Toutefois, il y aura peut-être encore plus grave en raison du vote d'aujourd'hui.
Après la censure du Conseil constitutionnel, vous auriez pu décider d'un moratoire. Or, pour satisfaire aux oukases du Président de la République, vous avez décidé de faire examiner un nouveau texte, qui rompt avec la prétendue finalité pédagogique du premier. Aujourd'hui, c'est clair, et bas les masques ! Vous êtes revenu à la logique exclusivement répressive de la loi DADVSI !
De fait, HADOPI 2 n'est qu'un bricolage estival destiné à passer outre l'arrêt du Conseil constitutionnel. Le recours à l'ordonnance pénale pour les délits de contrefaçon apparaît comme exorbitante du droit commun, puisque ce recours n'est possible, aux termes de l'article 495 du code de procédure pénale, que lorsqu'il « résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis ». La difficulté de l'établissement des faits en matière de téléchargement illégal aurait dû vous conduire à exclure cette procédure.
De plus, la lourdeur des peines encourues est incompatible avec l'utilisation de celle-ci, alors que le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 10 juin 2009, que le droit de se connecter à internet relève de l'exercice de la liberté de communication et d'expression, protégée par la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Enfin, rien ne justifie des traitements différents selon la manière dont est commis le délit de contrefaçon : procédure classique pour le délit de contrefaçon ordinaire et ordonnance pénale pour les délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication en ligne.
La sanction est devenue une fin en soi, en dépit des risques d'erreurs, des atteintes aux libertés publiques et des graves conséquences économiques qui pourraient en résulter. C'est du reste la raison pour laquelle, au cours du débat, nous avons proposé d'exonérer pénalement les personnes morales si l'infraction a été commise à partir de leur adresse IP. Les collectivités locales, les établissements de formation, ainsi que la SNCF ou les aéroports, qui mettent en oeuvre des réseaux Wifï ouverts, pourront se voir condamnés parce que des citoyens auront utilisé ces réseaux.
On ne peut que regretter cet ultime bricolage législatif. Tout au long des débats, vous avez montré qu'il ne s'agissait pas pour vous de défendre de manière pérenne le principe du droit d'auteur, mais de considérer internet comme une menace et un danger. Comme très souvent, vous défendez une vision du monde dépassée, en l'occurrence une industrie culturelle à bout de souffle, qui tente d'en rester au stade du support physique. Nous sommes nombreux ici, et pas seulement dans les rangs de l'opposition, à considérer internet comme une chance pour l'avenir.