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Intervention de Arnaud Robinet

Réunion du 28 septembre 2009 à 15h00
Vote électronique pour les élections au conseil des établissements publics à caractère culturel scientifique et professionnel — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Monsieur le président, madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, si la citoyenneté était à l'image des élections universitaires, la démocratie serait au plus mal. Jugez plutôt : pour les scrutins aux conseils centraux des universités et des grands établissements, autrement dit les EPSCP, la participation dépasse rarement 22 % et avoisine la plupart du temps 15 %. En d'autres termes, l'abstention atteint, dans le meilleur des cas, le déplorable score de 78 %.

Pouvons-nous nous satisfaire de ces résultats ? Je ne le crois pas. Car il est de notre devoir d'élus de permettre aux jeunes de faire entendre leur voix et, s'ils se taisent, de les y inciter.

C'est l'objet de la présente proposition de loi, qui tend à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Où en sommes-nous de l'évolution de ce texte ? Les plus attentifs d'entre nous auront noté que deux de ses articles, dont le plus important, l'article 1er, ont été très récemment rejetés pour irrecevabilité financière. Restaient donc deux articles de coordination, auxquels nous sommes redevables d'avoir permis le maintien de l'inscription de la proposition à l'ordre du jour de notre assemblée.

Mais le maintien à l'ordre du jour ne résolvait pas tout, loin s'en faut. Du fait de la déclaration d'irrecevabilité, nous n'aurions été appelés à voter tout à l'heure qu'un texte réduit comme une peau de chagrin si le Gouvernement, qui n'est pas soumis au respect de l'article 40 de la Constitution, n'avait heureusement déposé deux amendements reprenant mot pour mot les deux articles déclarés irrecevables, dans leur rédaction issue des travaux de la commission.

Voilà pour les questions de procédure. Qu'en est-il à présent du fond ? Revenons un instant sur les motifs de la présente proposition, et en particulier sur les causes de la désaffection observée aux élections universitaires. Pourquoi les étudiants ne votent-ils pas ?

Ce ne sont pourtant pas les enjeux qui manquent. Il suffit pour s'en convaincre d'avoir égard aux attributions des conseils centraux : considérables pour le conseil d'administration, notables pour le conseil scientifique et pour le conseil des études et de la vie universitaire, et récemment renforcées par la loi relative aux responsabilités et à l'autonomie des universités. Et ces grandes, ces nombreuses attributions, ont pour corollaire la désignation, au sein de ces conseils, de représentants des personnels et des usagers. C'est l'essence même de la démocratie universitaire, et c'est ce principe qu'ont rappelé toutes les grandes lois de l'enseignement supérieur, de 1968 à 2007.

L'on mesure donc toute l'importance que représentent les élections à ces organes pour la démocratie universitaire, et l'on conçoit que la légitimité des décisions qu'ils adoptent est fonction de la force de la participation.

Arrêtons-nous quelques instants sur les modalités de ces élections. Peut-on affirmer, en toute franchise, qu'elles sont de nature à inciter au vote ? De toute évidence non. Les emplois du temps segmentés, les stages de terrain font que nombre d'étudiants sont physiquement absents lorsque les élections ont lieu. La situation des bureaux de vote sur des campus souvent très éclatés dissuade fortement de se rendre jusqu'à l'urne. Et ceux des étudiants qui sont limités dans leurs déplacements du fait d'une maladie ou d'un handicap sont pratiquement exclus de la démocratie universitaire.

Parce qu'il peut être effectué depuis n'importe quel poste informatique, le vote électronique pallie, à lui seul, la plupart de ces obstacles matériels.

Le recours à cette technique est déjà autorisé par des lois ou des décrets pour plusieurs catégories d'élection : celle des Français de l'étranger, soit 650 000 personnes, celle des conseillers de quartier, celle des délégués du personnel et de certains conseillers prud'homaux. En d'autres termes, un nombre toujours croissant de scrutins bénéficie du vote électronique. Et jusqu'à présent, aussi curieux que cela puisse paraître, la population la plus proche des nouvelles technologies est, en droit, celle qui en est le plus éloignée.

