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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 22 septembre 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la majorité vient de rater l'occasion de faire un grand pas vers plus d'humanité et d'efficacité dans notre système pénitentiaire. Suroccupation, promiscuité, violence, arbitraire, droits étriqués des détenus, illettrisme, faible niveau de formation, état de santé médiocre, troubles psychiatriques, alcoolisme, toxicomanie, vagues de suicides touchant aussi bien les détenus que le personnel pénitentiaire, tel est le sombre tableau des prisons françaises, dans lesquelles plus de 80 % des détenus purgent des peines inférieures à un an d'emprisonnement.

Face à cette situation et malgré la déclaration d'urgence, qui a laissé peu de place au débat, la gauche a fait, à l'Assemblée, un travail sérieux et approfondi, tout comme l'avait fait, au Sénat, le rapporteur Lecerf, qui avait su écouter la gauche conduite par Robert Badinter. Ici, hélas, la quasi-totalité de nos amendements destinés à donner un sens à la peine a été rejetée. Le résultat de ce débat est grave, désespérant, d'autant que le texte auquel vous avez abouti constitue une régression par rapport à celui du Sénat sur trois points essentiels.

Premièrement, vous régressez sur l'aménagement des peines comprises en un et deux ans de prison pour les récidivistes et ceux supposés récidiver, alors qu'ils sont certainement ceux ayant le plus besoin de ces aménagements.

Par ailleurs, sur le régime différencié que vous vous obstinez, madame la ministre, à nous présenter comme une individualisation des peines alors que cette mesure sera purement disciplinaire, vous mélangez les genres, le régime différencié allant à l'encontre du principe même selon lequel seul le juge est habilité à prononcer une peine. La vraie solution aurait évidemment été ailleurs : après observation approfondie du condamné, son parcours d'exécution de peine aurait été ordonné par le juge d'application des peines, et non par l'administration, dont ce n'est pas la fonction.

Enfin, en dépit de votre présentation, le recul est total sur un principe fondamental, celui de l'encellulement individuel voté par l'unanimité par l'Assemblée nationale et le Sénat dès 2000. Ce principe est remplacé par un libre choix du détenu, qui ne s'appliquera au mieux que dans cinq ans, en 2014. Je vous rappelle qu'en 2006, une consultation auprès de 10 000 détenus a démontré que 84 % d'entre eux, s'ils en avaient le choix, opteraient pour une cellule individuelle. Depuis le décret pris par votre prédécesseur en 2008, seuls 500 détenus en ont fait la demande. Comment s'en étonner quand l'encellulement individuel n'est acquis qu'au prix de l'éloignement à plusieurs centaines de kilomètres, donc de la rupture avec les liens familiaux, si précieux en termes de réinsertion ?

Nous attendions mieux, nous attendions plus de cette loi pénitentiaire, madame la ministre. Nous attendions que les droits de la personne détenue soient affirmés avec plus de force, que la dignité lors des fouilles soit respectée, qu'un effort bien plus important soit apporté à la formation, à la santé, aux conditions de travail. Nous attendions que l'administration pénitentiaire soit rétablie dans son rôle, son personnel mieux considéré, et que les droits et devoirs des détenus soient réaffirmés. Nous attendions que les amendements sur le numerus clausus de notre collègue Dominique Raimbourg ne soient pas écartés d'emblée. Nous attendions plus d'imagination et de souplesse dans l'aménagement des peines. Nous espérions qu'après 130 ans d'attente, l'encellulement individuel devienne enfin une réalité. Nous espérions en finir avec « la honte de la République », comme le disait le Président de la République à Versailles au mois de juin. Pleins de déception et d'amertume face à cette occasion manquée, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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