Mon intervention portera sur les différents articles du projet de loi figurant dans la section 5 consacrée à la santé.
Pour la commission et le Gouvernement, la santé des détenus, comme ils viennent de le rappeler, se définit par ces mots : « La prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le code de la santé publique. » Cette définition n'est rien d'autre que l'application de la loi de 1994. Or tout le monde s'accorde à dire que, depuis 1994, depuis la commission d'enquête parlementaire de 2000, l'objectif d'un équivalent de soins entre l'intérieur et l'extérieur n'est toujours pas atteint. Se contenter d'une telle précision ne constitue nullement une avancée significative en matière de soins dans les prisons au regard de l'attention toute particulière que nous devons accorder à cette question essentielle au regard notamment des règles pénitentiaires européennes. Il s'agit en fait d'un simple renvoi – pour ne pas dire d'une décharge de la responsabilité du service public hospitalier – indécent selon nous : disons les choses comme elles sont.
Au regard des articles 20 à 25, il ressort que l'administration pénitentaire est plutôt intéressée par l'inventaire des personnes autorisées à s'entretenir avec les détenus – article 21 – ou à conserver le pouvoir d'habilitation de personnes autorisées à venir en aide au détenu lorsqu'il est empêché d'accomplir lui-même des gestes qui sont liés à ses soins médicaux – article 22.
Aux termes de la règle pénitentaire 39 , les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elle a la garde. Elles ont « la responsabilité non seulement d'assurer l'effectivité de l'accès des détenus aux soins médicaux, mais également de créer les conditions qui favorisent le bien-être des détenus et du personnel pénitentiaire. » Or ce projet de loi ne fournit aucune orientation explicite sur la politique sanitaire dans les prisons ni sur l'organisation et les missions des services médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. Il ne dit pas un mot sur le rôle du médecin et de ses relations avec l'administration des prisons, la fréquence des visites, le respect du secret médical, le signalement de violences ou de pressions psychologiques, le maintien d'un suivi et d'une assistance médicale en cas d'isolement cellulaire, l'avis des médecins sur l'hygiène, les installations sanitaires, la ventilation de la prison. Autant de carences qui témoignent des faibles ambitions, pour ne pas dire de la véritable démission de l'administration pénitentiaire en matière de santé dans les prisons. Sur ces points essentiels, force est de constater que nos collègues sénateurs n'ont pas apporté beaucoup d'améliorations.
Permettez-moi de citer la Commission nationale consultative des droits de l'homme sur l'article 21 : « La CNCDH ne comprend pas les raisons pour lesquelles il est envisagé dans le texte, dans le cadre de l'accompagnement d'un détenu en fin de vie par une tierce personne, de subordonner la possibilité de rencontre hors de la présence d'un personnel pénitentiaire à l'existence d'une autorisation et d'un permis de visite spécifiques. »
« De surcroît – ajoute la CNCDH – aucune précision n'est apportée sur cette autorisation ou ce permis de visite, ni sur les motifs pour lesquels le chef d'établissement pourrait les refuser. » Encore une fois, l'arbitraire est laissé à l'administration pénitentiaire.
« Il en est de même de la disposition ( article 22) qui vise la situation d'un détenu malade, dans l'incapacité d'accomplir par lui-même les gestes liés à des soins médicaux, et qui entend subordonner la désignation de l'aidant appelé à l'assister et favoriser son autonomie à une autorisation de l'administration pénitentaire. »
« La CNCDH estime préférable que soit reconnue au détenu – et c'est ce que nous proposons – la faculté de désigner par lui-même la personne de son choix, sans interférence de l'administration. »
Aucune disposition n'est prévue pour ce qui concerne la poursuite des soins – Mme Lemorton l'a évoqué – prescrits avant incarcération, sur les situations de handicap et de dépendance, sur le respect du secret médical, sur les extractions médicales. Quant aux questions soulevées par les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire, elles sont totalement absentes du projet de loi. Quand on sait le nombre de malades psychiatriques qui se trouvent en prison, l'on est en droit de se dire qu'il y a un grave problème.
(L'article 20 A est adopté.)