L'article 24 est en effet l'un des plus sensibles : nous touchons là à l'humanité. S'il est d'ailleurs un domaine sur lequel nous attendions beaucoup de la loi fondamentale qu'est, paraît-il, ce texte, c'est bien cette question des fouilles : c'était en effet un engagement du Président de la République, qui, lorsqu'il était encore candidat, avait, devant les états généraux de la condition pénitentiaire – grand moment pour l'univers pénitentiaire –, jugé indigne, comme tous ceux qui ont un jour découvert ce sujet, la manière dont nous procédions. En disant cela, je n'incrimine personne : c'est une accumulation de mauvaises pratiques qu'il convient de rectifier.
Comment ne pas dire, pour commencer, mon accord avec le constat fait par le rapporteur dans son rapport ? Je le cite : « un régime qui engendre des critiques fortes et anciennes », « un cadre juridique insuffisant », « d'importantes disparités entre les établissements », « le caractère intrinsèquement humiliant » des fouilles – ce sont d'ailleurs les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Et le rapporteur de conclure sur la nécessité « d'encadrer » ces fouilles.
Le problème, c'est que, une fois dépassé le stade du constat et atteint celui de la préconisation, cela se gâte, parce que ce qui est proposé est bien en deçà de ce que le constat appelle. Comme l'a bien dit Dominique Raimbourg, il s'agit de « droit mou », de droit déclaratoire, non de droit effectif ; l'article 24 nous propose simplement de consacrer l'existant. Nous sommes une fois de plus à droit constant ; c'est l'avis même de la commission nationale consultative des droits de l'homme, dont on conviendra qu'il s'agit d'une institution éminemment respectable et, surtout, pertinente sur ces questions.
Au-delà même de ce que dit la CNCDH, l'article 24 ne nous préserve pas des déjà nombreuses condamnations prononcées contre la France sur cette question de la dignité liée aux fouilles. L'arrêt Frérotdu 12 juin 2007 – que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur –, par lequel la France a été condamnée pour une succession de huit ou neuf fouilles en deux ans, n'est pas exécuté par la proposition que vous nous faites à l'article 24. Avec l'adoption de cet article, les condamnations continueront donc inévitablement.
Par ailleurs, dans sa décision de 1994, le Conseil constitutionnel estime que la sauvegarde de la dignité des personnes humaines contre toute forme d'avilissement et de dégradation est un principe « indérogeable », ce qui signifie, dans la terminologie du Conseil, qu'elle n'a pas à être conciliée avec d'autres principes.
La dignité humaine implique de proscrire les fouilles corporelles, ce que ne fait pas cet article, et ce que proposeront les amendements que nous défendrons dans quelques instants.