L'objet de la présente proposition de loi est de faire en sorte que les établissements d'enseignement supérieur puissent eux aussi en faire usage pour les élections aux conseils centraux. Et c'est sur cette faculté nouvelle que nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui.

L'article 1er du texte soumis à notre examen dispose que l'élection a lieu soit par dépôt d'un bulletin de vote en papier dans une urne, soit par voie électronique. Il n'est donc pas question de substituer une procédure à une autre, mais d'offrir une alternative aux EPSCP. Il s'agit d'une alternative, parce que les choix seront exclusifs l'un de l'autre. Il va de soi que la combinaison des deux procédures compliquerait bien inutilement les choses en ce qu'elle contraindrait les établissements à assumer l'organisation d'une élection « traditionnelle » et à préparer, dans le même temps, la mise en place d'un système informatique sophistiqué, sans compter le risque d'erreur engendré par la concomitance des deux méthodes.

Parce que la sécurité est précisément au coeur du texte que nous examinons, le soin a donc été pris de mentionner la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dans le corps du dispositif. Et en cas d'adoption de la présente proposition par notre assemblée, un décret d'application, pris conformément aux recommandations émises par la CNIL en juillet 2003, viendra entourer le mécanisme de toutes les garanties nécessaires à la sincérité du scrutin et à la confidentialité des données. L'expertise indépendante des systèmes informatiques, le chiffrement du bulletin de vote et l'horodatage de l'émargement sont des exemples parmi d'autres des nombreuses précautions établies par la CNIL et reprises par le Gouvernement. Ainsi, le vote électronique, qui n'est qu'une déclinaison particulière de l'exercice démocratique, respecte scrupuleusement chacun des principes fondamentaux qui président à la tenue de toute opération électorale.

C'est encore par respect de ces principes fondamentaux que le vote par procuration n'est pas admis lorsque la voie électronique a été retenue. La seconde phrase du 2 de l'article 1er apporte cette précision qui protège utilement la confidentialité des données nominatives, confidentialité sur laquelle repose l'intégralité du système.

L'article 2 tire les conséquences des dispositions insérées par l'article 1er, en supprimant le sixième alinéa de l'article L. 719-1 du code de l'éducation. Ce dernier article disposant que le vote par correspondance n'est pas autorisé et que les électeurs empêchés de voter personnellement sont admis à voter par procuration, sa survivance introduirait une incohérence par rapport à la seconde phrase du 2 de l'article 1er de la proposition.

L'article 2 bis est de coordination et consiste à modifier l'énoncé de l'article L. 781-6 du code de l'éducation pour tenir compte de la suppression du sixième alinéa de l'article L. 719-1 du même code.

L'article 3, qui prévoit l'applicabilité de la présente proposition à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna, ne nécessite pas d'autres commentaires.

Que peut-on raisonnablement souhaiter d'un tel dispositif ? Le vote électronique n'est pas conçu, dans l'esprit des membres de la commission, comme le remède ultime à l'apathie démocratique constatée dans nos facs. L'intérêt que sauront susciter les candidats, le dynamisme des campagnes électorales et, pour revenir à ce qui nous occupe, la connaissance qu'auront les électeurs de cette voie électronique, devront bien entendu seconder cette réforme purement technique. Et, sur chacun de ces points, le politique a son rôle à jouer. Le déploiement du plan « Université numérique », qui suit les recommandations du rapport remis l'an passé par M. Henri Isaac à Mme le ministre, représente a lui seul 16 millions d'euros, une manne qui pourra financer notamment la création d'un environnement numérique de travail dans chaque EPSCP, voire de sites Internet entièrement dédiés aux élections universitaires.

Ce que nous pouvons espérer de la mise en place du vote électronique, c'est une augmentation de la participation qui sera croissante à mesure que les étudiants se familiariseront avec cet outil nouveau. L'expérience a prouvé que le vote électronique peut avoir un impact positif sur la participation. C'est le cas à Nantes, dans le cadre d'une élection effectuée à titre expérimental dans l'enceinte de l'université en 2004.

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