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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 6 octobre 2009 à 15h00
Fusion des professions d'avocat et d'avoué — Discussion d'un projet de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi soumis à votre examen vise à simplifier la représentation des parties devant les cours d'appel. À cette fin, il unifie les professions d'avoué et d'avocat à compter du 1er janvier 2011.

Ce texte a fait l'objet d'un certain nombre de débats, notamment en commission ; je me réjouis de nos échanges, et je voudrais saluer l'implication de la commission des lois et de son président, ainsi que le travail de votre rapporteur – un travail important, qui a permis de mieux cerner les difficultés et contribué à dégager les meilleures solutions possibles.

Nous le savons – car nous l'entendons sur le terrain, dans nos permanences –, les Français considèrent la justice comme trop lente – nous y reviendrons : je vous ferai des propositions à ce sujet –, trop complexe, trop lourde, trop chère. Or si nous voulons que les Français prennent conscience que la justice est au coeur de nos institutions, et qu'elle constitue un élément essentiel de la cohésion nationale, il nous faut répondre à leurs critiques, et donc mettre en oeuvre une véritable stratégie de modernisation et de simplification. C'est dans une telle stratégie que s'inscrit la réforme de la représentation devant les cours d'appel.

Aujourd'hui, les règles de représentation en cour d'appel sont, reconnaissons-le, complexes et coûteuses. Elles sont surtout – et c'est essentiel pour le regard que nos concitoyens portent sur la justice – mal comprises. De surcroît, elles posent un problème de compatibilité avec le droit communautaire : il faut en avoir conscience, même si ce n'est pas la raison première de cette réforme.

Il ne s'agit pas, je tiens à le préciser, de critiquer en quoi que ce soit les avoués ou leurs collaborateurs : leur professionnalisme, leurs qualités de juristes et leur dévouement au service des justiciables ne sont nullement en cause. Ce qui est en cause, c'est la réalité d'une procédure héritée du xve siècle : la scission entre, d'une part, les avoués et, de l'autre, les avocats.

Ce problème a été identifié depuis longtemps : l'unification des deux professions a été mise en oeuvre pour les juridictions de première instance dès 1971. Quarante ans après, le Gouvernement estime utile, normal, nécessaire, de compléter la réforme. C'est ce que nous vous proposons.

Mon objectif – j'ai eu l'occasion de le dire, en commission ou dans cet hémicycle – est de rendre la justice plus lisible, plus accessible, plus proche du citoyen, de lui permettre de faire face à l'ouverture internationale et de se tourner résolument vers l'avenir. La justice est porteuse des valeurs et des principes de la démocratie ; elle doit aussi savoir utiliser les apports de notre temps pour devenir plus efficace, plus rapide, plus ouverte, plus transparente.

Aujourd'hui, avoués et avocats ont les mêmes diplômes, la même connaissance du droit, les mêmes qualités de conseil. Il faut en tirer toutes les conséquences, et donc concevoir une modernisation globale de la procédure d'appel – mais aussi, bien sûr, prévoir des mesures d'accompagnement adaptées aux conséquences de la réforme.

L'unification des professions d'avoué et d'avocat, je le souligne, s'inscrit dans une modernisation globale de la procédure d'appel. Trois finalités sont recherchées : recentrer la représentation sur les avocats ; diminuer les coûts pour le justiciable ; développer les nouvelles technologies.

Simplifier les procédures, c'est d'abord recentrer la représentation sur les avocats, c'est-à-dire offrir au justiciable la possibilité d'un interlocuteur unique en appel : le projet de loi prévoit que l'ensemble des avocats du ressort de la cour d'appel pourront représenter leurs clients devant cette juridiction. En conséquence, les offices d'avoués seront supprimés.

Les avoués deviendront automatiquement avocats – sauf, bien entendu, s'ils y renoncent. Ils seront inscrits d'office au tableau du barreau établi auprès du tribunal de grande instance dans lequel se trouve leur office. Ils pourront toutefois choisir, s'ils le souhaitent, une inscription auprès de n'importe quel autre barreau de France.

Il s'agit ensuite de diminuer les coûts pour le justiciable. Le tarif de postulation sera supprimé en appel. Cette suppression représente une diminution réelle du coût de la justice pour le justiciable.

Les honoraires de l'avocat seront librement fixés en accord avec le justiciable. Bien entendu, je compte sur le sens de la responsabilité des avocats – je leur en ai parlé – pour ne pas galvauder la réforme.

La partie perdante doit participer davantage aux coûts de la procédure. Une fraction des honoraires d'avocat sera désormais mise à la charge de la partie perdante, au titre des dépens prévus par l'article 695 du code de procédure civile.

Il s'agit enfin de développer les nouvelles technologies. La dématérialisation – j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer lors d'autres débats – est un atout réel pour la sécurité des transmissions, pour l'efficacité des procédures et pour la rationalisation des dossiers. C'est d'autant plus vrai à l'heure où les avocats seront appelés à exercer dans des cours d'appel parfois très éloignées de leur cabinet.

L'obligation d'introduire l'instance par voie électronique, à peine d'irrecevabilité, est prévue par un décret en cours d'examen au Conseil d'État. D'abord applicable à la seule déclaration d'appel à compter du 1er janvier 2011, cette obligation sera progressivement étendue à toute la procédure. C'est là, je crois, un élément important de rapidité, mais aussi de sécurité.

Pour favoriser le dialogue entre chefs de cour et avocats, le projet de loi prévoit qu'un avocat, désigné parmi les bâtonniers du ressort, sera chargé de traiter des questions relatives à la communication électronique.

Voilà ce qu'il en est du dispositif général lié à la procédure.

Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement mesure bien l'ampleur de la réforme. À ce titre, depuis mon arrivée au ministère de la justice, je me suis particulièrement attachée à limiter les conséquences négatives qui pourraient en résulter pour les avoués et leurs salariés. Des mesures d'accompagnement étaient donc prévues par le projet de loi initial, qui ont été améliorées depuis. Elles répondent à une triple exigence : elles entendent d'abord favoriser l'activité ou la reprise d'activité du plus grand nombre possible des avoués et des salariés sur la base du libre choix en prévoyant des passerelles vers d'autres professions du droit ; elles prévoient ensuite une juste indemnité pour le préjudice subi ; elles essaient enfin d'éviter les ruptures brutales en aménageant une période transitoire, indispensable pour une réforme de cette importance.

En ce qui concerne les passerelles vers les autres professions judiciaires et juridiques, l'accès à la profession d'avocat sera automatique pour les avoués qui le souhaitent. De même, pour leurs collaborateurs juristes, les conditions seront assouplies. Par ailleurs, l'accès aux métiers d'officiers publics ministériels sera facilité pour les avoués et leurs collaborateurs, compte tenu de leur degré de formation et d'expérience. Les décrets nécessaires seront publiés avant la fin de l'année et l'ensemble de ces passerelles seront mises en oeuvre dès 2010.

En outre, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, c'est-à-dire tout de suite, j'ai obtenu que soient créés, dans les services judiciaires, 380 postes qui seront réservés aux salariés d'avoués.

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