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Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du 6 octobre 2009 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Une directive européenne de 2006, relative aux services dans le marché intérieur, que la France doit transposer avant le 28 décembre 2009 – j'espère que nous serons un peu meilleur élève que nous ne le sommes parfois en matière de transposition de directives – implique une forme de libéralisation.

Or il semblerait que le maintien des offices d'avoués puisse représenter une atteinte à la libre circulation des services prônée par cette directive. Ce point fait débat, notre rapporteur l'a rappelé tout à l'heure et, personnellement, je doute aussi un peu du bien fondé de cet argument. Peu importe, car ce n'est pas l'argument essentiel de la réforme : le projet que nous examinons relève d'une politique d'ensemble, d'une politique de modernisation de notre système judiciaire.

Il s'agit de poursuivre une réforme entamée il y a quarante ans, tout en facilitant l'accès au juge d'appel pour tous. En effet, en décembre 1971 déjà, les offices d'avoués près les tribunaux de grande instance avaient été supprimés. Bien sûr, il en avait sans doute résulté un certain traumatisme pour les avoués et leurs collaborateurs mais, que je sache, la face de la justice n'en avait pas été défigurée, et nul ne soutiendrait aujourd'hui la nécessité de revenir en arrière.

C'est une réforme globale, courageuse, difficile, qui s'accompagne d'une dématérialisation plus poussée, et donc une modernisation de l'ensemble.

Si le fond pose des problèmes importants mais pas insolubles, il faut régler deux grandes questions touchant aux avoués eux-mêmes et à leurs collaborateurs. À cet égard, les garanties apportées ce matin, qui figuraient pour partie dans le projet initial, me semblent sérieuses. Cette dernière mouture du texte lève une grande partie des ambiguïtés, et je tenais à vous en remercier une fois encore, madame la ministre.

L'avenir professionnel des avoués est lié à leur indemnisation. Le texte prévoit qu'ils deviendront avocats de plein droit, sauf s'ils y renoncent, sachant qu'il existera aussi des passerelles vers d'autres professions du droit : notaire, huissier, greffier, etc. Les dispositions réglant les dispenses d'examen ou de stage pour accéder à ces fonctions seront fixées par décret en Conseil d'État.

Cela ne me semble pas poser de problème particulier : le règlement saura s'adapter s'il en est besoin. Compte tenu des dispositions transitoires prévues pour 2011, dont nous débattrons peut-être avec certains amendements, le texte ne pose pas de difficultés majeures ; en tout cas les principes ne sont nullement bafoués.

Le point essentiel, donc, reste sans doute l'indemnisation de la charge, indemnisation qui, dans le projet initial, s'élevait à 66 % de la valeur déterminée de l'office. Ce chiffre très insuffisant a, c'est vrai, semé le trouble, et c'est à juste titre que l'on a évoqué des droits constitutionnels, tant le pourcentage retenu s'apparentait à une forme de spoliation inacceptable pour les avoués et les salariés. Je salue à cet égard l'avancée annoncée tout à l'heure : elle nous permettra, je l'espère, de trouver une majorité. Après une proposition intermédiaire de 92 %, peu compréhensible – pourquoi une retenue de 8 %, même si certains rapports l'évoquaient, et non de 2 % ou de 5 % ? –, la décision d'une indemnisation à 100 % est la plus réaliste. La sagesse de votre annonce, madame la garde des sceaux, est conforme au respect du droit de propriété et montre votre sens de l'écoute. Il reviendra bien sûr à notre assemblée d'examiner attentivement les dispositions en profondeur, mais l'ambiguïté me semble levée.

Le dernier point, mais non le moindre, concerne les salariés. On ne peut passer sous silence le sort de 1 800 personnes et de leurs familles. L'étude d'impact a bien montré l'existence de difficultés spécifiques découlant de l'âge moyen ou de la féminisation, laquelle – que l'on ne se méprenne pas sur mes propos – ne pose évidemment pas de problème en elle-même. Là encore, on a un peu tardé à donner des gages sérieux ; mais force est de constater que les avancées ont été très nombreuses au cours de ces derniers jours. Elles expliquent que, sans parler de revirement, la majorité ou certains de ses membres jugent désormais le texte acceptable.

Les mesures d'accompagnement financier et de reclassement, nonobstant certaines situations personnelles ou familiales qui peuvent rendre celui-ci plus difficile, me semblent claires. L'ouverture de 380 postes de catégories A, B et C dans les services judiciaires dès le printemps de 2010 est une avancée indéniable. C'est à la direction des services judiciaires qu'il reviendra de proposer ces postes en fonction des besoins des cours d'appel, mais aussi, bien sûr, de ceux des salariés d'avoués concernés : il ne s'agit pas de plaquer des schémas sans tenir compte des souhaits des uns et des autres.

On évoquera aussi les nombreuses passerelles, dont les niveaux seront fixés par décret, vers les autres professions juridiques et judiciaires, ainsi que la commission tripartite chargée de conclure des conventions permettant un accompagnement personnalisé – j'insiste sur ce terme –, que nous avons largement pris en compte avec la création d'une cellule de reclassement dans chaque cour d'appel. En plus de ce dispositif, des aides supplémentaires pourront être octroyées pour favoriser la création ou la reprise d'entreprises.

Quant aux aspects financiers, les indemnités connaîtront une augmentation significative, notamment pour les personnes ayant le plus d'ancienneté ; comme les indemnités de licenciement, elles ne seront pas soumises à l'impôt sur le revenu et n'entraîneront pas de différé spécifique dans le versement des indemnités de chômage. Les avancées nous semblent donc importantes, les situations humaines et professionnelles ayant été largement prises en compte.

Le texte initial suscitait, reconnaissons-le, des craintes et des hésitations, y compris dans certains rangs de la majorité dont je faisais partie : je me suis exprimé en ce sens en commission. Sur l'article 14, les approches ont pu diverger, mais c'est finalement à l'unanimité que celui-ci a été rejeté. Le texte initial a donc été largement modifié et amélioré, comme l'attestent d'ailleurs les annonces de Mme la garde des sceaux cet après-midi. La situation des avoués comme celle de leurs salariés a été prise en compte ; prétendre le contraire serait démagogique. Nous avons fait en sorte que la réforme soit la plus acceptable possible ; je crois que c'est le cas. Voilà pourquoi j'espère que nous la mènerons à bien, dans l'intérêt des justiciables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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