des points qui nous paraissent appeler d'autres efforts pour présenter au final une réforme à la fois vraiment efficace et vraiment juste. Je pense aux passerelles prévues pour les collaborateurs d'avoués qui sont diplômés, et à la date d'effet de la réforme, qui doit faire l'objet d'un débat. Je suis certaine que nous pourrons en discuter dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)